Page images
PDF
EPUB

tions qu'ils sont en droit d'attendre et que justifie et l'augmentation des services qui leur sont imposés et l'augmentation de toutes les choses nécessaires à la vie? (Bruit à droite.)

Je pourrais entrer sur ce point dans de fort intéressants détails. Je ne veux pas m'y attarder à cette heure. Il me suffit de constater qu'aucune de ces améliorations de traitement ne s'est appliquée à ce qu'on appelle les emplois supérieurs, qu'elle s'est distribuée seulement entre cette infinie variété de petits fonctionnaires qui touchent de si faibles traitements qu'on n'en trouve plus de pareils dans l'industrie.

J'ai fait une moyenne qui prouve que, depuis 1869, ces petits fonctionnaires ont vu leurs traitements s'élever d'une somme à peine supérieure à 100 fr. par an. Pensezvous que ce soit excessif? (Rumeurs à droite.)

M. Buffet. Personne ne dit cela!

[ocr errors]

M. le rapporteur général. Mon cher collègue, je suis le maître de ma discussion. (Très bien ! très bien! à gauche.) Et si je dis ces choses, c'est qu'à la Chambre des députés je ne veux pas citer de noms un de vos orateurs les plus enflammés s'est précisément fait un argument de cette augmentation des frais de régie pour démontrer que la République avait gaspillé des fonds par des largesses imméritées au personnel. Je devais relever cette injuste accusation devant le Sénat, pour le respect de la vérité et la défense de nos modestes fonctionnaires. (Très bien! très bien! à gauche.)

Les réductions que vous feriez sur ces crédits de frais de régie seraient, comme celles que je vous ai indiquées tout à l'heure, désastreuses au point de vue de vos impôts.

N'oubliez pas, en effet, que, dans notre système fiscal, la fécondité des taxes dépend exclusivement du zèle et de la bonne volonté des employés chargés de la perception.

-

Un académicien ce n'est pas M. Léon Say (Sourires) disait ces jours-ci que la perception de l'impôt est une opération chirurgicale que le contribuable ne subit pas sans douleur, et qu'il ne faut jamais lui demander de se faire à lui-même. Il avait raison. J'ajoute qu'il n'est sorte de ruses et de résistances que le contribuable n'oppose au coup de bistouri. Il est souvent plus habile que l'agent du fisc.

[ocr errors]

SÉNAT — SÉANCE DU 18 DÉCEMBRE 1890

et surannées qu'on peut tarir la cause des dépenses.

Ah! messieurs, le problème des économies posé sur ce terrain devient bien délicat réformer l'administration, c'est facile à dire, mais ce n'est pas facile à faire. (Vive approbation à gauche.)

La Révolution de 1789 à fait cette réforme, et elle l'a faite assez facilement. Mais c'est que toutes les institutions vieillies étaient tombées d'elles-mêmes et qu'elles n'inspiraient aucun regret. Depuis cette époque, nous avons constamment développé les institutions qui nous ont été données pour l'Assemblée nationale et par la Convention. Nous sommes en présence d'une existence nationale adaptée à ces organes. Croyez-vous qu'il soit facile de rompre violemment et subitement le faisceau de ces habitudes populaires? Croyezvous qu'il soit facile, d'un jour à l'autre, de rompre l'unité départementale pour revenir à ce qui hante le cerveau de quelques novateurs, la centralisation provinciale?

Croyez-vous facile de supprimer des tribunaux, des collecteurs d'impôts, de porter la main sur notre régime fiscal et d'y substituer un organisme plus simple, plus productif, s'adaptant mieux aux progrès scientifiques et industriels modernes? Est-il bien aisé, en un mot, de rompre d'un moment à l'autre les cadres de nos budgets, de nos besoins et de nos habitudes?

Ah! messieurs, ces questions-là sont faciles à discuter dans un livre, dans une académie ou dans un journal, quand on n'a d'autres limites que la liberté de ses conceptions et qu'on est affranchi de toute responsabilité. Les projets ne manquent pas. Les plus radicaux, je prends, bien entendu, ce mot sans acception politique, les plus exagérés sont quelquefois ceux qui plaisent le plus au public...

