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Il conviendroit, dans la distribution de ces places, d'allouer une tribune particulière aux Tachygraphes, une autre aux jeunes élèves qui étudient les lois, et qui trouveroient là une école et des modèles; une autre à des Magistrats, dont la présence peut être doublement utile. Il faudroit mettre aux ordres du Président des places de réserve, pour des Ambassadeurs et des étrangers, qui rempor→ teroient de ce spectacle des impressions avan→ tageuses pour la nation et fructueuses dans de bons esprits. Cyneas sortit de Rome plus frappé de respect par la vue du Sénat, qu'il ne l'eût été par toute la magnificence de la cour de Perse.

Par rapport aux places dans la tribune publique, elles devroient être payées. C'est l'arrangement le plus favorable à l'égalité, dans un cas où l'égalité est justice. Si vous les laissez prendre aux premiers venus, dans les jours d'affluence, vous aurez un grand nombre d'aspirants trompés dans leur attente, Les plus forts et les plus grossiers auront tout l'avantage dans ce concours (1). La galerie sera com

(1) Ce fut long-temps un métier pour des hommes du peuple, de s'emparer de bonne heure des places dans la tribune de l'Assemblée Nationale, pour les vendre.

posée des spectateurs qui ont le moins à profiter par les débats, et le plus à perdre par la cessation de leurs travaux. Leur nombre et leur défaut d'éducation pourroient souvent les porter à braver l'Assemblée, à troubler les débats par leurs approbations ou leurs murmures. Si la disposition des billets étoit dans les mains du Gouvernement, on ne manqueroit pas de l'accuser de partialité et d'intention dangereuse. Voilà, dit-on, les Ministres qui nous entourent de leurs créatures pour gêner nos délibérations, etc.

Ce sujet de mécontentement seroit écarté, en donnant les billets d'admission aux Membres eux-mêmes, et je n'y vois qu'un seul incon vénient, celui de resserrer la prérogative de la publicité au lieu de l'étendre, de faire dégénérer en faveur personnelle un droit commun; et d'aller ainsi contre le principe de l'égalité sans aucun avantage (1).

Un prix d'entrée réunit toutes les conditions: c'est une mesure, imparfaite, il est vrai,

(1) Tout cela s'est concilié en Angleterre par un usage non autorisé, mais établi. Une petite somme donnée aux Huissiers vous introduit dans la galerie; aussi bien qu'un billet d'un Membre.

mais la seule possible de la valeur qu'on attache à cette jouissance; et c'est aussi la preuve d'un état qui garantit une bonne espèce de spectateurs.

Ce moyen, je l'avoue, n'est pas noble, mais l'emploi des produits pourroit l'anoblir. Quant aux bons mots empruntés du dictionnaire du théâtre, il faut s'y attendre et s'y résigner.

Doit-on admettre les femmes? Non. J'ai hésité, j'ai pesé les raisons pour et contre, je répugnois à un éloignement qui paroît un acte d'injustice et de mépris. Mais les craindre ce n'est pas les mépriser. Les écarter d'une Assemblée où la tranquille et froide raison doit régner seule, c'est un aveu de leur influence qui ne sauroit blesser leur orgueil.

Les séductions de l'éloquence et du ridicule sont des moyens dangereux dans une Assemblée politique. Admettez les femmes, vous donnez un nouveau degré de force à ces séductions; et devant ce tribunal dramatique et passionné, une discussion qui n'aura de mérite que la justesse et la profondeur, ne fera au vrai sage qu'une réputation de dissertateur ennuyeux. Toutes les passions se touchent et s'allument réciproquement. Le droit de haranguer ne sera souvent qu'un moyen de plaire;

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et le premier moyen de plaire à la sensibilité des femmes, c'est de montrer une ame susceptible d'émotion et d'enthousiasme. Tout sera sur un ton exalté, brillant ou tragique. On voudra partout du mouvement et des images. Il faudra parler de la liberté dans un style lyrique, et faire des hymnes sur les grands événements qui exigent le plus de calme. Il n'y aura de prix que pour les choses fortes et hardies, c'est-à-dire pour les avis imprudents et les mesures extrêmes.

Chez les Anglois où les femmes ont si peu d'influence sur les affaires politiques, où elles aspirent si peu à s'en mêler, où les deux sexes sont dans l'babitude de se séparer même après les repas familiers, on ne permet pas qu'elles soient présentes dans les débats parlementaires, on les a exclues de la Chambre des Communes, d'après l'expérience et en connois sance de cause. On avoit observé que leur présence donnoit aux délibérations une tournure particulière, que l'amour-propre jouoit un plus grand rôle, que les personnalités étoient plus vives, et qu'on sacrifioit trop à la vanité du bel esprit.

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CHAPITRE XXXIV.

DES FORMULES.

Es Formules sont les modèles de ce qui doit être dit à chaque occasion par l'individu auquel on prescrit de s'expliquer d'une certaine manière. On ne peut guère déterminer d'avance de quelles formules une Assemblée peut avoir besoin. Il en faudra plus ou moins, selon sa constitution, selon le nombre de ses Membres, selon la nature de ses pouvoirs.

Il faut, par exemple, que le Président prenne toujours les voix de la même manière, en employant les mêmes expressions; que les Membres de l'Assemblée fassent usage des mêmes termes pour présenter les motions , pour requérir l'exercice de tel ou tel de leurs droits, etc., etc.

Tout ce qui n'est pas nécessaire dans les formules y est pernicieux. Clarté et brieveté, voilà leurs qualités essentielles; les orner aux dépens de la précision, c'est les défigurer.

Non-seulement les formules abrègent, elles ont une utilité supérieure ; elles empêchent les variations qui peuvent avoir quelque objet caehé, et surtout elles préviennent des disputes.

« EelmineJätka »