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de tous autres défauts analogues que l'honorable M. Cuvinot alléguait tout à l'heure comme dangereux pour la sécurité des chemins de fer en France. (Très bien! très bien!)

En réalité je m'étonne de la résistance qui est apportée à l'introduction de ces trois mots dans l'article 2.

Voilà vingt ans que cette loi est discutée: des projets ont été présentés devant l'Assemblée nationale, ont été adoptés, puis sont au Sénat; des projets de loi ont aussi fait perpétuellement la navette entre le Sénat et la Chambre des députés. Je n'insisterai pas sur les considérations politiques qui peuvent nous faire désirer à tous de voir supprimer cette question en lui donnant une solution. Mais je me demande pourquoi vous attachez tant d'importance à donner cette satisfaction si modique et quel péril social vous pouvez bien voir engagé dans l'introduction de ces trois mots de cet article 2, alors que, en réalité, vous en avez admis l'esprit dans l'article 1er que vous avez voté. (Mouvements divers.)

Messieurs, j'ai été surpris de voir reproduire un argument qu'avait déjà présenté M. Cuvinot, mais qui me parait réellement étranger au débat. M. Cuvinot paraît croire que le Parlement ne peut pas modifier en ce moment la loi de 1842 ou l'ordonnance de 1846 sur les chemins de fer.

Loin de moi, certes, la pensée de médire de cette loi. Il est évident que la loi de 1842 et l'ordonnance de 1846, quoique faites à une époque où les chemins de fer étaient en quelque sorte en état d'incubation, ont été assez bien inspirées pour que, actuellement, elles restent encore la charte des chemins de fer.

Mais enfin, elles ne sont pas le dernier mot. A coup sûr, quand on a fait la loi de 1842, ses auteurs ne prévoyaient pas le développement considérable que devait prendre Tindustrie des chemins de fer. De même, quand on a rédigé l'article 1780, les auteurs du code civil ne prévoyaient pas des organisations semblables à celles des grandes compagnies de chemins de fer.

Il est bien clair que vous ne pouvez pas considérer comme de simples individus, comme des industries complètement privées, les compagnies de chemins de fer. Vous savez tous quels sont les intérêts étroits qui les lient à l'Etat; vous savez qu'il y a une espèce d'association de capitaux entre elles et l'Etat; vous êtes enfin les premiers à ne pas nier que les chemins de fer aient un caractère de services publics. Vous trouverez engagé dans ces grandes compagnies de chemins de fer un personnel qui, en dépit de l'article 1780, a des contrats à perpétuité, qui s'engage jusqu'à l'âge de la retraite. Eh bien, ce personnel des compagnies de chemins de fer, ces agents commissionnés, vous êtes obligés de considérer qu'ils constituent ce que M. Tolain avait appelé des quasi-fonctionnaires je ne repousse pas le mot, quant à moi.

Quasi-fonctionnaires, ils le sont si bien que si, aujourd'hui par exemple, il y avait une grève dans les chemins de fer, je vous demande si vous viendriez invoquer le res

pect du contrat privé. Viendriez-vous invoquer le principe de la liberté du travail?

Je suis sûr qu'à la Chambre et au Sénat on adresserait immédiatement des interpellations au ministre des travaux publics pour lui demander quelles mesures il a prises pour continuer d'assurer la circulation sur le territoire; on lui demanderait quelles garanties il a prises, quelle responsabilité il a assumée pour maintenir ces grands services publics dont la suspension, si elle pouvait avoir lieu, compromettrait à coup sur la vie nationale.

Eh bien, puisque, dans une circonstance

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semblable, aucun de vous ne voudrait invoquer le respect du contrat privé entre l'agent de chemin de fer et la compagnie, je vous demande, en temps de calme, d'étendre cette interprétation qui existerait en temps de crise et de vouloir bien consi- | dérer que, dans les rapports entre leurs agents et les compagnies, il y a quelque chose de plus que l'application pure et simple de l'article 1780 du code civil.

Je pense que vous voudrez bien reconnaître que les compagnies de chemins de fer sont des institutions qui n'avaient pas été prévues par les auteurs du code civil, et je vous prie, en conséquence, de modifier les dispositions du contrat de travail entre les compagnies de chemins de fer et leurs employés.

Et d'ailleurs, quelle est, encore une fois, cette grande modification? Elle consiste purement et simplement dans l'adjonction de ces mots : « sans motif légitime. »> L'honorable M. Cuvinot dit : « Sans motif légitime » cela s'applique aussi bien aux employés des chemins de fer qu'aux compagnies.

Parfaitement. Donc, avec l'introduction de ces mots, vous supprimez le droit de grève. Les employés de chemins de fer n'ont plus le droit de déserter du jour au lendemain les chantiers, les voies, les gares et leurs machines. Ne croyez-vous pas que ce soit une garantie que vous donne l'article 2 en faveur duquel nous réclamons?

Vous ne paraissez pas y attacher une très grande importance, je le sais. Je crois cependant qu'il faudrait y attacher ce sens, et c'est ce sens que nous y attachons. Si jamais on venait à discuter l'interprétation de l'article 2, ce sens a été suffisamment établi, je l'espère, dans les discussions qui ont précédé le vote de la loi pour qu'il ne pût exister aucun doute.

