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fut enfin amenée. La reconstruction de la monarchie prussienne fut accomplie au moyen du partage des États saxons, et par l'annexation des pays constituant autrefois les électorats ecclésiastiques du Rhin et d'autres territoires qu'elle s'efforcera plus tard, moyen d'échanges, de rendre contigus, afin de faire de son empire un tout plus fort et mieux lié, mais qui, dès ce moment, embrassait une population double de celle qui avait été soumise au grand Frédéric.

Le sort de la Pologne, c'est-à-dire la confirmation du partage, fut décidé en même temps que celui de la Saxe. Le duché de Varsovie fut réuni à l'empire de Russie, à l'exception de quelques parties cédées à la Prusse, d'une autre rendue à l'Autriche, et de Cracovie, déclarée cité libre et indépendante, et l'empereur de Russie avait pu écrire, dès le 18 avril, au président du sénat : « Le sort de votre patrie vient enfin d'être fixé; en prenant le titre de roi de Pologne, j'ai voulu satisfaire au vœu de la nation. >>

La reconstruction de la monarchie prussienne appelait pour ainsi dire un complément au nouveau système de barrière que le congrès érigeait pour la sécurité de son propre ouvrage; il fallait établir entre la France et la Confédération germanique un État indépendant qui pût devenir un auxiliaire utile à la Prusse et à l'Autriche, et qui fût placé de manière à ce qu'au premier signal l'Angleterre arrivât à son secours; on décida donc que la Belgique, le grandduché de Luxembourg et les autres provinces de la Hollande, seraient réunis sous la monarchie constitutionnelle du roi des Pays-Bas. Plus tard, le congrès décida encore l'adjonction à ce royaume de la souveraineté du duché de Bouillon, dont la propriété appartiendra au prince de Rohan, en vertu d'un jugement arbitral.

Par le premier article secret du traité de Toeplitz, la reconstruction de l'Autriche sur une échelle proportionnée à celle de 1805 avait été stipulée, et on avait ensuite reconnu en principe que les trois branches de cette maison seraient réintégrées dans les possessions qu'elles avaient en Italie, au commencement de la révolution française. Le congrès rendit donc à l'Autriche tous les territoires qu'elle avait cédés à la France par les traités de Campo-Formio, de Lunéville, de Presbourg, de Fontainebleau et de Vienne, excepté la Belgique et les anciennes possessions autrichiennes en Souabe.

C'est ainsi que l'Autriche formera de nouveau un État arrondi, une puissante monarchie, maîtresse des Alpes et de l'Apennin, dominant sur l'Adriatique, et que sa population, qui était, en 1792, de vingt-trois millions d'habitants, s'élèvera subitement à plus de trente et un millions.

Le duché de Modène fut rendu à l'archiduc François d'Este, et celui de Massa-Carrara à l'archiduchesse Marie-Béatrix d'Este, ainsi qu'à leurs descendants, avec réserve des droits de succession et de réversion à l'Autriche. Le grand-duché de Toscane fut restitué à l'archiduc Ferdinand, et augmenté d'autres territoires. Le duché de Lucques fut donné à l'infante Marie-Louise et à ses descendants, avec réversion à la Toscane. Cependant il s'était élevé deux difficultés qui compliquaient d'une manière fort sérieuse les affaires d'Italie; elles provenaient des prétentions que formaient l'Espagne, d'une part, et Joachim Murat, de l'autre.

Le roi d'Espagne, appuyé de la France et de la Sicile, faisait valoir les droits incontestables de son neveu, le roi d'Étrurie, sur les duchés de Parme, Plaisance et Guastalla, qui cependant avaient été cédés

à l'impératrice Marie-Louise, pour elle, son fils et ses héritiers, par la convention de Fontainebleau, du 11 avril 1844. L'entreprise de Napoléon venant annuler ce traité, la justice paraissait d'accord avec la politique, d'une part pour écarter de la souveraineté un jeune enfant dont l'existence pouvait inquiéter l'Europe, et d'autre part pour rendre les duchés de Parme à leur légitime souverain. Néanmoins, les duchés furent conservés à l'impératrice Marie-Louise, mais assujettis aux droits de succession et de réversion en faveur de l'infant Charles-Louis.

