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rendu coupable de deux délits de médiocre importance, et répudié toute sévérité en présence de la succession de deux crimes excusés dont le premier n'aura pas entraîné plus d'un an d'emprisonnement? Comment concevoir, par exemple, qu'un mineur de seize ans, déjà condamné à un an de prison pour vol qualifié, puisse commettre un autre fait semblable sans encourir aucune aggravation; alors que, s'il a commis un premier délit, excusé lui aussi à raison de l'âge (1), la peine sera incontestablement portée au double en cas de rechute? Ces conséquences déraisonnables prouvent que le législateur n'a rien voulu de pareil, mais qu'il a employé le mot délit dans un sens général et quelque peu impropre qui ne saurait abuser les magistrats chargés d'appliquer le texte nouveau. On doit donc étendre sans réserve le § 2 du nouvel article 58 à tous les cas de récidive dont le premier terme est une condamnation à une année au plus (2). Nous admettons

même cette solution quand la faute antérieure est un crime non excusé, ce qui peut arriver dans l'hypothèse où ce crime, normalement puni de la réclusion, n'a entraîné qu'un an d'emprisonnement par application de l'art. 463 du Code pénal; les raisons de décider sont en effet analogues.

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Ajoutons qu'en pareil cas la règle d'identité n'exige pas que les deux termes de la récidive soient des crimes semblables: il suffira d'un vol simple succédant à un vol qualifié commis par le prévenu alors mineur de seize ans, ou d'un abus de confiance ordinaire venant à la suite d'un vol domestique puni d'un an de prison par le bienfait de l'art. 463. De même, il y a équivalence entre deux délits identiques dont un seul a été excusé.

TROISIÈME PARTIE

DE L'APPLICATION DE LA LOI AUX COLONIES

La loi du 26 mars 1891 entrait de plein droit dans le domaine 'des juridictions de la métropole, de l'Algérie et de la Tunisie,

(1) Art. 69 du Code pénal.

(2) V. Nègre et Gary, p. 126; Laborde, 17° Question.

mais il n'en allait pas de même pour les colonies proprement dites. Celles-ci sont en effet soumises à un régime particulier suivant lequel une loi n'est exécutoire pour leurs habitants qu'en vertu d'une disposition expresse; et il est également nécessaire que les modifications apportées à un texte législatif soient étendues à leur territoire par une clause spéciale, car ces modifications pourraient fort bien ne pas se concilier avec les règles du gouvernement colonial. Pour ces motifs, on a dû ajouter à notre loi un article 6 qui la déclare applicable aux Antilles et à la Réunion, possessions dans lesquelles une loi du 8 janvier 1877 avait déjà rendu exécutoire le code pénal métropolitain, et qui autorise d'autre part le Président de la République à étendre aux autres colonies l'action de la réforme. Sur ce dernier point, il a été satisfait au vœu du Parlement par un décret en date du 24 avril 1891 qui place sous le régime de la nouvelle loi le Sénégal, la Guyane, Saint-Pierre et Miquelon, le Congo, Mayotte, Diego-Suarez et ses dépendances, la Nouvelle-Calédonie, Obock, la Cochinchine et les pays de protectorat de l'Indo-Chine, ainsi que les établissements. français de l'Inde et de l'Océanie.

H. de FORCRAND,

Docteur en droit, procureur de la République à Uzès.

ERRATUM

(Fin.)

Au tome 35, après la page 122, doivent être ajoutés les paragraphes suivants qui ont été omis à l'impression:

§ V. Tribunaux correctionnels

Créé surtout en vue de son application par les tribunaux correctionnels, le bénéfice du sursis peut être attaché à toutes les condamnations à l'amende ou à l'emprisonnement prononcées pour délits. La règle ne comporte ni exception ni réserve, et il est notamment sans intérêt de rechercher si une affaire a été introduite sur citation directe, au cas de flagrant délit ou après information régulière.

