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prement dites, et elles ont pour objet un intérêt constant, tel que la défense de deux États faibles contre une puissance redoutable pour chacun d'eux isolément. Enfin on nomme fédérations les alliances générales conclues entre divers peuples qui habitent la même région, ont des intérêts communs et se choisissent une autorité centrale qui traite avec les autres puissances au nom de la confédération. Telles furent, autrefois, dans la Grèce, les fédérations achéenne et étolienne; dans les temps modernes et en Allemagne, la ligue de Smalkalde, l'Union de 1609, celle de Leipzig de 1631, et telles sont, aujourd'hui, en Amérique, les États-Unis du nord, ceux de l'Amérique centrale, la Confédération mexicaine et la république Argentine ou de Rio de la Plata.

Quant aux Confédérations germanique et helvétique B, elles offrent des exceptions qui les font distinguer essentiellement des précédentes : dans la première, la diète ou autorité centrale qui la représente, ne s'occupe que des affaires intérieures d'un intérêt commun, tandis que chacun des États conserve ses rapports d'État directs avec les puissances étrangères dans la seconde, « La Confédération suisse ayant été organisée avec le concours et la garantie des puissances européennes, les avantages accordés à la Suisse dépendent de l'observation des engagements qu'elle a contractés ellemême et des bases de la Confédération; si ces bases venaient à manquer, les puissances auraient le droit de considérer comme nuls et non avenus les avantages qu'elles ont accordés à la Suisse. »>

La puissance fédérative repose donc sur les alliances offensives et défensives, sur les combinaisons d'intérêt avec d'autres États et la certitude de leur concours dans certaines éventualités ou de leur recours dans certaines autres, casus fœderis. C'est une maxime reçue, comme nous l'avons vu plus haut, que cette puissance

fédérative est un des premiers éléments de la force réelle d'un État : le principe est vrai dans la généralité, mais l'abus en est si facile qu'à diverses époques la multiplication de ces liaisons politiques devint une sorte de vertige dont les suites ont été souvent funestes. On comprend, en effet, que des alliances naturelles ne peuvent naître que de l'identité des intérêts réels et permanents des États. Or, partout où cette identité existe, les traités d'alliance sont inutiles: la connaissance de leurs besoins et de leurs intérêts rapprochera toujours les puissances qui doivent tendre au même but; la force et la nécessité des choses tiennent lieu d'un contrat; et quand le moment d'agir sera venu, il suffira de déterminer le mode d'action et celui du concours des puissances amies. Au contraire, partout où l'identité d'intérêts n'existe pas, les traités d'alliance ne sont que des surprises faites par un État à un autre, par l'habileté et l'impéritie.

Les traités d'alliance ne sont véritablement utiles que lorsqu'ils ont un objet fixe et déterminé et qu'ils doivent produire des efforts communs dans un moment donné. Dans les circonstances extraordinaires où une puissance menace de tout asservir, les autres puissances doivent oublier pour quelque temps leurs inimitiés naturelles, ajourner leurs anciennes querelles et faire face à un danger imminent; il importe alors de substituer de nouveaux rapports à ceux qui sont suspendus ou bouleversés, et de former entre les États coalisés des liens solides qui les empêchent de suivre leurs affinités habituelles et leurs maximes ordinaires. Hors ces cas-là, la multiplication des traités est une source de maux pour les princes et pour les peuples qui se laissent aller à ce dangereux entraînement. Ce sont des obstacles bien plutôt que des facilités dans les grandes entreprises politiques; ce sont des entraves

qui empêchent les puissances de se mouvoir librement et de faire le meilleur usage possible de leurs forces.

En définitive, et quant à l'application, nous avons vu que le système fédératif, au moyen duquel s'est établi l'équilibre politique, a réellement préservé l'Europe, pendant au moins deux siècles et demi, de ces bouleversements dont le retour périodique menacerait de replonger les peuples dans la barbarie; alternativement tourné contre toute puissance qui visait à la domination universelle, il reçut deux principales directions.

D'abord, l'Allemagne est asservie sous le joug de l'empereur Ferdinand II; l'antique constitution germanique n'était plus qu'une ombre et la liberté générale de l'Europe allait être sérieusement menacée, lorsque des événements imprévus viennent changer la face des affaires. Gustave-Adolphe et Richelieu, par le double ressort de la guerre et de la politique, préservèrent l'Allemagne et l'Europe de la domination de l'Autriche.