L'honorable M. Cuvinot demande au ministre des travaux publics d'user de toute son influence sur les compagnies pour changer les conditions des caisses de retraites des compagnies, mais, en même temps, il refuse d'appuyer son autorité par le vote de la loi qui est en discussion. Nous vous demandons, nous, d'appuyer l'autorité du ministre des travaux publics par le vote de cette loi, et tout spécialement de l'article 4:

« Dans le même délai d'une année, les compagnies et administrations de chemins de fer devront soumettre à l'homologation ministérielle des statuts et règlements de leurs caisses de retraites et de secours. »

Par conséquent, messieurs, nous ne reculons pas devant la responsabilité que peut créer cet article, mais nous demandons en même temps au Sénat de vouloir bien le voter comme une des conséquences de l'article 2, car, sans cet article, nous n'avons aucune espèce de droit d'ingérence dans l'administration des caisses de retraites et de secours.

M. Hippolyte Maze. C'est la raison même de l'article !

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de requérir le départ ou la révocation d'un de vos employés pour un motif ou pour un autre ? C'est précisément parce qu'il a toujours été attaché un caractère de service public à l'administration des compagnies de chemins de fer, que le décret de 1852 a pu être rendu, qu'il a été maintenu jusqu'à présent et que des ministres ont pu dire que, tout en ne croyant pas le moins du monde renier leurs principes libéraux, quand ils se trouvaient cependant en face d'organisations aussi puissantes que celle des compagnies de chemins de fer, ils considéraient qu'il ne fallait pas dédaigner un pareil instrument.

L'honorable M. Cuvinot me soumettait tout à l'heure, à propos de ce décret de 1852, un argument dont je n'ai pas bien saisi la portée...

M. le rapporteur. Je demandais ce que les tribunaux feraient s'ils se trouvaient en face d'agents révoqués sur la réquisition du ministre des travaux publics.

M. le ministre. Je n'éprouve pas le moin dre embarras à répondre sur ce point. Lorsqu'un agent aura été révoqué sur la réquisition du Gouvernement, c'est le Gouvernement qui deviendra responsable. Il s'agit là d'un acte gouvernemental, politique, si vous voulez, et, par conséquent, soustrait à la jurisprudence des tribunaux. M. Buffet. Comment cela?

M. le ministre. Du moment qu'en vertu du décret de 1×52 je requiers une compagnie de révoquer un agent, il est évident que la compagnie n'a qu'à s'incliner et à se soumettre; l'agent ne saurait avoir aucune espèce de recours contre la compagnie qui a obéi à une réquisition du ministre. (Interruptions.)

M. Buffet. Ni contre le Gouvernement? M. Tolain. C'est une autre question, cela!

M. le ministre. Il a tous les recours possibles contre le ministre; nous sommes sous un régime parlementaire où vous savez que les responsabilités sont effectives (Sourires à droite.) Par conséquent, je ne considère pas que l'argument de M. Cuvinot puisse en aucune façon motiver la suppression des mots « sans motif légitime » de l'article 2, car il est bien évident que ces mots ne visent que des actes des compagnies et non des actes du Gouvernement.

L'honorable rapporteur a beaucoup insisté sur les bons sentiments qu'il professe à l'égard des employés de chemins de fer; je ne les discute pas le moins du monde; je crois cependant que M. Cuvinot est peutêtre allé un peu foin lorsqu'il a prétendu que cette loi n'était faite que pour les mauvais agents et n'était pas faite pour les bons. Je crois qu'il est également allé un peu loin quand il a considéré que cette loi n'était qu'une apparence. Si cette loi n'est qu'une apparence, pourquoi la combattezVous avec tant d'acharnement?

M. le rapporteur. Je vous prie, monsieur le ministre, de supprimer le mot « achar

tribune...

M. le ministre. Messieurs, l'honorable M. Cuvinot a parlé du décret de 1852. J'ai déclaré à cette tribune, lors de la premièrement ». Si j'ai eu quelques vivacités à la délibération, que, pour mon compte, je maintenais le décret de 1852 et que, si la nécessité s'en était fait sentir, je n'aurais pas hésité à l'appliquer.

M. le ministre. Avec tant de persistance, si vous voulez...

de et

Eh bien, mais, messieurs, ce décret de M. le rapporteur. Je suis l'instrument 1852 a été certainement rendu parce qu'en et l'organe de la commission. Nous avons ne considérait pas l'organisation des che- solé de m'être, une fois de plus, imposé à étudié mûrement la question et je suis démins de fer comme une organisation pure-l'attention du Sénat. (Marques d'approbation ment privée.

Est-ce que, considérant une autre industrie, même une concession de mines, par exemple, les pouvoirs publics se sont jamais avisés de dire: « Nous aurons le droit

sur divers bancs.)

M. le ministre. Je ne croyais pas qu'en me servant du mot «acharnement» je pouvais le moins du monde blesser votre suscepti

bilité. J'employais ce mot tout simplement | dans le sens de persévérance, parce que ce n'est pas la première fois que vous prenez la parole sur cette question.

M. le rapporteur. Hélas, non!

M. le ministre. Je retire le mot acharnement, s'il peut vous blesser. Mais enfin je eroyais qu'il était de mon droit de souligner cette contradiction et de vous dire Ou la loi est une réalité, ou elle n'est qu'une apparence; et, si elle est une apparence, comme vous le prétendez, alors pourquoi ne pas vous y résoudre et continuer à la combattre ?...

M. Léon Renault. Le législateur n'est pas fait pour créer des apparences. Je demande la parole.'

M. le ministre. Croyez bien, monsieur le sénateur, que, si la loi n'était qu'une apparence, à coup sûr elle n'eût pas été combattue. En tout cas, celui qui a l'honneur de la défendre à cette tribune et ceux qui ont réclamé depuis si longtemps les dispositions qu'elle contient ne l'ont pas considérée comme telle.

Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que, si l'on provoquait un referendum des employés de chemins de fer, il est probable que la majorité d'entre eux se prononcerait contre la loi.

Heureusement nous ne sommes pas sous le régime du plébiscite et du referendum. Nous sommes sous un régime parlementaire, et c'est à nous de prendre les décisions que nous jugeons bonnes.

Je crois que cette loi, telle qu'elle est présentée actuellement, constitue un progrès sérieux. J'ajoute qu'elle est réclamée depuis longtemps.

L'honorable rapporteur a dit tout à l'heure à cette tribune que, lorsqu'elle était revenue des délibérations de la Chambre des députés, elle présentait un certain nombre de dispositions inacceptables; il a notamment invoqué, pour la combattre, une partie de l'article 4 concernant les retraités des mécaniciens et des chauffeurs des compagnies de chemins de fer. L'honorable M. Maze a supprimé, dans son contre-projet, ces diverses propositions.

tenir, cela m'est tout à fait égal, et je ne demande pas mieux !

Les deux paragraphes de l'article 4 concernant la mise à la retraite des mécaniciens et des chauffeurs, qui évidemment avaient l'inconvénient de permettre de dire qu'ils pouvaient se retirer encore dans la force de l'àge, et, devenus de petits rentiers, accepter des fonctions privées, ces deux paragraphes sont supprimés par l'honorable M. Maze.

Le projet de loi tel qu'il est revenu de la Chambre des députés a été allégé, vous le voyez, d'un certain nombre de dispositions qui, je crois, avaient surtout fait écarter l'article 2 en première délibération.

Dans ces conditions, messieurs, je vous supplie de voter l'article 2 tel qu'il vous est envoyé par la Chambre.

que des raisons qui ont déterminé leur rupture. (Très bien! très bien! sur plusieurs bancs.)

Votre commission a été plus loin encore. Faisant une besogne qui est presque de surcroît, mais que je ne la blâme pas d'avoir assumée, elle a spécifié, dans le paragraphe 3 du nouvel article 1780, quels étaient les éléments de préjudice dont les magistrats auraient à tenir compte lorsqu'ils se trouveraient en présence d'une rupture de contrat que ne justifieraient pas des motifs légitimes.

Le paragraphe 3 du nouvel article 1780 énonce que, pour la fixation de l'indemnité à allouer le cas échéant, c'est-à-dire en cas de rupture du contrat sans motif légitime, il faut tenir compte « des usages, de la nature des services engagés, du temps écoulé, des conventions légalement formées entre les parties, notamment au sujet des pensions de retraite et en général de toutes

En le votant, vous mettrez fin à une vieille discussion qui date déjà d'une vingtaine d'années et vous donnerez satisfaction à un personnel qu'a coup sûr tout le monde dé-les clare intéressant et dont nul ne conteste les qualités. (Très bien! très bien! sur divers bancs à gauche.)

M. le président. La parole est à M. Léon

Renault.

M. Léon Renault. Messieurs, je ne m'attendais pas à prendre la parole dans cette discussion et il me semblait que le discours de l'honorable rapporteur, M. Cuvinot, avait épuisé les raisons qui devaient décider le Sénat à persister dans la résolution qu'il a prise quand il a été une première fois saisi du projet actuel.

En effet, M. Cuvinot a mis dans un merveilleux relief cette évidente vérité, que l'article 1780 contient toutes les garanties qu'on peut souhaiter d'établir dans les rapports des grandes compagnies de chemins de fer avec leurs employés en les instituant du même coup dans les relations de tous ceux qui, patrons ou ouvriers de toute industrie, dans notre pays, passent des contrats de location d'ouvrage ou d'indus

trie.

La nouvelle rédaction de l'article 1780 l'article 1er du projet de loi a introduit dans notre code civil une profonde modification. Il a fait cesser à un état de droit qui permettait à chacune des parties de mettre fin à un contrat de louage d'ouvrage ou d'industrie, par sa seule volonté, à moins qu'un terme n'eût été expressément sti

L'honorable M. Cuvinot avait combattu l'article 2 en s'appuyant sur certaines dispositions de l'article 3, qui disait : « Dans f'année qui suivra la promulgation de la présente loi, un réglement d'administra-pulé. tion publique déterminera les emplois que les compagnies ne pourront conférer qu'à des agents commissionnés »-« ou à des agents qui devront être commissionnés après un an de stage au plus. »>

Ce dernier paragraphê a été supprimé, ainsi que le paragraphe suivant : « Les causes en vertu desquelles pourront être prononcées contre les agents commissionnés les peines de la révocation ou de la descente de classe...>>

Vous avez dit aussi que la suppression de l'article 3, qui existait dans le contre-projet de M. Maze rendait inutile l'article 2, puisque cet article 3 était ainsi conçu : «Toute stipulation contraire aux dispositions des deux articles précédents est nulle de plein droit. »>

M. Maze a cru que, du moment qu'une loi était votée, une stipulation contraire devenait évidemment nulle de plein droit. Je crois qu'il avait absolument raison. (Rumeurs et interruptions.)

M. Bernard. C'est une hérésie juridi-
que!
M. Buffet. C'est une erreur complète!
M. Bernard. Sans l'article 3, votre loi

n'a plus de sanction.

