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si un autre idiome n'eût remplacé le latin. La France pourvut à cette nécessité, et la langue française devint celle des cours. Depuis lors, son usage est adopté pour les négociations et les écrits diplomatiques. Cependant, lorsque la France est partie contractante, on déclare, dans un article séparé, que la langue française a été employée sans tirer à conséquence.

Le goût de Louis XIV pour la guerre imprime un caractère particulier à la Diplomatie. On vit fermenter dans tous les cabinets des idées d'ambition et d'accroissement; de là tant de combinaisons défensives, de ligues sans cesse renaissantes, et l'usage des moyens que Louis ne se faisait aucun scrupule d'employer le fer et la flamme, l'adresse un peu forcée dans les négociations, les émissaires et la corruption'.

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Quelque exagérées que fussent assurément les vues de domination attribuées à Louis XIV, c'était cependant pour élever un rempart à l'abri duquel les peuples trouvassent sûreté et protection, que Guillaume III mit en crédit le système des barrières politiques, consistant, soit dans plusieurs rangs de places fortes, soit dans l'interposition d'États capables de former un obstacle insurmontable, ou d'arrêter du moins le premier effet de son irruption.

On trouve dans cette période un grand nombre de

'On se ferait difficilement une idée des moyens de séduction employés álors dans certaines cours. Nous avons eu sous les yeux les copies des Instructions données par Louis XIV à ses ambassadeurs à Rome, à Turin, à Madrid, à Londres, en Hollande, à Vienne, à la diète de Ratisbonne, en Suède, en Danemark, auprès de l'électeur de Brandebourg, et des cours de Brunswick, de Munster, de Cologne, de Mayence, de Wurtemberg et autres maisons d'Allemagne. Ces Instructions, qui résument toutes les notions acquises sur les différentes puissances par les missions antérieures, et qui renferment un ensemble de desseins, de vues et de motifs raisonnés, propres à faire connaître l'esprit et les tendances du cabinet de Versailles, présentent un bien curieux tableau des mœurs politiques de cette époque.

traités de commerce, bien conçus et auxquels sont annexés des tarifs complets; de traités de marine et de navigation, relatifs à la conduite des navires, au cérémonial maritime, aux priviléges des pavillons, etc. Les traités et articles secrets, les articles séparés, n'étaient point connus dans les premiers temps des relations politiques, mais toutes ces choses se reproduisent fréquemment parmi les actes du cabinet de Louis XIV; et il faut ajouter qu'antérieurement, sous le ministère de Richelieu, on avait même imaginé des traités simulés.

Les noms qui parurent alors sur la scène avec éclat sont ceux de Bassompierre, des deux d'Avaux, Servien, Mazarin, Lyonne, d'Estrades, Courtin, Pomponne, Croissy, Torcy, les cardinaux de Janson, de Polignac.

TROISIÈME PÉRIODE

(ACCROISSEMENT ET DÉCADENCE DU SYSTÈME)
1715 à 1791.

Jamais la politique européenne n'a plus varié que dans les soixante-seize années que renferme cette période. Après la guerre de la succession d'Espagne, toutes les puissances qui y avaient pris part, épuisées d'hommes et d'argent, n'aspirent qu'au repos. L'ancien système politique éprouve de grandes modifications; les deux monarchies qui, par leur rivalité, avaient assuré l'équilibre de l'Europe, la France et la maison d'Autriche, voient d'heureux émules se placer à côté d'elles, et les autres puissances se félicitent de ce que de nouveaux contre-poids garantissent leur existence. A cette époque se forment trois grands États qui bientôt mettront un poids décisif dans la balance. La Russie, victorieuse de la Suède, acquiert par ses conquêtes de l'ascendant en Europe, et les progrès

qu'elle fait dans les arts de la civilisation lui assurent une place dans la famille européenne. La Prusse, se parant de la dignité royale, annonce une noble ambition justifiée par le génie de Frédéric; un trésor, des troupes aguerries, et l'acquisition de la Silésie la placent au premier rang. De son côté, l'Angleterre devient la reine des mers; son industrie toujours active, un commerce immense, les ressources qu'elle demande à des emprunts organisés sur de nouveaux principes, lui permettent d'entretenir une marine formidable; ennemie naturelle de la France, elle se fait l'amie de la Hollande, du Portugal et de la Russie; et, pour empêcher sa rivale de relever sa marine détruite, en 1694, au combat de la Hogue, elle met tout son art à lui susciter des guerres continentales. La Russie surgissant au sein des affaires européennes, grâce au génie novateur de Pierre le Grand, les accroissements de la Prusse, les progrès rapides de la Grande-Bretagne donnent une nouvelle tendance à la politique européenne; mais la révolution de France vient annuler ces combinaisons : le lien des États est rompu, et l'antique édifice s'est écroulé!