M. le ministre des finances. Naturellement! Ils sont simplistes!

M. le rapporteur général. Je ne voudrais mêler dans ce grave débat rien qui paraisse une raillerie ou un badinage; mais Je ne puis pas m'empêcher de me souvenir d'une petite anecdote que Cervantès raconte dans ses mémoires. Elle est très courte. Voulez-vous que je vous la raconte ? (Oui! oui! Parlez!)

Cervantes, donc, raconte qu'un jour, viside Madrid, il fut intéressé par la conversatant un établissement public des environs tion d'une personne qui discourait avec animation au milieu d'un groupe nombreux. On la lui présenta comme un économiste des plus fameux de l'Espagne. Je viens, disait cet homme, de composer pour Sa Majesté un mémoire dans lequel

Eh bien, messieurs, il faut armer vos soldats pour la lutte; il ne faut pas les décourager en diminuant leurs moyens matériels d'action et leur zèle. Il ne faut pas leur reprocher, comme on l'a fait, les fai-je lui propose un moyen très facile de faire bles dotations qui leur sont accordées. Vous toucheriez ainsi aux racines mêmes de la productivité de l'impôt. (Très bien ! très bien à gauche.)

Sur cette question des économies, j'ai une dernière considération à présenter, si le Sénat veut bien me le permettre. (Parlez! parlez!)

On est assez près de reconnaître que si on conserve le système actuel de l'administration, les économies actuelles ne peuvent pas être très considérables. On se résigne à admettre que tant que le budget sera établi dans les cadres qui le constituent, il est difficile d'espérer les cinquante millions qu'on dégage avec une si grande facilité à la tribune.

Mais on prétend que l'administration est trop compliquée, qu'elle est devenue semblable à une forêt touffue, qu'il faut y porter la cognée et y établir des coupes sombres. Il faut, dit-on, faire pour l'administration comme pour les frais de justice. c'est en supprimant les formalités inutiles

des économies suffisantes pour payer les dettes de toutes les Espagnes. Il suffirait de proposer aux Cortès que tous les Espagnols de quatorze à soixante ans jeûnassent un jour par mois au pain et à l'eau, et que toutes les dépenses en vin et en viande fussent portées au Trésor, sans en rien retrancher. Les Espagnols auraient ainsi l'avantage de plaire à Dieu et de servir au roi.

Les auditeurs rirent beaucoup du projet de l'économiste; l'économiste se moqua d'eux à son tour. Et Cervantès, qui était homme de sens, ajoute: Je fus très frappé de cet entretien et je conclus que tous les hommes qui ont la manie des inventions fiscales destinées à enrichir l'Etat vont inévitablement mourir à l'hôpital. (Rires.)

Messieurs, l'histoire se passait en Espagne, et c'est mon excuse de vous l'avoir racontée. Il est bien entendu que je ne l'applique à aucun des économistes présents... (Hilarité.)

M. Cochery. Vous avez tort! (Nouvelle hilarité.)

[ocr errors]

1179

M. le rapporteur général. ...pas plus qu'aux personnes de bonne foi, aux hommes consciencieux qui étudient la question des réformes sociales ou financières. Leurs recherches peuvent beaucoup nous servir quand ils sont attentivement préparés et qu'ils se dégagent des théories spéculatives et de l'empirisme.

Dans tous les cas, ce n'est pas dans le budget que ces réformes peuvent trouver place. On ne pouvait pas fonder sur elles l'équilibre de la loi financière de 1891. Je puis donc affirmer, à ce moment de mon discours, que, pour le budget de 1891, il était véritablement impossible de trouver, dans les économies, le moyen de faire face aux dépenses qui prenaient siège dans le budget.

Comment alors, fallait-il obtenir les voies et moyens nécessaires?

La Chambre des députés avait voté résolument l'incorporation des dépenses. Aucune discussion ne s'était élevée sur ce point. Mais quand il a fallu payer la note, un sentiment de révolte s'est manifesté sur beaucoup de bancs, et c'est alors que M. le ministre des finances a passé qu'il me pardonne l'expression un très mauvais quart d'heure (Sourires). Il n'a pas désespéré de sa cause, et je le remercie de l'avoir fait triompher.