M. le ministre. Si vous voulez le main

En effet, la rédaction nouvelle de l'article 1780, après avoir rappelé le principe inscrit dans le code civil, ajoute cette disposition: « Néanmoins, la résiliation du contrat par la volonté d'un seul des contractants peut donner lieu à des dommages et intérêts. »

Que veulent dire ces mots : « peut donner lieu à des dommages et intérêts»?

Ils ne peuvent avoir qu'une seule signification: c'est qu'il y aura lieu à dommages et intérêts, si la rupture du contrat voulue par une seule des parties contractantes n'est pas appuyée de motifs légitimes; car, en dehors de cette interprétation de la disposition ajoutée par le projet de loi à l'article 1780, il n'y en a pas d'autre que la raison puisse concevoir que la conscience puisse supporter.

C'est une innovation dont la portée est considérable: car dorénavant, dans la matière du louage d'ouvrage et d'industrie, le pouvoir de chacune des parties de rompre le contrat est subordonné à l'existence de motifs légitimes.

Qui est-ce qui sera l'appréciateur de l'existence de ces motifs légitimes? Ce sera la doit pas connaître et qui ne connait pas de justice du pays la justice du pays qui ne classes de citoyens, qui ne doit examiner que des contrats et qui ne doit être saisie

circonstances qui peuvent justifier l'existence et déterminer l'étendue du préjudice causé. »

Comment prétendre que cet article 1780 ne doive pas suffire à faire prévaloir auprès des tribunaux une réclamation formée par un employé quelconque, commissionné ou non, d'une compagnie de chemin de fer, démontrant que, sans motif légitime, il a vu rompre le contrat de louage d'industrie existant entre lui et cette compagnie ?

Comment supposer que cet article n'armerait pas cette même compagnie au cas où la rupture injustifiée du contrat serait

non de son fait mais de celui de son employé et n'aurait pas été déterminée par un motif légitime.

Qu'est-ce que l'article 2 du projet de lof qu'on nous propose d'ajouter à ce nouvel article 1780, ajouterait aux principes posés dans cet article tel qu'il a été modifié par la commission et déjà voté par vous? - Rien! absolument rien! (Approbation sur plusieurs bancs.)

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S'il m'était permis d'employer une locution un peu triviale, je vous demanderais pourquoi, après avoir mis dans l'article 1er de la loi' pardonnez-moi la vulgarité du terme « bonnet blanc », on éprouve le besoin d'écrire dans l'article 2 « blanc bonnet»? Car vous allez voir, en vous reportant à l'article 2 tel que M. Maze l'a reproduit dans son amendement, que nous allons y retrouver, sous une forme différente, exactement la même règle qui est inscrite dans le nouvel article 1780.

Voici le texte de cet article 2:

«La convention par laquelle les compagnies et administrations de chemins de fer louent les services de leurs agents commissionnés, ne peut être résiliée sans motif légitime par la volonté de l'une des deux parties contractantes que moyennant la réparation du préjudice causé à l'autre partie. »

L'article 1780 reproduit l'ancienne disposition de notre code portant que chacune des deux parties contractantes pouvait également résilier le contrat par sa seule volonté; mais il tempérait cette règle en ajoutant la possibilité, pour la partie congédiée, de demander des dommages-intérêts, et le droit pour les tribunaux de lui en allouer. Dans quel cas? Je vous l'indiquais tout à l'heure : dans le cas où le contrat aurait été rompu au détriment de la partie congédiée sans motifs légitimes.

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Ecrire dans l'article 2, que l'agent renvoyé par une compagnie de chemins de fer, ou bien que cette compagnie, abandonnée par son agent, sans que des motifs légitimes justifient ce renvoi ou cet abandommages-intérêts, fondés sur ce défaut don, auront la possibilité de réclamer des de motifs légitimes, n'est-ce pas rééditer le tempérament au droit de rupture récipro

que des conventions, prévu et défini par le nouvel article 1780? (Très bien ! très bien!) Pourquoi donc, messieurs, puisqu'on n'ajoute rien, absolument rien par l'article 2, vous demande-t-on de l'inscrire dans la loi ?

Est-ce avec la préoccupation de donner des armes nouvelles aux compagnies de chemins de fer, pour se protéger contre l'abandon de leurs agents commissionnés ? Si je pose cette question c'est que tout à l'heure j'ai entendu, non sans étonnement, M. le ministre présenter l'article 2 comme une disposition inspirée par le désir de protéger les compagnies de chemins de fer contre leurs employés...

M. Tolain. On n'a jamais prétendu cela! M. Léon Renault. Non, l'origine de l'article 2 n'est pas là, elle doit être cherchée ailleurs. On a flatté les agents commissionnés des compagnies de chemins de fer d'espérances irréalisables et complètement illusoires; on leur a promis qu'on leur eréerait, dans le monde économique, dans les relations du travail et du capital, une situation différente de celle à laquelle auraient droit les autres travailleurs.

M. Tolain. Qui donc les a ainsi flattés? M. Léon Renault. Il suffit, pour le savoir, mon cher collègue, de se reporter a tout ce qui s'est dit et écrit depuis que le projet de loi actuel est en discussion. Je n'ai pas besoin, je pense, d'apporter ici des journaux ni de convier le Sénat à aller s'asseoir en imagination aux banquets politiques et électoraux, où les questions des rapports des compagnies avec leurs agents commissionnés ont été traitées!

