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Brunswick; des princes français régnaient en Hollande et en Italie; l'Espagne était liée; et des Pyrénées à la Vistule, on trouvait partout la domination française, les lois françaises, et, au sein de la paix, des armées françaises. Mais le lion britannique veillait! On avait bien stipulé à Tilsitt la médiation de la Russie pour forcer l'Angleterre à la paix, mais c'était sans confiance. C'est alors que surgit le dessein du Système continental, qui consistait dans l'exclusion absolue de l'Angleterre et de son commerce. Deux États seulement, aux extrémités de l'Europe, en restaient affranchis, la Porte et le Portugal. Le partage de ce dernier royaume était arrêté entre l'Espagne et la France, par le traité secret de Fontainebleau (1807). Une armée combinée des deux puissances envahit les provinces portugaises; la maison de Bragance cède le territoire, mais, à la sollicitation pressante de l'Angleterre, elle va élever un trône au delà de l'Océan.

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Maintenant la politique française tourne ses artifices contre l'Espagne. Madrid reçoit dans la personne d'un frère de Napoléon un roi des Espagnes et des In-’ des (1808). A ce moment, tous les Bourbons étaient précipités du trône. Mais l'envahissement de l'Espagne ouvre le gouffre où s'engloutiront l'armée, les finances et le pouvoir d'opinion de la France. - Et d'abord il procure un champ de bataille aux Anglais. Dès lors l'Autriche croit le moment favorable pour se soustraire au joug que le traité de Presbourg lui a imposé; elle prend les armes et commence la cinquième coalition; mais, trahie par la fortune, après la bataille meurtrière de Wagram, elle signe la paix à Schoenbrunn (oct. 1809). Le vainqueur avait déjà profité de la lutte contre l'Autriche, qui attirait tous les regards, pour frapper un coup depuis longtemps médité. De trop hautes idées se rattachaient en effet au nom de

Rome, pour que, sans sa souveraineté, la domination sur l'Europe pût être affermie. Napoléon invoque le droit à la succession de Charlemagne, et un décret, daté de Vienne, ordonne la réunion des États de l'Église à l'Empire français.

Les bouleversements politiques devaient s'étendre jusqu'aux frontières de la Laponie. Ils y furent occasionnés par l'opiniâtre fermeté du roi de Suède, Gustave IV, et son étroite liaison avec l'Angleterre. Resté en guerre avec la France, il est amené à la soutenir contre le Danemark et la Russie. Dans cette lutte, il fait perdre le trône à sa maison, la Finlande à son royaume. Le sceptre passe aux mains de l'oncle de Gustave, et la paix est signée, avec la Russie, à Friedrichsham (1809); avec le Danemark, à Jonköping; et avec la France, à Paris (1810). -Ainsi fut rétablie la tranquillité apparente sur tout le continent, l'Espagne exceptée.

Jusqu'ici la guerre et la paix, le renversement et l'édification des trônes avaient fondé le système de Napoléon; mais son affermissement demandait d'autres mesures. Il lui sembla que des liens de famille pouvaient seuls cimenter sa puissance. Déjà ses proches s'étaient alliés à d'anciennes maisons régnantes, et bientôt le dominateur lui-même s'unit à la fille des Césars (1810); la naissance d'un fils achève de combler ses vœux; elle lui promet une dynastie.

Mais, abstraction faite du caractère de Napoléon, la nature même de la domination qu'il avait créée rendait impossible cet ordre de choses'. La tendance à transformer de plus en plus, à l'exemple de l'ancienne Rome, dans son système provincial, le pouvoir mé

Dès 1841, à l'heure même où tonnait le bronze qui annonçait la naissance du roi de Rome, M. de Talleyrand disait familièrement à ses intimes «< Tout cela finira par UN Bourbon. »

diat en puissance directe, en était inséparable; aussi voit-on la maxime de l'incorporation à la métropole s'appliquer rapidement à une partie de l'Italie, de la Suisse, de l'Allemagne, et à tout le royaume de Hollande.

L'année 1811 ne laisse rien paraître des grandes révolutions qui se préparent; mais la complication du système était telle qu'il suffisait du moindre motif pour laisser apercevoir qu'une terrible lutte devait s'engager bientôt, et qu'elle déciderait du destin de l'Europe.

L'occupation d'Oldenbourg par les Français en fournit le prétexte, et l'empereur Alexandre rappelle le prince Kourakine, son ambassadeur à Paris.