Mais enfin, la Chambre des députés, comme un coursier qui se cabre, a cherché tous les moyens possibles pour se dérober devant l'obstacle. Elle ne s'est pas sentie assez résolue pour faire l'effort qu'on lui demandait. Elle s'est dérobée par deux expédients: je les trouve tous les deux regrettables.

Le premier, c'est la réduction des crédits d'amortissement; c'est la conversion des obligations dont il était parlé tout à l'heure. Le procédé est mauvais. Je ne le discute pas actuellement en droit; je ne le discute pas non plus davantage au point de vue de T'opportunité. Ce débat viendra à son heure. Je constate seulement qu'au point de vue du budget, au point de vue de l'avenir de l'amortissement, j'aurais préféré voir figurer dans le budget les crédits d'amortissement applicables à ces obligations.

Le second expédient consiste dans la majoration des recettes. On a trouvé qu'on pouvait bien les augmenter d'une somme de 20 millions. Je me suis expliqué sur cette question dans mon rapport; l'honorable M. Blavier voulait bien y faire allusion tout à l'heure. C'est un procédé très incorrect, à mon avis. Non pas que je blâme également l'augmentation relative à l'Exposition universelle: il y avait peut-être là, en effet, quelque chose à faire. Je crois que ces recettes, qui avaient été considérées comme exceptionnelles à l'origine, avaient cessé de l'être, et que la matière imposable, s'étant développée à l'occasion de l'Exposition universelle, avait peut-être acquis un degré de permanence suffisant pour permettre d'inscrire au budget de 1891 une somme équivalente à celle de 12,500,000 fr., qui avait été prévue dans le budget de

1889.

Ce que je considère comme tout à fait mauvais, c'est le procédé de majoration des recettes 'employé par la Chambre des députés; cette politique des majorations, vous le savez, messieurs, tient aux sources mêmes de nos budgets. C'est la garantie de notre équilibre, de notre avenir financier. On a toujours demandé aux Parlements, après des expériences multipliées qui ont eu des fortunes diverses et qui n'ont pas été toujours heureuses pour le crédit public, de prendre pour base des recettes les recettes connues au moment de la préparation du budget, et cela pour donner à ce budget l'élasticité nécessaire. La raison en est qu'entre l'époque où le budget se prépare

et celle où il entre en application, il s'écoule ordinairement douze ou quinze mois, et que le budget nouveau profite alors des plus-values qui se sont produites pendant cette période.

Un sénateur à droite. M. Buffet demandait qu'on trouvât le moyen de gager les nouvelles dépenses.

M. le rapporteur général. Mais comment voulez-vous y parvenir sans cela, mon honorable collègue?

M. Buffet. Par des économies! (Rumeurs à gauche.)

La Chambre a admis une dérogation à cet usage. En poussant son système jusqu'au bout, elle aurait pu prendre pour base les excédents de 1890. Elle ne l'a pas fait; il faut lui en savoir gré. Elle a admis cette majoration comme un expédient. Nous l'acM. le rapporteur général. Par des écocueillons ici aussi comme un expédient, nomies, dites-vous?... Je retiens votre obespérant qu'il ne se reproduira plus. (Assen-servation, et je suis bien aise de vous avoir démontré tout à l'heure.que prétendre pourtiment à gauche.-Exclamations ironiques à voir à des dépenses de guerre sur des droite.) économies, c'est se payer d'illusion.

Messieurs, vous me permettrez bien de manifester cette espérance,

La Chambre des députés, elle-même, après les auteurs de la proposition, a tou jours tenu ce langage: Nous agissons ainsi parce que nous sommes en présence de propositions d'impôts, et parce que nous ne croyons pas que de nouveaux impôts soient possibles dans la limite où ils sont demandés Nouvelles interruptions à droite) - c'était leur opinion, — et c'est pour cela que nous admettons à titre exceptionnel et temporaire, cette dérogation au système ordinaire de majoration des recettes. C'est là un expédient transitoire auquel on n'aura plus recours dans l'avenir.

-

Le champ des impôts nouveaux étant ainsi réduit, il ne restait plus à en demander au budget de 1891 que pour 60 millions. 40 millions avaient été déjà votés par les deux Chambres, quand elles ont adopté successivement les relèvements de tarifs relatifs aux douanes.