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PREMIÈRE ÉPOQUE.

1715-1763. La France et l'Angleterre se réconcilient pour faire la guerre à Philippe V, et la quadruple alliance (1718) ayant déjoué les projets d'Albéroni, l'Espagne est forcée d'accepter les conditions de ce traité. La maison de Habsbourg est sur le point de s'éteindre. Charles VI, qui n'a point de fils, veut assurer son héritage à sa fille aînée par la Pragmatique sanction qu'il fait accepter à toutes les puissances. Il meurt tranquille, mais il ne laisse ni armée ni trésor pour soutenir les droits de Marie-Thérèse. Une foule de prétendants se présentent pour démembrer la monarchie autrichienne. La Prusse combat pour son agrandisse

ment, et elle acquiert la Silésie. Marie-Thérèse est obligée de céder cette province, et ce sacrifice, fait à propos, et celui de quelques districts en Italie, sauvent à cette princesse le reste de son héritage. A peine l'Europe a-t-elle joui de huit années de paix que le roi de Prusse, cette fois pour se défendre, envahit la Saxe et la Bohême. Dans l'intervalle, la politique européenne avait de nouveau changé. Une alliance défensive (1756) a réuni la France et l'Autriche, rivales depuis des siècles. La Grande-Bretagne, qui, seule jusqu'alors avait protégé l'héritière de Charles VI, est maintenant dans les rangs de ses ennemis. Deux guerres désolaient à la fois le monde. L'Océan et l'Amérique sont le théâtre de l'une, l'Allemagne est le foyer de l'autre. Après une lutte de sept ans, la mort de l'impératrice de Russie, Élisabeth, suffit pour produire une révolution dans le système politique. La coalition formée contre Frédéric est dissoute, et ce prince eut la gloire de conclure la paix d'Hubertsbourg (1763) sans rien abandonner de ses précédentes conquêtes. Ainsi fut consolidé le système politique que Frédéric avait voulu fonder. La Prusse et l'Autriche devinrent les deux premières puissances continentales. Toutes les affaires rentrent en Europe dans l'État où elles étaient sept ans auparavant. Mais l'Angleterre triomphe; elle a détruit la puissance maritime de la France, malgré les efforts des diverses branches de la maison de Bourbon, réunies entre elles par un pacte de famille (1761).

DEUXIÈME ÉPOQUE.

1763-1791. L'ambition de Joseph II, admis par sa mère au partage de la dignité impériale, allume une nouvelle guerre. Depuis longtemps la maison d'Autriche convoitait la possession de la Bavière : elle voit le moment favorable pour réaliser ce projet; l'héritier de

l'électorat consent à un démembrement de ses États, qui n'est que le prélude d'un échange projeté; mais Frédéric est le protecteur du système germanique; il force l'empereur de renoncer à ses desseins, et conclut avec lui, sous la médiation de la Russie et de la France, la paix de Teschen (1779).

La France avait mis à profit les années de paix pour rétablir sa marine. Elle épie l'occasion de venger un affront qu'elle avait dissimulé. La rébellion des colonies anglaises en Amérique la lui fournit. La guerre éclate de nouveau (1778); la France a vengé son outrage et signe à Versailles une paix glorieuse (1783). Dès ce moment, une République, destinée à jouer un rôle dans la politique des cabinets de l'Europe, lui doit son existence. A l'occasion de cette guerre maritime, les États du Nord forment, pour le maintien de la liberté du commerce, cette union à laquelle accédèrent toutes les autres puissances, l'Angleterre exceptée, et qui est connue sous le nom de traité de la neutralité armée (1780). Depuis plus de cent ans, un lien étroit unissait la GrandeBretagne à la Hollande; la guerre d'Amérique en amène la rupture. Le parti patriote qui domine ce pays s'allie à la France; mais, par une inconcevable faute, celle-ci l'abandonne, et le stathouder rétabli, voit ses droits augmentés. Toutefois la durée de cette révolution ne pouvait être assurée que par les étrangers, et telle fut l'origine de la triple alliance conclue entre l'Angleterre, la Hollande et la Prusse (1788). Ce traité, qui fonda de nouveau l'influence de l'Angleterre sur le continent, et qui, peu d'années après, l'étendit sur le reste de l'Europe, eût produit sans doute des résultats plus importants encore, si un volcan dévastateur n'était venu s'ouvrir au sein du premier des États de l'Europe occidentale.

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