M. Tolain. J'ai tort de vous interrompre, mais je vous répondrai tout à l'heure. Je demande la parole.

M. Léon Renault. Avez-vous oublié qu'on n'a rien épargné pour répandre dans le pays cette idée fausse et mauvaise que, dans le monde des travailleurs, il pouvait y avoir des catégories, des classes, des corporations qui pouvaient prétendre à plus de protection dans l'exercice et pour la défense de leurs droits. (Très bien! très bien! à droite et au centre).

Eh bien, je dis que c'est là une idée antidémocratique, anti-républicaine. Ne pouvant espérer de jamais obtenir d'une Assemblée comme la nôtre la consécration de pareilles théories et l'adoption d'un tel programme, on veut bien consentir à se contenter d'un simulacre d'adhésion. On vous demande de l'accorder en votant cet article 2 qui n'ajoute rien en réalité à ce que les employés des compagnies de chemins de fer ont obtenu, mais comme les autres employés et au même titre, par l'article 1er du projet de loi.

Seulement, on semble ne pas s'être aperçu qu'on causait à toutes les autres classes de travailleurs un effroyable dommage par cette superfétation de l'article 2. (Nouvelles marques d'approbation sur divers bancs.)

Permettez-moi, monsieur le ministre, de m'adresser, bien que j'aie l'honneur de parler à la tribune du Sénat, aux lumières que me fournit l'exercice habituel de ma profession d'avocat et de vous indiquer comment ce dommage se produira.

A lire votre article 2, il semble qu'il s'agit d'une sorte de privilège que vous entendez accorder aux employés des compagnies, que c'est seulement vis-à-vis d'eux que le contrat de louage d'ouvrage ne pourra être résilié sans motifs légitimes. Dès lors, ne craignez-vous pas que les magistrats ne disent aux autres employés et ouvriers injustement congédiés et qui s'adresseraient à eux, que s'il a fallu un

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article spécial pour créer aux employés des compagnies de chemins de fer injustement renvoyés, droit à une indemnité, c'est que le nouvel article 1780 n'attribuait pas ce droit aux ouvriers appartenant aux autres professions et industries, congédiés et chassés, sans motifs légitimes, même peutêtre après avoir versé à la caisse des retraites des sommes importantes?

Voilà le mal que vous pouvez faire à la masse des travailleurs auxquels nous voulons accorder les mêmes garanties sans distinction de corps d'état; et ce mal vous vous exposez à le leur infliger, pour quel résultat?

les colères et tous les emportements par l'étendue et l'apreté de la déception.

Vous ne voudrez pas vous engager dans cette voie, messieurs. Vous devez être d'autant plus résolus à vous garder de la faute à laquelle on vous incite, qu'on a supprimé du projet de loi une disposition dont l'effacement lui donnera, le jour où ceux en faveur desquels on prétend légiférer y réfléchiront, un air d'ironie véritablement cruel. En effet, en même temps qu'on a inscrit dans l'article 2 cette disposition qui a l'apparence d'une affirmation absolue : « La convention par laquelle les compagnies et administrations de chemins de fer louent Est-ce pour permettre à un certain nom- les services de leurs agents commissionbre de politiciens de se présenter de- nés ne peut être résiliée sans motif 16vant les ouvriers des compagnies de che-gitime par la volonté de l'une des deux mins de fer en leur disant : « Nous avons parties contractantes que moyennant la réremporté pour vous une grande victoire; paration du préjudice causé à l'autre parnous vous avons assuré une situation de tie. » On a rayé l'article 3, qui faisait de privilège au détriment des autres tra- l'article 2 une disposition d'ordre public à vailleurs. »?... laquelle les parties contractantes ne pouvaient se dérober par aucun pacte dérogatoire.

Mais ce n'est pas tout.

Ce langage ne contiendrait pas même la vérité, car l'article 2, vous l'avez vu, ne concède aux employés commissionnés ou assimilés des chemins de fer rien au delà de ce qui est inscrit au profit de tous dans l'article 1780 nouveau, rien au delà du droit commun tel qu'il a été amendé par la volonté délibéréé et réfléchie des deux fractions du Parlement.

Tenez-vous-en donc, mes chers collègues, à la résolution que vous avez antérieurement prise; arrêtez-vous aux arguments qu'avec sa profonde connaissance de cette matière spéciale, notre honorable collègue M. Cuvinot a développés devant vous au nom de la commission; vous avez voté l'article 1780, qui, dans sa rédaction rêts légitimes et constitue un large et actuelle, donne satisfaction à tous les intévaste progrès. Cela est bien et cela suffit.

C'est en entendant ce langage que j'ai demandé la parole pour répondre à M. le ministre et que j'ai eu le tort de l'interrompre en lui disant «< Mais on ne doit pas voter des lois qui ne sont que des appa

L'honorable M. Maze, en supprimant l'article 3 du projet qui nous a été renvoyé par la Chambre des députés, et qui, seul, donnait à l'article 2 une sanction, puisqu'il interdisait également aux compagnies de chemins de fer et à leurs employés de se soustraire à son application, l'honorable M. Maze, dans son amendement, retire d'une main ce qu'il semble donner de l'autre ; la matière du contrat de louage d'ouvrage et d'industrie entre les compagnies de chemins de fer et leurs employés restent dans le domaine des conventions ordinaires. Dès lors, les compagnies conservent la faculté de stipuler dans leurs contrats avec leurs ouvriers et leurs agents commisvelle n'aura pas d'application, et que chasionnés ou non que l'article 2 de la loi noucune des parties conserverá le droit de quitter l'autre sans qu'aucune réclamation tendant à des dommages-intérêts puisse jamais être formulée.