On est donc aujourd'hni en présence d'un effort à faire de 20 millions seulement; nous vous demandons, messieurs, de le faire résolument.

Le Sénat ne peut pas être surpris par la nécessité des nouveaux impôts; ce n'est pas la première fois que cette question se présente devant lui. A chacune des dernières discussions budgétaires, pour ainsi dire, ses commissions des finances ont eu le sentiment qu'il était impossible de maintenir indéfiniment les budgets en déficit et les budgets d'emprunts, et qu'il était indispensable de demander au pays des ressources nouvelles pour couvrir ces déficits. Vous trouverez, messieurs, l'expression de ce sentiment dans tous les rapports faits par mes honorables prédécesseurs, M. Millaud, M. Loubet, M. Faye, M. Dauphin.

Nous avons tous pensé que le moment viendrait, et qu'il était très proche, de demander au pays ces sacrifices indispensa

bles.

Cette nécessité ne s'est-elle pas fait jour devant vous, messieurs, avec une intensité particulière lors de la discussion du dernier budget extraordinaire de la guerre ? Vous vous rappelez que quand elle s'est ouverte, nous avions tous la conviction que la dépense ne pouvait pas être refusée; mais quelle était alors l'opinion qui s'était formée dans la commission des finances? Une très forte minorité, dont je faisais partie, disait au Gouvernement nous consentirons à vous donner les ressources dont vous avez besoin; mais comme nous considérons qu'il s'agit de dépenses reconnues permanentes, nous demandons qu'on réclame au pays des ressources nouvelles. L'honorable M. Trarieux, je me le rappelle, s'écriait de son banc : « Rejetez la dépense, ou créez de nouveaux impôts. >> L'honorable M. Buffet montait à la tribune en disant : « Je n'admets pas qu'on vote ces dépenses si l'on ne trouve pas des ressources nouvelles. >>

M. Buffet. Pardon, monsieur le rapporteur; je n'ai jamais demandé la création de nouveaux impôts.

Un autre membre de cette Assemblée dont nous connaissons la grande expérience, l'honorable M. Tirard, s'exprimait ainsi :

« Le moment est venu de parler au pays avec virilité pour lui demander des ressources nouvelles. Il y a plus de patriotisme à le faire, quitte à encourir l'impopularité, qu'à entretenir chez lui des illusions décevantes et dangereuses pour la patrie. » Et ces paroles étaient couvertes d'applaudissements.

M. Tirard sentait bien en effet qu'il était impossible de se borner à demander au Gouvernement des économies et qu'il fallait se placer résolument en face de la question des taxes nouvelles.

J'ajoute enfin que quelques mois auparavant, en février, l'honorable M. Chesnelong, à propos du mêmê budget, montait à la tribune et demandait également des ressources nouvelles pour gager les dépenses de la guerre reconnues nécessaires. On a pu, au moyen d'expédients, ajourner l'échéance; la voilà aujourd'hui arrivée.

leurs pris des engagements en ce sens, et M. Trarieux. Le ministre avait d'aille crédit ne fut voté que sur ses promesses formelles.

M. le rapporteur général. Vous avez raison. M. le président du conseil, qui convainc toujours tout le monde (Sourires), nous a convaincus à ce moment-là. Les crédits ont été votés, on lui a fait confiance; c'est son engagement que tient aujourd'hui M. le ministre des finances.

déjà été demandé au Parlement, monsieur M. Tirard. Le vote d'impôts nouveaux a le rapporteur, et ils ont été refusés par la Chambre des députés. Vous devez vous rappeler qu'à une certaine époque, il y a eu toute une série de réformes proposées, et notamment celle qui portait sur l'impôt des boissons et qui aurait fait entrer dans le budget des ressources absolument nou

velles.

M. le rapporteur général. Je le sais bien, mon cher collègue; mais l'incident spécial sur lequel j'appelle en ce moment les souvenirs du Sénat, c'est la discussion qui a eu lieu dans cette Assemblée même, au sujet du budget extraordinaire de la guerre, qui se montait à 154 millions. Vous avez pris la parole dans cette discussion, et vous avez adressé au pays ce langage si fier que j'ai rappelé, et qui vous fait grand honneur. (Très bien ! à gauche.)