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Le pouvoir correctionnel des juridictions de cet ordre est limité par les articles 181 et 505 du Code d'instruction crimi

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nelle et 91 du Code de procédure aux seuls délits d'audience; c'est dire que, légalement possible, le sursis ne sera guère appliqué par les juges civils.

§ VII. Tribunaux de commerce, de paix et de simple police, Conseils de prud'hommes.

La logique veut que l'on étende la même solution aux cas, plus rares encore, dans lesquels ces tribunaux sont investis par l'article 505 du Code d'instruction criminelle du droit de condamner correctionnellement à l'amende et à l'emprisonnement.

ART. 3502

PEINE, FLAGRANT DÉLIT, ARRESTATION, DÉTENTION PRÉVENTIVE, IMPUTATION. La détention préventive qui doit, aux termes de l'art. 24, Cod. pén., modifié par la loi du 15 novembre 1892, être déduite de la durée de la peine prononcée, a pour point de départ, en cas de flagrant délit, non le jour où le condamné aété arrêté, mais celui où il a été incarcéré à la maison d'arrêt (Cod. pén., 16, 40 et 106).

(DEHONCK C. MIN. publ.)

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que, par sa requête du 27 janvier 1893, Dehonck, condamné par arrêt de cette Cour pour vagabondage et mendicité à trois mois d'emprisonnement, prétend que la peine prononcée contre lui et qu'il subit à la maison d'arrêt de Douai a pour point de départ le 13 décembre 1892, date de son arrestation en flagrant délit à Bergues, et non, comme le soutient le ministère public, le 15 décembre 1892, date de son incarcération à la maison d'arrêt de Dunkerque ;

Attendu que la détention préventive visée par l'art. 24, Cod. pén. modifié par la loi du 15 novembre 1892, doit s'entendre de l'incarcération dans une maison d'arrêt, de justice ou de correction d'un individu mis en état de prévention;

Attendu que cette incarcération doit, aux termes des art. 110, 111, 603, 607 et suiv., Cod. d'instr. crim. et 5 du décret du 11 novembre 1885, être constatée par un acte d'écrou dressé sur un registe séparé, tenu conformément aux instructions ministérielles des 26 août 1831 et 4 juillet 1832; que cet acte doit indiquer l'état-civil, la profession, le domicille de l'individu arrêté; révéler les signes propres à établir son identité; préciser la nature des mandats délivrés, la qualité des magistrats qui les ont signés, des agents qui les ont exécutés ; fixer la date et l'heure exacte de l'entrée en prison; être signé par les porteurs des mandats et par le directeur ou le gardien chef de la

maison d'arrêt, de justice ou de correction; Que c'est seulement après à la rédaction de cet acte, entouré des garanties attachées aux actes authentiques faisant foi jusqu'à inscription de faux, que commence l'incarcération, ou, en d'autres termes, que l'arrestation est convertie en d'étention; Attendu que cette détention ne peut être requise et ordonnée que par les magistrats investis du pouvoir de mettre l'action publique en mouvement et expressément désignés par le Code d'instruction criminelle (art. 10, 40, 91, 94, 100, 193, 214) et par la loi du 20 mai 1863; - Qu'elle échappe à l'action des officiers de police auxiliaires du procureur de la République, des commandants ou agents de la force publique et, à plus forte raison, des particuliers, autorisés cependant à mettre un individu en prévention, à l'arrêter même en cas de flagrant délit, mais non à délivrer les mandats ou ordonnances, préliminaires indispensables de la détention;