L'ascendant de la politique alors dominante avait préparé toutes les circonstances favorables à une agression contre la Russie. Le chemin était ouvert jusqu'à sa frontière; la chaîne des alliances et des places fortes conduisait jusque-là; et la guerre qu'on avait eu l'art d'allumer entre la Porte et la Russie privait cette dernière d'une partie considérable de ses forces. Mais il faut dire ici qu'elle saura, par une des plus curieuses négociations de l'époque, mettre fin à cette querelle par le traité de Boukharest (1811), et elle enlèvera ainsi à la France sa plus utile assistance. D'autre part, encore, elle signera la paix avec la Suède à Saint-Pétersbourg (avril 1812), avec l'Angleterre à Orebro (12 juillet), et fera un traité avec l'Espagne à WelikyLouky (20 juillet).

La position de l'Autriche est moins périlleuse, et parce qu'elle est placée hors du théâtre de la guerre, et parce qu'elle est sûre d'être ménagée en cette occasion; mais la situation de la Prusse en est plus désespérante, et jamais l'existence de sa monarchie ne fut plus compromise.

Une mutuelle déclaration de guerre signale l'ouver

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ture de la campagne, au mois de mai 1812; et le 15 septembre, le conquérant occupe l'ancienne capitale de l'empire russe. Mais au lieu de Capoue, l'armée ne trouve qu'un désert. Koutousow, qui a des pouvoirs illimités, ordonne à Rostopschin d'incendier Moscou, et l'antique résidence des czars n'offre plus qu'un océan de feu. Il ne reste plus à Napoléon que le parti de la retraite; mais la fatalité d'un hiver à la fois précoce et terrible enchaînera son dessein, et les glaces du Nord ensevelissent la plus brillante et la plus valeureuse des armées !

Alexandre poursuit l'ennemi jusqu'aux frontières de son empire, et dès ce moment le signal de la délivrance de l'Europe est donné. L'orient de cette partie du monde qui venait d'être dévasté par le torrent des peuples de l'occident, va l'inonder à son tour de ses flots vengeurs.

Dans cette conjoncture, de nouvelles alliances devaient naturellement se former.-A Kalisch, la Prusse traite avec la Russie; et à Reichenbach avec l'Angleterre, qui, elle-même, fait une convention avec la Suède.

Les batailles de Lützen et Bautzen rendent nécessaire, aux deux partis épuisés, l'armistice de Poischwitz'. Pendant cette trêve si importante, l'Autriche suspend son alliance avec la France, et intervient comme médiatrice au congrès de Prague. Mais après quelques notes vainement échangées, l'Autriche déclare la guerre à la France, et contracte, à Toeplitz (septembre 1813), une étroite union, d'abord avec la Russie, puis avec l'Angleterre, tandis que cette dernière puissance, garantissant un papier-monnaie créé sous le nom d'argent fédératif, conclut en outre un

Poischwitz, près Jauer, et non Pleiswitz.

traité de subsides (14-15 juin) à Reichenbach, avec la Russie et la Prusse.

Ainsi combattent, l'une contre l'autre, la majeure partie de l'Europe occidentale et de l'Europe orientale. D'un côté, l'Autriche, la Prusse, la Suède et l'Angleterre; de l'autre, la France, l'Italie, la Confédération du Rhin et le Danemark. Puis, en dehors, la lutte de l'Espagne continuera toujours plus sanglante, jusqu'à ce que, vers la fin de l'année, la domination française reçoive, à Vitoria, un coup décisif.

La bataille de Leipzick brise les fers de l'Allemagne, et achève de donner à la guerre un caractère populaire; de toutes parts, le pays est soulevé, et le mouvement se propageant en Hollande, cette nation est la première qui rappelle ses anciens princes. Au même temps, le vice-roi d'Italie, Eugène, dont la gloire militaire ne souffre aucune atteinte, effectue la retraite de la Lombardie : les provinces illyriennes sont délivrées. Murat seul cherche à traiter avec les alliés, mais il recevra le prix de sa duplicité, et sera bientôt réduit à errer en fugitif. La France restait encore intacte, mais les négociations de Châtillon (3 février-15 mars) ne sauveront point Napoléon, car, loin d'accéder aux propositions françaises, la quadruple alliance est resserrée à Chaumont (1er mars); aussi les succès militaires sont poursuivis, et la capitale de l'Empire tombe au pouvoir des armées combinées.

L'abdication de Napoléon, qui accepte la souveraineté de l'île d'Elbe, aplanit le terrain sur lequel le trône des Bourbons est relevé, et la première paix de Paris (30 mai 1814) rend le repos à l'Europe. Le même mois qui donne à la France ses anciens rois, voit aussi rentrer Pie VII à Rome, Ferdinand à Madrid, et VictorEmmanuel à Turin.

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