Vous avez, messieurs, aujourd'hui un modeste effort à faire. Il s'agit simplement de demander au pays les 20 millions qui restent à trouver. Je crois que s'il fallait solliciter de lui un sacrifice plus considérable, vous pourriez compter sur son patriotisme. Cet accroissement de charges, bien réparti, ne peut pas peser lourdement sur la population.

La progression de la fortune publique se dégage de tous les faits économiques que l'on peut consulter. En outre, le pays a payé autrefois 300 millions de plus d'impôts

|

avant les dégrèvements et avant qu'on lui eût donné par les grands travaux publics T'outillage qui a développé le travail et la production.

résolu, on oppose, je le sais, une politique A cette politique d'équilibre immédiat et que j'appellerai la politique d'attente. Pourquoi, dit-on, ne ferait-on pas encore en 1891 un budget d'expédients? Il y en a eu déjà tant qu'un de plus ou un de moins ne changerait pas la situation. On y aurait l'avantage de trouver dans l'avenir des ressources qui éviteraient la nécessité des nouveaux impôts.

Nous allons, en effet, avoir des plus-values; car elles se développent. Nous aurons de la revision des tarifs, et nous sommes le produit des droits de douanes, à la suite enfin à la veille de la conversion. Pourquoi venir demander aujourd'hui au pays, par la loi de finances, un nouvel effort, quand on prévoit à l'horizon des ressources latentes considérables?

Nous n'acceptons pas cette politique. Les ressources qu'on nous offre sont de simples espérances. Les plus-values, je le crois, sont réelles; elles ne sont pourtant pas encore suffisamment consolidées. Si on veut faire une politique de prévoyance, c'est chose impossible que de les escompter pour les exercices futurs.

Nous ne faisons pas, d'ailleurs, les budgets de 1892, de 1893 ou de 1894; nous faisons le budget de 1891, nous voulons obtenir l'équilibre et nous voulons l'obtenir avec des réalités. Nous ne voulons ni un budget d'attente ni un budget en déficit,

D'ailleurs, messieurs, si nous avons en effet des espérances de ressources dans le budget, nous avons aussi — l'honorable M. Blavier vous le disait avec raison — des

dépenses latentes. Il y en a malheureusement beaucoup, et je me permets d'en faire le reproche au Sénat tout entier. Vous avez depuis quelques années voté successivement, et pour ainsi dire sans vous en apercevoir, des lois dont les conséquences s'étendent et se développent, dont la répercussion se fait sentir sur les crédits budgétaires. Ces lois nouvelles, votées inconsciemment au point de vue financier, savez-vous quelle en est la charge sur le budget de 1891? Elles entraînent une dépense de 59 millions.

Je crois que ce chiffre ne se reproduira pas les années suivantes; mais quoi que vous fassiez, les lois développeront encore leurs conséquences; elles ne sont pas encore arrivées à la plénitude de leur action, et elles amèneront d'année en année des dévelles, il faut leur laisser un gage. Il y en penses nouvelles; or, ces dépenses noua quelques-unes, parmi elles, messieurs, qui affectent un caractère tout particulier sur lequel je tiens à appeler l'attention du Sénat. Nous avons, dans le budget actuel de la France, plus de 100 millions qui n'exis taient pas dans nos anciens budgets, et qui sont distribués en libéralités aux établissements publics, aux associations populaires, à toutes les œuvres qui servent à l'exercice de la bienfaisance publique.

Ce n'est pas là le socialisme d'Etat, c'est la coopération de l'Etat à des fondations qui sont dans les nécessités démocratiques et qui ne pourraient pas vivre sans lui. C'est la théorie du secours mutuel favorisée par les salaires généraux. C'est la main tendue aux nombreuses associations qui combattent la souffrance, la pauvreté, la misère, qui reposent sur les forces de l'initiative privée, mais qui ont besoin pour vivre de trouver l'aide et le secours officiel

du Gouvernement.

Or, messieurs, savez-vous combien, dans la précédente législature, il a été voté de lois ayant ce caractère?

Il en a été voté 27, touchant à toutes les

parties du domaine si étendu de l'assistance publique.

Et savez-vous combien il en reste encore à voter? Il y en a 33 qui sont déjà à la Chambre des députés et à la porte du SéSénat.