Messieurs, M. le ministre vous recommandait, tout à l'heure, l'article 2 du projet à l'aide d'un dilemme qui est véritablement le plus étrange qui se puisse Que reste-t-il donc, alors, de l'article 2 imaginer dans un débat parlementaire. Il que M. le ministre vous demande de voter? vous disait: de deux choses l'une, ou Mais ce n'est pas tout. Je vois dans le l'article 2 crée une situation distincte de projet de loi un article 4, portant que dans celle que règle l'article 1780, et alors votez-l'année qui suivra celle de la promulgation le, parce que les privilèges qu'il créera se- de cette loi les compagnies de chemins de ront de nature à donner satisfaction aux fer devront soumettre à l'homologation miemployés des compagnies de chemins de nistérielle les statuts et règlements de leurs fer; ou bien, au contraire, il n'est qu'une caisses de retraites et de secours. Pourquof superfétation, et alors votez-le encore, cette disposition? De deux choses l'une, parce que, dans ces conditions, son adop-messieurs: ou, comme c'est ma conviction, tion ne peut avoir aucun inconvénient. étant donnés les principes organiques de l'administration des chemins de fer et les pouvoirs dont le ministre des travaux publics est investi à l'égard des compagnies par les lois mêmes de concessions, le ministre est armé du droit de se faire présenter les règlements des caisses des retraites et des caisses de secours dressés par les administrations des compagnies de chemins de fer, et d'y apporter ou d'exiger qu'elles y apportent les modifications qu'il estimera nécessaires, et alors l'article 4 du projet est inutile, ou bien le ministre n'est pas investi; par les lois et règlements qui règlent actuellement les rapports des compagnies de chemins de fer et de l'Etat, des droits que l'article 4 de la loi prétend lui conférer; et alors cet article constituerait un empiètement, interdit aux pouvoirs législatifs, sur des conventions librement débattues et librement consenties (Assentiment sur plusieurs bancs) et l'insertion de cet article dans la loi soulèverait une grave question de droit public et de droit privé.

rences. »

En effet, messieurs, j'estime qu'on ne doit pas manier des armes comme celles qui nous sont confiées et introduire dans la législation de son pays des innovations de mots pour le seuf plaisir de faire miroiter des textes incertains devant l'esprit et l'imagination de ses contemporains! (Très bien! très bien! sur divers bancs.) Ou l'on soumet au Parlement une disposition réelle vivante, et alors on la défend hardiment, en soutenant qu'elle a apporté plus de droit et de justice dans nos codes; ou bien, au contraire, si on reconnaît qué cette disposition à force d'avoir été amendée, émasculée, détournée de son but primitif, ne correspond plus à aucun résultat positif, alors on y renonce clairement.

Apporter des apparences législatives vaines à des hommes mal instruits, mal informés, c'est faire fermenter chez eux des espérances auxquelles l'événement ne peut pas répondre; ce n'est pas apaiser, réconcifier, c'est exalter, et justifier presque toutes

Je vous demande pardon, messieurs, de vous avoir présenté peut-être avec un certain désordre et une certaine confusion... (Non! non! très bien !) la série des objec tions qui sont nées dans mon esprit au fur et à mesure que j'entendais M. le ministre

des travaux publics défendre l'amendement de l'honorable M. Maze et combattre la disposition si sage, si véritablement libérale et d'un intérêt si général qui vous a été présentée par la commission.

J'ai la foi très ferme que le Sénat persévérera dans la résolution qu'il a prise, une première fois déjà, d'accorder à tous ce qui est juste et de fermer résolument la porte, en cette matière, à toute disposition créant dans la patrie française des privilèges, des catégories et des exceptions qui se rattachent aux souvenirs d'un temps et d'un monde disparus. (Très bien! et vives marques d'approbation à droite et au centre.) M. le président. La parole est à M. Tolain.

Sur divers bancs. A jeudi! nuous! Parlez!

Non! conti

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RÈGLEMENT DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici, messieurs, ce qui pourrait faire l'objet de l'ordre du jour de notre prochaine réunion:

Suite de la 2 délibération sur la proposition de loi, adoptée par la Chambre des députés, molifiée par le Sénat, adoptée avec modifications par la Chambre des députés, sur le contrat de louage et sur les rapports des agents des chemins de fer avec les compagnies.

2o délibération sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, amendée par la Chambre des députés, ayant pour objet de modifier les droits de l'époux sur la succession de son conjoint prédécédé.

Je propose au Sénat de se réunir en séance publique jeudi, à trois heures, avec l'ordre du jour que je viens d'indiquer. Il n'y a pas d'opposition?... L'ordre du jour est ainsi réglé.

Personne ne demande plus la parole ?... La séance est levée.

(La séance est levée à cinq heures vingtcinq minutes.)

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2o délibération sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, amendée par la Chambre des députés, ayant pour objet de modifier les droits de l'époux sur la succession de son conjoint prédécédé. (No 44, session ordinaire, et 7, session extraordinaire 1890. -M. Delsol, rapporteur.)

M. Cochery a déposé des pétitions émanant des facteurs et employés des postes et télégraphes de Corbeilley-du-Gâtinais, Ladon, Malesherbes et Saint-Jean-de-Braye (Loiret).

Errata

au compte rendu in extenso de la séance du vendredi 21 novembre 1890 (Journal officiel du 22 novembre).

Discours de M. G. Humbert sur les droits du conjoint survivant.