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Attendu que la détention préventive se compose donc de divers éléments substantiels en premier lieu, de l'incarcération dans une maison 'd'arrêt, de justice ou de correction, faite au vu d'un mandat de dépôt, d'arrêt, ou d'une ordonnance de prise de corps; en deuxième lieu, de la mise en prévention; qu'elle présente, entre autres avantages, celui de fixer avec certitude par la rédaction de l'acte d'écrou le point de départ de la peine, sans laisser de place à l'arbitraire; - Qu'il y a lieu de remarquer que, dégageant l'économie de la loi nouvelle, le rapporteur à la Chambre des députés s'est exprimé ainsi : <«< Dorénavant, les condamnés à toute peine privative de la liberté bénéficieront en principe de l'imputation de la prison préventive pour la durée de leur peine », et que, sous l'empire de ce même sentiment, il donne comme équivalent aux mots « détention préventive >> ceux de prison préventive ou de prison préalable, et non celui d'arrestation, rattachant toujours la détention préventive à l'idée d'une incarcération (pages 4, 11, 17, 32 du rapport);

Attendu qu'on ne saurait donc assimiler à la détention préventive l'arrestation momentanée, la mise en surveillance, la garde à vue, la conduite devant le magistrat compétent, imposées temporairement à un individu par des officiers de police auxiliaire ou de simples particuliers, agissant en cas de flagrant délit, sans mandat, sans être astreints à l'obligation de dresser un procès-verbal; qu'en pareil cas, le point de départ de la peine resterait indéterminé, ne pourrait être établi qu'à l'aide d'enquêtes contradictoires et suscitant des contestations que les tribunaux ne sauraient toujours solutionner en temps utile, à raison de la courte durée de l'emprisonnement ou de la tardiveté de la réclamation; - Que le juge n'a pas le

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pouvoir, surtout en matière pénale, de résoudre par voie d'interprétation une question que le législateur n'a ni tranchée, ni examinée, et qu'il s'est par suite réservée, comme celle de la réparation à accorder au détenu préventif reconnu innocent, en faveur de qui intervient une ordonnance de non lieu ou une sentence d'acquittement;

Que l'on objecte vainement, en s'appuyant sur le rapport précité, que la détention subie en pays étranger et le dépôt à la préfecture de police d'un individu condamné à l'emprisonnement doivent être imputés sur la durée de la peine; Qu'en effet, dans la première hypothèse, la détention subie en pays étranger aux fins d'une extradition, a été nécessairement précédée, d'après les traités internationaux, d'une arrestation faite en vertu d'un mandat d'arrêt ou d'une ordonnance de prise de corps ; que l'incarcération qui s'en est suivie, a été constatée par un acte d'écrou ou tout autre acte équivalent; que les détentions préventives à l'étranger et en France se composent donc des mêmes éléments, et qu'il est rationnel de les imputer l'une et l'autre sur la durée de la pleine en conformité des principes ci-dessus rappelés;

Que la deuxième hypothèse vise l'application de l'art. 23 et non celle de l'art. 24, Cod. pén. ; qu'elle prévoit le cas d'un depôt à la préfecture de police d'un individu arrêté en vertu d'un jugement ou d'un arrêt de condamnation; qu'en émettant l'opinion que le dépôt d'un condamné à la préfecture de police devait être imputé snr la peine encourue, le rapporteur n'a pu vouloir interpréter le sens des expressions « détention préventive » de l'art. 24, Cod pén., puisque l'individu arrêté n'était ni prévenu, ni détenu;

Qu'il suit de là que Dehonck est mal fondé à prétendre que le temps écoulé entre son arrestation et celui de son incarcération constatée par un acte d'écrou régulier doit être compris dans la durée de la peine prononcée contre lui par l'arrêt de la Cour de Douai du 1er février dernier ;

Par ces motifs, dit que le point de départ de la détention préventive subie par Dehonck doit être fixée au 15 décembre 1892, date de son incarcération à la maison d'arrêt de Dunkerque; Rejette les conclusions prises par Dehonck dans sa requête en date du 27 janvier 1893; Le condamne aux dépens, etc.

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Du 8 février 1893. - C. de Douai. Ch. corr. MM. Desticker, Chenest, proc. gén.; Devise, av.

pr.,

OBSERVATIONS.

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Cette importante décision résout une question dont je n'ai pas besoin de signaler l'intérêt et qui ne laisse pas d'être délicate en l'absence de toute définition de la déten

« EelmineJätka »