Elles ont pour objet l'organisation de secours publics, l'assistance médicale dans les campagnes; enfin, l'ensemble de ces combinaisons variées par lesquelles on affirme ia solidariié des citoyens, dont un Etat démocratique ne peut pas se passer, et qui, dans les limites d'une sage modération, constituent son honneur. (Très bien! très bien !)

Il ne faut donc pas, dans ces conditions, escompter toutes les ressources latentes qui existent dans le budget. J'ajoute que nous devons d'autant moins commettre cette imprudence qu'il faut penser à la situation qu'indiquait tout à l'heure l'honorable M. Blavier au sujet des obligations à court terme. Nous allons consolider une partie de ces obligations. Nous allons nous affranchir pendant quelques années de la situation pénible, où nous étions placés, d'avoir des échéances pour lesquelles il n'y avait pas de provision dans le budget. Mais ce n'est là qu'un ajournement. Nous aurons en 1894 et en 1895 de nouvelles échéances de 100 millions pour lesquelles il n'y a encore dans le budget aucune espèce de provision.

Eh bien, nous pensons qu'il est d'une politique prévoyante de laisser dans le budget ces ressources latentes de la conversion et des droits de douanes qui viendront à leur heure former la contre-partie de ces dépenses nécessaires déjà annoncées à l'horizon.

J'aurais, messieurs, si j'avais eu le temps, voulu répondre à l'honorable M. Blavier, sur les points spéciaux...

M. Buffet. Demain !

M. le rapporteur général. Non, je vais avoir terminé...

Voix nombreuses. Parlez! parlez!

tuent pas des éléments de comparaison, telles que l'amortissement, les garanties d'intérêts, etc.-on arrive pour le budget de 1876 à une augmentation nette de 426 millions. Quel est le détail? C'est là le côté instructif et intéressant.

Eh bien, la guerre absorbe 154 millions; la marine 92 millions; - les frais de régie y entrent pour les 100 millions dont je parlais tout à l'heure; l'instruction publique y participe pour 136 millions, sur lesquels l'instruction primaire prend à elle seule 94 millions. Ce n'était pas trop, puisque le Parlement a voté récemment une nouvelle augmentation de traitement.

Je n'insiste pas, d'ailleurs; M. le ministre des finances jugera s'il doit apporter demain des explications plus complètes et plus autorisées.

J'aurais encore, messieurs, pour faire passer sous vos yeux la situation financière du pays, un long chemin à parcourir. Je ne m'y engagerai pas. Je ne me suis proposé qu'un but, c'est de dégager devant le Sénat l'économie de la grande réforme qui caractérise le budget de 1891, qui a fait le fond de la discussion très brillante de la Chambre des députés et qu'on paraissait ici vouloir trop oublier dans des critiques de détail, à savoir l'incorporation des dépenses extraordinaires de la guerre dans le budget ordinaire et la suppression de notre principal budget de déficit.

J'ai cherché à vous faire comprendre que cette orientation budgétaire est le résultat d'une politique très sage, très réfléchie, qu'elle est conforme aux principes dont Vous êtes les gardiens, et conforme aussi aux intérêts du pays. Je voudrais être parvenu à vous démontrer que la sincérité des budgets, l'équilibre réel, la suppression des déficits, est la condition essentielle de la prospérité financière d'un pays, qui, comme on l'a si bien dit, constitue aujourd'hui presque toute la destinée des peuples.

Si vous partagez cette conviction, si vous croyez qu'il est nécessaire de maintenir notre puissance militaire au niveau qu'elle doit conserver et qu'il y faut arriver non

Sur quelques bancs à droite. A demain! à pas par des expédients, mais par des resdemain !

M. le rapporteur général. Non, messieurs, je vous prie de me laisser terminer, je n'en ai plus que pour quelques instants. J'aurais voulu, dis-je, répondre à M. Blavier sur quelques points particuliers qui ont fait l'objet de son très intéressant, très substantiel et très consciencieux discours. J'ai fait comme lui, par des procédés peut-être un peu différents, les comparaisons qu'il a faites, et je regrette de ne pas être arrrivé tout à fait aux mêmes résultats. Les chiffres ressemblent un peu aux notes de musique; on leur fait jouer tous les airs suivant la façon dont on les arrange. M. Blavier a fait son travail avec beaucoup de soin, j'ai fait le mien avec une conscience non moins grande, en m'aidant de tous les renseignements officiels qu'a bien voulu me fournir M. le ministre des finances; eh bien, je suis arrivé précisément, pour la comparaison de ces budgets de 1876 et de 1890, à des résultats qui ne sont pas absolument identiques à ceux que vous a fait connaître notre honorable collègue.