Page 1055, colonne 1, ligne 9.

Après les mots :

«...quant à la forme, mais...»,

Ajouter :

«...à mon avis... ».

Même page, ligne 41,

Au lieu de : «...paragraphe 2... », Lire : «...l'article 2... ».

Même page, colonne 2, ligne 64, Au lieu de : «...répété... »,

Lire :

« ...rejeté... ».

Même page, colonne 3, ligne 40, Au lieu de :

« ...article 1455 ...",

Lire :

« ...article 1465... >>>.

Même page, colonne 3, ligne 48, Au lieu de :

« ...confié... »,

Lire :

« ...conféré... ».

Page 1050, colonne i, alinéa 9. Au lieu de :

« ...réunion future... »>,

Lire :

«< ...réunion fictive... ».

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« Je donne lecture des paragraphes 6, 7, et 8 proposés par la commission.

« Ces paragraphes sont ainsi conçus:

« Le calcul sera opéré sur une masse faite de tous les biens existant au décès du de cujus, auxquels seront réunis fictivement ceux dont il aurait disposé, soit par acte entre vifs, soit par acte testamentaire au profit de successibles, sans dispense de rapport.

Mais l'époux survivant ne pourra exercer son droit que sur les biens dont le prédécédé n'aura disposé ni par acte entre vifs, ni par acte testamentaire.

«Il cessera de l'exercer dans le cas où il aurait reçu du défunt des libéralités, même faites par préciput et hors part, dont le montant atteindrait celui des droits que la présente loi lui attribue, et, si ce montant était inférieur, il ne pourrait réclamer que le complément de son usufruit. »

<< Personne ne demande la parole?... « Je mets ces paragraphes aux voix. « (Les paragraphes 6, 7 et 8, mis aux voix, sont adoptés.) »

Paris. ➡ Lmprimerie des Journaux offiviets, 31, qual Voltaire.

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Dépôt, par M. Le Monnier, de cinq rapports sur einq projets de lois, adoptés par la Chambre des députés :

Le 1er, portant établissement de surtaxes sur le vin et l'alcool à l'octroi d'Aubagne (Bouches-du-Rhône);

Le 2, tendant à autoriser la ville de Paris à imputer sur l'emprunt de 250 millions une somme de 28,280,000 fr., et à changer l'affectation d'une somme de 312,774 fr. 68; Le 3, portant prorogation d'une surtaxe perçue sur le vin à l'octroi d'Annonay (Ardèche);

Le 4, tendant à autoriser la ville de Nantes (Loire-Inférieure) à emprunter 2 millions 788,000 fr. et à s'imposer extraordinairement;

Le 5, tendant à approuver un engagement de la ville de Nimes (Gard). Question à M. le ministre de l'instruction publique MM. Wallon, Léon Bourgeois, ministre de l'instruction publique et des beauxarts.

Demande de congé.

Suite de la 2 délibération sur la proposition de loi, adoptée par la Chambre des députés, modifiée par le Sénat, adoptée avec modifications par la Chambre des députés, sur le contrat de louage et sur les rapports des agents des chemins de fer avec les compagoles. Suite de la discussion sur le contreprojet de M. Hippolyte Maze MM. Tolain, Clamageran, Bernard, Lacombe, Yves Guyot, ministre des travaux publics; Trarieux. Rejet au scrutin de l'article 2 du contreprojet. Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

Dépôt, par M. Le Monnier, de cinq rapports faits au nom de la 7 commission d'intérêt local, chargée d'examiner divers projets de lois, adoptés par la Chambre des députés, tendant:

Le 1er, à établir d'office une imposition ex-
traordinaire sur la commune de Mons
(Charente-Inférieure);

Le 2o, à autoriser le département des Deux-
Sèvres à s'imposer extraordinairement,
pendant l'année 1891, pour le payement
de diverses dépenses d'intérêt départe-
mental;
Le 3, à autoriser la ville de Châtellerault

(Vienne) à emprunter 513,780 fr. et à s'im-
poser extraordinairement;

Le 4o, à proroger des surtaxes perçues sur

le vin, le cidre et l'alcool à l'octroi de

Caudan (Morbihan);

Le 5, à distraire de la commune de ToulxSainte-Croix, arrondissement et cantor de Boussac, département de la Creuse, la section de Ventenat pour l'annexer à la commune de Troisfonds, même arrondissement, canton de Jarnages, département

de la Creuse.

Dépôt, par M. Yves Guyot, ministre des travaux publics, au nom de M. le ministre des finances, de deux projets de lois adoptés par la Chambre des députés :

Le 1er, relatif à un échange de terrains forestiers entre l'Etat et la commune de Saint-Raphaël (Var);

Le 2, relatif à un échange de terrains situés dans le département de la Lozère entre l'Etat et M. Pin.

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PRÉSIDENCE DE M. LE ROYER

La séance est ouverte à trois heures. M. Frank Chauveau, l'un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 25 novembre.

Le procès-verbal est adopté.

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. La parole est à M. Le Monnier.

M. Le Monnier. J'ai l'honneur de déposer sur le bureau du Sénat le rapport fait au nom de la 7° commission d'intérêt local, chargée d'examiner plusieurs projets de lois, adoptés par la Chambre des députés :

Le 1er, portant établissement de surtaxes sur le vin et sur l'alcool à l'octroi d'Aubagne (Bouches-du-Rhône).