Mais soixante ans plus tard, le système européen se modifie; une révolution qui enlève le sceptre de l'Angleterre à l'ami et à l'allié de la France pour le donner à Guillaume, son ennemi irréconciliable, devient à la fois la cause et l'effet d'une guerre de neuf années, dans laquelle s'engagent la plupart des puissances de l'Europe contre Louis XIV, en formant entre elles la grande alliance de 1689. C'est ainsi que la révolution d'Angleterre, en faisant passer toutes les ressources de la Grande-Bretagne dans le bassin de la balance qui portait les puissances rivales et jalouses de Louis, prépara l'affaiblissement de la monarchie française.

En 1756, l'ancien système est tout à coup remplacé par une politique nouvelle, caractérisée par l'alliance des cabinets de Versailles et de Vienne. En calculant les causes, les conséquences, les avantages et les dan

gers de ces nouveaux rapports, et en étendant cet examen au pacte de famille de la maison de Bourbon, en 1761, on a reconnu que si la France avait soutenu cette combinaison, elle aurait peut-être sauvé la Pologne et maintenu l'équilibre continental. Mais à dater du partage, les traces d'un système fédératif de quelque consistance s'effacent et bientôt disparaissent complétement au milieu de la conflagration et du bouleversement occasionnés par la Révolution française.

Maintenant, si nous passons du domaine de l'histoire à ces vastes desseins que de puissants monarques avaient conçus, mais qu'il ne leur a pas été donné d'accomplir, nous trouvons, à deux siècles de distance, des entreprises dignes de fixer l'attention.

Henri IV, après avoir sauvé la France des désordres de l'anarchie, et lui avoir fait reprendre son ascendant au dehors, méditait dans le silence le projet de changer tout le système politique de l'Europe. Son but était, comme nous l'avons dit, d'organiser la république chrétienne, c'est-à-dire une association d'États, dont tous les membres, égaux en puissance, mais différant à leur gré quant au gouvernement intérieur, confieraient le jugement de toutes leurs querelles à l'arbitrage d'un sénat suprême. Quelles qu'aient été, sur ce point, les dénégations de Vittorio Siri, il est constant que depuis longtemps cette idée était répandue, et que la reine Élisabeth avait déjà tenté quelques négociations pour la faire adopter dans plusieurs cabinets. Un prince élevé au milieu d'une révolution dont il avait habilement triomphé, devait être facilement séduit par la nouveauté et la singularité de ce projet, et ses contemporains n'étaient pas moins disposés à se jeter avec empressement dans toutes les entreprises périlleuses. On doute encore si la première idée en fut suggérée par la haine que la France nourrissait contre l'Espagne et la

maison d'Autriche, ou si elle fut uniquement le produit des méditations d'un esprit supérieur qui, prévoyant une crise inévitable, telle que pouvait le paraître déjà la guerre qui fut depuis appelée guerre de Trente ans, voulait tout faire pour la prévenir, ou du moins prendre d'avance toutes les mesures pour en adoucir la violence et lui donner une direction salutaire. Dans cette double hypothèse, le caractère connu de Henri IV permet de croire qu'il n'écoutait que des inspirations généreuses. La déplorable catastrophe qui mit fin à l'existence de ce prince arrêta seule le cours de ses desseins.

Il nous reste à faire connaître une conception moderne, et qui met en évidence d'importantes considérations c'est le dernier plan politique de Napoléon. Il ne s'agissait de rien moins, dans cette nouvelle organisation de l'Europe, que de reconstituer l'équilibre par le secours du même élément qui avait été cause de sa rupture. Les passages suivants d'une Instruction dressée pour lé ministre de France à Varsovie, renferment l'exposition du système qui devait régir la politique générale.

« L'Europe, est-il dit dans cette Instruction, se partage en trois grandes divisions, l'empire français à l'ouest, les États de l'Allemagne au centre, l'empire russe à l'est. L'Angleterre ne peut avoir sur le continent que l'influence que les puissances voudront bien lui conserver.

<«< Il faut empêcher, par une forte organisation du centre, que la Russie ou la France puisse un jour, en voulant s'étendre davantage, envahir la souveraineté de l'Europe. L'empire français jouit actuellement de toute l'énergie de son existence; s'il ne termine en cet instant la constitution politique de l'Europe, demain il peut perdre les avantages de sa position et succomber dans ses entreprises..

« L'établissement d'un État militaire en Prusse, le

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