Je ne veux pas en entretenir longuement le Sénat.

En faisant la comparaison de ces budgets, j'ai constaté, en effet, que le budget de 1891 est en augmentation de 625 millions sur le budget de 1876; mais qu'il y a dans le budget de 1876 199 millions de dépenses extraordinaires qui sont rentrés dans l'ordinaire. Si on en fait la réduction -et je n'ai pas besoin de dire que je mets de coté toutes les dépenses qui ne consti

sources temporaires, vous voterez le budget.

Vous n'hésiterez pas à adresser au pays les paroles que l'honorable M. Tirard lui faisait entendre en 1888. Le pays aime la franchise et la sincérité. Il faut le tenir en assez haute estime pour lui dire toute la vérité; ses flatteurs et ses courtisans passent. Avec le temps qui remet si bien toute chose à sa place, il jugera, messieurs, comme elle mérite d'être jugée, cette politique courageuse qui prévient le déficit, qui assure l'équilibre et favorise le crédit de la France, de cette France qui s'attriste quelquefois de nos discordes, mais que nous aimons tous d'une commune affection, et que tous nous voulons glorieuse, prospère et respectée. (Applaudissements répétés à gauche et au centre. L'orateur en retournant à son banc reçoit les félicitations d'un grand nombre de ses collègues.)

M. le président. Le Sénat veut-il continuer la discussion? (Non! - A demain !)

[blocks in formation]
[ocr errors][merged small]

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l'exercice 1891.

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, relatif à l'émission de rentes 3 p. 100 et de rentes 3 p. 100 amortissables et au remboursement de diverses obligations du Trésor.

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, tendant à autoriser la ville de Laval (Mayenne) à emprunter 600,000 fr. et à s'imposer extraordinairement.

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, portant prorogation de surtaxes perçues sur le vin et l'alcool à l'octroi de Château Gonthier(Mayenne).

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, tendant à autoriser le département des Ardennes à créer des ressources extraordinaires.

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, tendant à autoriser le département de la Meuse à s'imposer extraordinairement.

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, tendant à établir d'office une contribution extraordinaire sur la commune de Cuguron (Haute-Garonne).

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, tendant à autoriser d'office sur la commune d'Amont (HauteSaône) une imposition extraordinaire.

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, portant prorogation de surtaxes perçues à l'octroi du Blanc (Indre).

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, portant prorogation d'une surtaxe perçue sur l'alcool à l'octroi de Lesneven.

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, portant prorogation de surtaxes perçues sur le vin, le cidre et l'alcool à l'octroi de La Fère (Aisne).

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, ayant pour objet : 1o de maintenir à la disposition du service vicinal les reliquats qui deviendront disponibles au 31 décembre 1890 sur les fonds d'avance de la caisse des chemins vicinaux; 2o de régler le mode d'emploi de ces reliquats.

1ro délibération sur le projet de loi, adopté par la Chambre des députés, ayant pour objet de déclarer d'utilité publique l'établissement, dans le département du Finistère, d'un réseau de chemins de fer d'intérêt local.

Discussion sur la prise en considération de la proposition de loi de M. Emile Lenoël et plusieurs de ses collègues, ayant pour objet d'obliger le bailleur qui revendique des bestiaux que le fermier a vendus sur une foire ou un marché, à rembourser aux acheteurs de bonne foi le prix qu'ils ont payé.

Quand le Sénat entend-il se réunir? Voix diverses. Demain à une heure! A deux heures!

