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peut éclairer l'Assemblée; et comment décider d'avance qu'un individu qui demande à parler, n'a rien d'utile à dire?

Enfin, il me paroît douteux que l'admission des répliques doive prolonger les discussions. Des que la question est éclaircie, ou que les deux partis reconnoissent que leur opposition est irrémédiable, le débat est arrivé à sa conclusion naturelle, et tout le monde est impatient de le voir finir. Mais la liberté des répliques a une tendance à mener la discussion à ce point. Deux antagonistes engagés dans une question sur laquelle ils sont préparés, se répondent avec plus de justesse, et vont directement au but sans perdre le temps en formes, en exordes, en apologies, comme fait chaque nouvel Orateur, pour donner à ses arguments la tournure et les ornements d'un discours. Après tout, la méthode libre n'a pas l'effet nécessaire de priver aucun individu de la parole; elle ne fait que retarder le moment où il pourra l'obtenir. C'est une simple transposition de temps, qui n'ôte rien à l'égalité.

D'après cet exposé des raisons pour et contre, chaque Assemblée peut juger des circonstances où il lui convient d'admettre l'une ou l'autre de ces formes de débat.

Mais, dans le cas même où on ne permet pas les répliques, il faut toujours faire une exception en faveur de l'auteur de la motion. Celui qui a ouvert le débat doit avoir la faculté de parler le dernier. Il est naturel de présumer qu'il connoît mieux que personne le fort et le foible de sa cause; et s'il n'avoit le droit de répliquer, des objections auxquelles lui seul peut répondre pourroient en imposer à l'Assemblée. Dans le Parlement Britannique, cette dernière réponse est ordinairement ce qui attire le plus l'attention de toute l'audience, C'est là où l'Orateur concentre toutes ses forces, et ramène toute sa cause au point essentiel qui doit déterminer le jugement. Videndum est ubi sit rei summa, nam fere accidit ut in causis multa dicantur, de paucis judicetur (1).

(1) Quint. V. 14.

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UNITÉ DANS L'OBJET DU DÉBAT.

L'UNITÉ du débat sera rigoureusement observée ; c'est-à-dire qu'une motion élant reçue, aucune autre motion ne sera admise, jusqu'à ce qu'on ait disposé de la première.

On ne comprend pas, dans cette exclusion, les amendements relatifs à la proposition qu'on traite, ni les motions suppressives, ni celles qui réclament une loi d'ordre, à l'instant de sa violation.

Cette unité de débat est la règle par excellence, la règle qui maintient la liberté de l'Assemblée, qui fait concourir toutes les facultés vers un même but, et qui seule peut produire son œuvre essentielle, l'expression d'une volonté générale.

Il ne paroît pas d'abord nécessaire de faire un règlement pour prescrire cette unité; mais tous ceux qui ont suivi des Assemblées politiques, et surtout des Assemblées dans leur naissance, n'ont pu qu'être frappés de la tendance continuelle à s'écarter de ce principe. A mesure que les esprits s'échauffent dans le

cours du débat, un Orateur se laisse entraîner insensiblement vers de nouvelles idées: d'abord ce n'est qu'un pas hors de sa route; mais ce premier pas qui dévie, en amène un second et un troisième et le voilà, loin de l'objet en discussion, lancé dans une nouvelle carrière. Ceux qui lui succèdent l'attaquent ou le défendent. L'intérêt change. La première proposition est oubliée pour la seconde une troisième survient encore. La confusion augmente; on se fatigue sans s'approcher du terme; et plus on va, plus on s'égare.

Cette divergence dans les idées a presque toujours lieu dans les conversations particulières; mais dans un cercle privé qui n'a pour but que l'amusement, cet objet est mieux rempli en parcourant une variété de sujets, qu'en s'attachant à un seul. Dans une Assemblée politique, ce désordre fait tout le mal possible, puisqu'il épuise inutilement ses forces et l'empêche de parvenir à un résultat.

Cette confusion ne peut que trop avoir lieu sans dessein, soit par l'incapacité d'opinants novices, soit par la chaleur de la dispute qui, de mille manières, fait perdre la question de vue. Mais des hommes artificieux se serviront souvent de ce moyen pour faire tomber indi

rectement une proposition qu'ils n'oseroient pas attaquer en face. Leur ressource est de la supplanter par une autre, d'introduire des motions par surprise, de lasser l'Assemblée par son indécision, et de la conduire par des routes qu'elle ne connoît pas.

Cette règle d'unité gouverne le Parlement d'Angleterre. Il y a toujours une motion régnante qui exclut, de droit, toute autre motion. Il faut que son sort soit décidé avant qu'une autre prenne sa place..

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