Quant au royaume de Naples, il avait été garanti par l'Autriche à Joachim dans un traité d'alliance qui stipulait même une augmentation de territoire. Mais, d'un autre côté, le prince de Bénévent était chargé par le roi Louis XVIII de négocier la ruine de Murat, et il ne laissa aucune trêve à celui qu'il désignait au congrès comme le seul obstacle au triomphe complet du principe de la légitimité : sur ces entrefaites, Murat, par sa malheureuse entreprise, vint lui-même lever ces entraves; et Ferdinand IV, remontant sur le trône de Naples, fut reconnu comme roi des Deux-Siciles.

Après avoir si fortement constitué la maison d'Autriche en Italie, il importait qu'une puissance respectable fût placée comme intermédiaire entre cette maison et la France; les États du roi de Sardaigne furent donc agrandis par l'adjonction du territoire appartenant à la ci-devant république de Gênes, conformément au deuxième article secret du traité de Paris, et nonobstant les vives protestations du gouvernement provisoire de Gênes, que le commandant des forces anglaises, lord Bentinck, s'était trop hâté de rappeler à l'indépendance.

La clef des Alpes ayant été ainsi confiée au roi de Sardaigne, qui réunissait alors sous son sceptre qua

tre millions de sujets, il fallait aussi, pour l'avenir, assurer l'inviolabilité d'un autre pays limitrophe de la France, et véritable boulevard de l'Allemagne et de la maison d'Autriche; mais cette négociation relative à la Suisse, se compliquait par le fait des dissensions intérieures du pays qui avaient éclaté à la suite de l'envahissement par les alliés en 1813. Il fallait donc : 1° renforcer par des agrandissements de territoire la ligne de défense militaire de la confédération; 2° assurer la neutralité perpétuelle du corps helvétique. Ces deux conditions furent remplies par la formation d'un nouveau pacte fédéral, sous la médiation des puissances qui reconnaissaient l'indépendance et la neutralité de la Suisse, dont les neuf cantons furent portés à vingt-deux, par l'addition du Valais, de Genève et de Neufchâtel.

Mais de tous les travaux du congrès, le plus important pour la stabilité de l'Europe était sans contredit la confédération des États d'Allemagne, destinée à remplacer l'ancien Empire germanique, dont le rétablissement, quoique vivement sollicité, avait été reconnu impossible. Le but de cette association, que prescrivait l'article 6 du traité de Paris, et qui devait s'appuyer sur trois principes essentiels, un pouvoir militaire énergique, un tribunal austrégal et la garantie des constitutions représentatives, était la sûreté intérieure et extérieure de l'Allemagne, et l'indépendance et l'inviolabilité de chaque État en particulier; mais elle devait surtout servir à lier ensemble tous les États du second ordre, l'Autriche et la Prusse formant les contre-forts, de manière à faire équilibre à la France, et à tourner ainsi contre elle ces mêmes forces que naguère la confédération du Rhin lui avait données. Un comité qui prit le nom de comité germanique, composé des têtes couronnées de l'Allemagne,

la Saxe exceptée, fut chargé de rédiger la constitution de la nouvelle ligue. Les autres États allemands, jaloux de leurs droits, ne tardèrent pas à former une réunion séparée, et déclarèrent qu'ils ne reconnaîtraient qu'un pacte voté du consentement de tous. Il serait difficile de dire quel eût été le sort de l'Allemagne, sans les liens d'amitié qui unissaient quelques-uns des principaux souverains, et par-dessus tout, si le retour de Napoléon n'était venu rétablir la bonne intelligence entre les membres du congrès. On comprit, en effet, qu'une adhésion générale et sincère à une fédération politique et militaire était l'unique moyen de conjurer les périls qui menaçaient. Aussi, à compter du 23 mai, les conférences furent reprises entre tous les États, et le 8 juin, dans la deuxième séance, on apposa les signatures à l'acte de la confédération germanique.

En même temps que s'accomplissaient ces grandes transactions, d'autres questions spéciales étaient également résolues. La liberté de la navigation des fleuves était consacrée comme principe de droit public; une règle uniforme était adoptée, d'après laquelle les agents diplomatiques étaient divisés en trois classes, ambassadeurs, ministres et chargés d'affaires, et enfin, tandis que l'Ordre de Malte, faisant valoir les services qu'il pourrait encore rendre contre les pirates qui infestaient la Méditerranée, sollicitait vainement le rétablissement de sa souveraineté, et que l'amiral Sidney-Smith échouait dans la présentation de son projet contre le brigandage des États barbaresques, l'Angleterre obtenait une déclaration, qui fut signée le 8 février, par laquelle les puissances adhéraient au principe de l'abolition de la traite des noirs, en remettant à des négociations ultérieures, la détermination de l'époque à laquelle cet odieux trafic serait définitivement supprimé.

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