Le 2o, tendant à autoriser la ville de Paris à imputer sur l'emprunt de 250 milchanger l'affectation d'une somme de lions une somme de 28,280,000 fr., et à 312,774 fr. 68.

Le 3, portant prorogation d'une surtaxe perçue sur le vin à l'octroi d'Annonay (Ardèche);

Le 4, tendant à autoriser la ville de Nanfrancs et à s'imposer extraordinairement; tes (Loire-Inférieure) à emprunter 2,788,000 Le 5o, tendant à approuver un engagement de la ville de Nîmes (Gard).

M. le président. Les rapports seront imprimés et distribués.

QUESTION

M. le président. La parole est à M. Wallon pour poser une question à M. le ministre de l'instruction publique, qui l'accepte.

M. le ministre de l'instruction publique la M. Wallon. Messieurs, j'ai demandé à permission de lui poser une question sur l'organisation de l'école des hautes études. Cette question n'est pas de nature à l'embarrasser; elle pourrait bien plutôt, s'il me la rétorquait, m'embarrasser moi-même. Car enfin, si l'école des hautes études laisse quelque chose à désirer dans son organisation, à qui s'en prendre? Ce n'est pas au ministre qui vient d'entrer au pouvoir, ce serait bien plutôt aux ministres qui en sont sortis sans avoir porté remède à la chose.

Vous savez, messieurs, quelle est l'oril'école des hautes études. Cette école a été gine et quelle est la situation actuelle de instituée par M. Duruy, en vertu d'un décret du 31 juillet 1868.

Elle se composait de quatre sections: section des sciences mathématiques, section des sciences physiques et de chimie, section des sciences naturelles et physiolo

Et au nom de M. le ministre de l'intérieur, six projets de lois, adoptés par la Chambre des députés : Le fer, tendant à autoriser la ville de Li-giques, et section des sciences historiques sieux (Calvados) à emprunter une somme de 125,000 fr. et à s'imposer extraordinalrement;

SÉNAT -IN EXTENSO

et philologiques. Chacune de ces sections était sous le patronage d'une commission permanente composée de cinq membres

choisis par le ministre parmi les directeurs de ces sections. Elle était de plus gouvernée par un conseil supérieur, lequel était composé de membres de l'Institut, des doyens des facultés, du directeur de l'école normale, de l'observatoire et de plusieurs hauts fonctionnaires désignés par leurs fonctions mêmes, et des directeurs des quatre sections.

L'article 10 qui réglait ainsi la composition de ce conseil en définissait aussi les

attributions.

Il avait à donner son avis sur les matières suivantes : subventions pour la création et le développement des laboratoires; indemnités à allouer aux directeurs, aux élèves les plus méritants; missions scientifiques à l'étranger; désignation des élèves sortants qui peuvent être, en raison de leur aptitude, chargés de cours dans l'enseignement secondaire, ou être employés comme préparateurs dans l'enseignement supérieur, comme aides-naturalistes, etc.

Le conseil pouvait en outre être appelé à donner son avis sur toutes les questions intéressant l'école. Il devait être réuni au moins deux fois par an, au commencement et à la fin des cours, sur la convocation du ministre.

Voilà, messieurs, quelle était l'organisation de l'école. Vous voyez le point central de cette école; son gouvernement, c'était le conseil supérieur.

survécu au ministre qui l'a instituě, ou, Eh bien, ce conseil supérieur n'a guère tout au moins, à l'Empire. Sous la République, je ne trouve plus qu'un simple arrêté de M. de Fourtou, en date du 27 février 1874, applicable à une seule section de l'école et qui est un règlement intérieur relatif aux cours et au personnel de l'enseignement. Quant au conseil supérieur, qui était, comme je le disais, le pivot de l'école des ruy, il n'en est plus question. hautes études dans la conception de M. Du

Qu'est-ce donc qui forme aujourd'hui ce lien des quatre sections que M. Duruy avait voulu réunir en une seule école? Qui détermine les allocations à donner aux laboratoires? Qui donne son avis sur les cours à matières qui étaient soumises aux délibéétablir ou à modifier, enfin sur toutes les rations dù conseil supérieur? A l'heure qu'il est, entre le ministre et l'école, il n'y a plus que les bureaux.

Je demande à M. le ministre s'il ne pense pas que, dans l'intérêt de la bonne administration de l'école, dans l'intérêt de l'enseignement et des professeurs, il ne conviendrait pas de revenir à quelque chose d'analogue à ce qui existait à l'orlgine. On pourrait dire: « Pourquoi ne l'aici que le ministre aurait le droit de nous t-on pas fait depuis longtemps? >> Et c'est pren ire à partie, nous qui avons passé par

le ministère de l'instruction publique. Pour nous excuser, je réponds que l'on était dans une période d'essai; sous l'Empire même, l'école ne figurait que dans le budget extraordinaire; on ne la considérait pas encore comme fondée. Ce n'est que depuis la République qu'elle est entréa dans le budget ordinaire. C'était done, je le répète, une sorte de période d'essai.

Mais maintenant l'école a vingt-deux ans, l'école est majeure; elle peut bien sortir dance de la direction de l'enseignement de tutelle et ne plus être une simple dépensupérieur. Elle a le droit d'avoir une constitution à elle, analogue à celle de tous les autres établissements d'enseignement supérieur.

M. le ministre a déposé un projet de loi dont le Sénat est saisi sur les Universités. Eh bien, si l'on crée une université de Paris, comprenant les diverses écoles du haut enseignement, l'école des hautes études ne peut rester en dehors et, pour y

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