Page images
PDF
EPUB

peut arriver dans aucune Assemblée, sans une conspiration trop inique, trop honteuse pour exister, au moins sous le régime de la publicité. Un discours éloquent et judicieux se fait écouter avec plaisir par ceux même dont il contrarie les vues. Une harangue inepte déplaît à tout le monde, mais surtout à ceux qu'elle prétend servir, car elle les discrédite. C'est en fait de parti qu'on peut dire :

[ocr errors]

Rien n'est plus dangereux qu'un ignorant ami.

Ainsi la nature de la chose fournit au Président des motifs qui régleront ce pouvoir discrétionnel d'après l'utilité générale de l'Assemblée.

11

CHAPITRE XVIII.

DES TROIS Débats pour LES PROJETÉ de

TOUS

LOI (1).

ous les projets de loi, dans le Parlement Britannique, sont soumis à trois débats, qui se font à jours différens, et souvent à d'assez grands intervalles. C'est ce qu'on appelle les trois lectures du Bill. Le Bill peut être rejeté après la première, la seconde ou la troisième lecture, mais il n'est adopté que lorsqu'il a passé par ces trois opérations.

Ce n'est pas tout. Entre la première et la seconde lecture, ou entre la seconde et la troisième, le Bill est discuté dans un Comité de toute la Chambre.

Ce Comité général (dont il sera parlé ailleurs) admet des formes de discussion plus libres que celles auxquelles on s'astreint dans les débats réguliers. On n'y décide rien d'une manière définitive. On nomme un Président pour l'oc

(1) J'ai cherché à suppléer ici au silence de l'auteur, qui fait très-souvent allusion à ces délibérations réitérées, et qui n'en a point traité expressément.

casion. On permet aux mêmes Orateurs de reprendre la parole plusieurs fois sur le même sujet. La discussion s'établit ainsi entre les personnes qui ont une connoissance plus particulière de la question.

Quant aux trois lectures, la première se borne presque à l'introduction du Bill et à des observations générales. La seconde est le vrai champ du débat. La troisième n'est guère que pour la forme.

[ocr errors]

Le mérite de ces débats réitérés est: 1.° de mûrir les délibérations en donnant à plus de personnes l'occasion de parler, à différens jours, après avoir profité des lumières que la discussioni a fait naître ; 2.o de ménager au public la faculté de se faire entendre, et aux membres celle de consulter au dehors des personnes éclairées; 3.° de prévenir les effets de l'éloquence d'un Orateur qui auroit pu entraîner les suffrages par une impulsion subite; 4.° de protéger la minorité de l'Assemblée, c'est-à-dire, le parti le plus foible, en lui assurant diverses époques pour représenter son opinion; 5.o de donner l'éveil aux Membres qui ont été absens dans un des premiers débats, lorsqu'ils s'aperçoivent que leur présence peut influer sur le sort du Bill.

Chacun sait par expérience que les plus fortes raisons alléguées par les deux partis ne peuvent pas être jugées à leur exacte valeur la première fois qu'on les entend. Elles font trop d'impression, ou elles en font trop peu : trop, si elles sont développées avec toute la séduction de l'autorité et de l'éloquence; trop peu, si elles attaquent des passions, des intérêts ou des préjugés violents. Dans un intervalle de quelques jours, l'esprit peut se calmer, l'opinion publique aura le temps d'influer; ce qui ne tient qu'à l'éloquence aura perdu son effet, ce qui tient à la raison aura augmenté le sien. On portera souvent au second débat des vues toutes différentes de celles qu'on avoit à l'issue du premier; et les deux partis se remettront en présence avec des moyens mûris par la réflexion et par leurs communications avec le public.

Il faut compter sur l'existence des partis. Si une seule délibération peut décider de l'adoption d'une loi, vous donnez à chaque parti un intérêt extrême à faire valoir tous ses moyens pour obtenir la victoire de la journée vous produisez tout au moins une grande chaleur, et peut-être une grande animosité dans le débat. Mais quand on sait

qu'une première victoire ne suffit pas, qu'il faudra lutter une seconde fois, et même une troisième contre ses antagonistes, on ménage ses forces, on les tempère pour ne pas nuire à sa cause, on n'ose pas prendre un avantage illégitime dans une première oceasion, parce que ce seroit donner des armes à ses adversaires; et le parti de la minorité qui a vu graduellement venir sa défaite, s'y résigne avec d'autant plus de modération qu'il a eu tous les moyens de se défendre.

Dans le Parlement Britannique, indépendamment des trois lectures qui sont de nécessité, il y a bien d'autres occasions où l'on peut renouveler le débat pendant le progrès du Bill, terme technique qui comprend les différens degrés par lequel le Bill doit passer depuis son introduction jusqu'à sa conclusion. Il doit, comme on l'a déjà dit, être soumis à un Comité de la Chambre (commitment et quand l'opération se répète, recommitment). Il doit être transmis sur un parchemin pour devenir le texte authentique (engrossment). Il doit ensuite être transmis à la Chambre des Pairs, et reçu de nouveau dans la Chambre des Communes. Chacune de ces opérations successives se fait sur la motion d'un Membre,

« EelmineJätka »