[blocks in formation]

M. le président. Voici ce qui pourrait M. Ernest Boulanger, rapporteur généêtre mis à l'ordre du jour de notre pro-ral. Après s'être mis d'accord avec le Gouchaine séance : vernement, la commission des finances prie

Monnier, rapporteur.)

le Sénat de vouloir bien fixer sa prochaine 600,000 fr. et à s'imposer extraordinaire-54, session extraordinaire 1890. M. Le séance à demain une heure. ment. (Nos 92, fascicule 38, et 128, fascicule 52, session extraordinaire 1890. - M. Decroix, rapporteur.)

M. le président. On n'insiste pas pour qu'il y ait séance demain matin. (Ñon! non!)

Demain, séance publique à une heure avec l'ordre du jour que je viens d'indiquer.

Je prie messieurs les sénateurs de vouloir bien être exacts afin que nous puissions. dès une heure, commencer nos délibérations.

Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à sept heures moins cinq minutes.)

Ordre du jour du vendredi 19 décembre.

A une heure, séance publique.

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l'exercice 1891. (No 21 et 27, session extraordinaire 1890.

M. Ernest Boulanger, rapporteur.) Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, relatif à l'émission de rentes 3 p. 100 et de rentes 3 p. 100 amortissables et au remboursement de diverses obligations du Trésor. (Nos 22 et 28, session extraordinaire 1890.-M. Boulanger, rapporteur.)

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, tendant à autoriser la ville de Laval (Mayenne) à emprunter

-

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, portant prorogation de surtaxes perçues sur le vin et l'alcool à l'octroi de Château-Gontier (Mayenne). (Nos 114, fascicule 45, et 129, fascicule 52, session extraordinaire 1890. - M. Decroix, rapporteur.)

[ocr errors]

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, tendant à autoriser le département des Ardennes à créer des ressources extraordinaires. (Nos 88, fascicule 37, et 130, fascicule 53, session extraordinaire 1890.-M. Decroix, rapporteur.) Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, tendant à autoriser le département de la Meuse à s'imposer extraordinairement. (Nos 68, fascicule 28, et 133, fascicule 54, session extraordinaire 1890.-M. Jean Macé, rapporteur.)

Discussion du projet de foi, adopté par la Chambre des députés, tendant à établir d'office une contribution extraordinaire sur la commune de Cuguron (Haute-Garonne). (Nos 46, fascicule 21, et 134, fascicule 54, session extraordinaire 1890. M. Jean Macé, rapporteur.)

[ocr errors]

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, tendant à établir d'office sur la commune d'Amont (HauteSaône) une imposition extraordinaire. (Nos 47, fascicule 22, et 135, fascicule 54, session extraordinaire 1890. M. Jean Macé, rapporteur.)

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, portant prorogation de surtaxes perçues à l'octroi du Blanc (Indre. (Nos 110, fascicule 45, et 136, fascicule |

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, portant prorogation d'une surtaxe perçue sur l'alcool à l'octroi de Lesneven. (Nos 119, fascicule 48, et 137, fascicule 55, session extraordinaire 1890.-M. Le Monnier, rapporteur.)

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, portant prorogation de surtaxes perçues sur le vin, le cidre et l'alcool à l'octroi de La Fère (Aisne). (N° 111, fascicule 45, et 138 fascicule 55, session extraordinaire 1890.-M. Le Monnier, rapporteur.)

Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, ayant pour objet : 1o de maintenir à la disposition du service vicinal les reliquats qui deviendront disponibles au 31 décembre 1890 sur les fonds d'avance de la caisse des chemins vicinaux; 2o de régler le mode d'emploi des reliquats. (Nos 17 et 33, session extraordinaire 1890. - M. de Verninac, rapporteur.)

1re délibération sur le projet de loi, adopté par la Chambre des députés, ayant pour objet de déclarer d'utilité publique l'établissement, dans le département du Finistère, d'un réseau de chemins de fer d'intérêt local. (Nos 15 et 25, session extraordinaire 1890. M. Adolphe Cochery, rapporteur.)

Discussion sur la prise en considération de la proposition de loi de M. Emile Lenoël et plusieurs de ses collègues, ayant pour objet d'obliger le bailleur qui revendique des bestiaux que le fermier a vendus sur une foire ou un marché, à rembourser aux acheteurs de bonne foi le prix qu'ils ont payé. (Nos 6, et 31, session extraordinaire 1890. - M. Guérin, rapporteur.

[ocr errors]
[blocks in formation]
« EelmineJätka »