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liards 437 millions; sucres, droits constatés, 142 millions. Au total, 3 milliards 56 millions. Comme il s'agissait de faire face à un chiffre de dépenses de 3 milliards 166 millions, on était encore loin d'équilibre: il manquait déjà 110 millions.

Et comme, d'autre part, la Chambre avait par une loi préalable, celle du 8 août 1890, contrairement toujours aux propositions de M. le ministre des finances qui demandait un dégrèvement pour les propriétés non bâties réduit de 17 millions l'impôt direct sur les propriétés bâties, c'était 110 millions d'une part et 17 millions d'autre part qui venaient à faire défaut, soit, au total, 127 millions de ressources nouvelles qu'il fallait trouver.

Ce n'était pas un petit effort à faire, messieurs, et je dois constater que ce n'est pas sans peine que la commission des finances de la Chambre a résolu le problème, toujours avec le concours obligeant de M. le ministre qui, il faut lui rendre justice, a mis, sans amour-propre d'auteur méconnu, le plus grand dévouement à faciliter la tâche du Parlement, pour arriver à un équilibre au moins apparent si difficilement réalisable. S'il conservait assez longtemps son portefeuille pour prendre, sur ses collègues du cabinet l'autorité indispensable à la bonne gestion des finances du pays, peut-être arriverait-il au résultat que nous poursuivons tous, l'équilibre réel et définitif du budget. Quoi qu'il en soit, la Chambre, je viens de l'établir, se trouvait en présence d'un déficit de recettes de 127 millions.

des aggravations d'impôts dissimulées sous le nom de relèvements de taxes; maintenant ce ne sont plus que des remaniements de taxes. C'est parfait; mais la charge n'en est pas moins fourde pour le contribuable. Eh bien, avec ces remaniements de taxes, M. le ministre arrivait à augmenter de 10 fr. les sucres indigènes qui ne payaient que 20 fr. et aussi les sucres employés pour le sucrage des vendanges; il soumettait d'autre part les raffineurs à l'exercice, d'où un produit de 5 millions. Bref, c'était, au total, un sacrifice de 33 millions demandés à cette importante industrie agriculturale de la sucrerie.

33 millions et 23 millions, cela faisait 56 millions de ressources nouvelles. Enfin, les contributions directes, par le fait de l'augmentation de la matière imposable, donnaient encore une recette supplémentaire de 8 millions. Soit ensemble 64 millions, chiffre encore éloigné du total de ressources à créer, 127 millions.

La Chambre des députés s'est trouvée ainsi acculée à la nécessité de choisir entre les impôts nouveaux qui lui étaient proposés par la commission des finances; elle a repoussé toute surtaxe sur l'alcool et le projet d'impôt sur les produits pharmaceutiques, mais elle a admis la proposition d'élever de 3 à 4 p. 100 la taxe sur le revenu des valeurs mobilières, ce qui procurait une recette de 16 millions et accepté un projet d'impôt, dû à l'initiative d'un de ses membres, sur les affiches, impôt dont le rendement était estimé bien arbitrairement à 3 millions et demi.

Comment se les est-elle procurés? En faisant état d'abord des recettes pro- Votre commission des finances, messieurs, bables qui devaient être la conséquence des accepte ces impôts nouveaux, mais elle lois votées dans le courant de l'année 1890. vous demande de modifier le texte des C'était en premier lieu les lois des 8 et 11 six articles de la loi de finance qui concerjuillet 1890, sur les maïs, le riz et les mé-nent ce dernier impôt sur les affiches mulasses, devant procurer une recette doua- rales. nière de 13 millions et demi.

C'était, d'autre part, les lois des 17 juillet 1889 et 29 juillet 1890 sur l'entrée des raisins secs et l'impôt frappant les vins de raisins secs, pouvant faire espérer une recette de 8 millions.

C'était enfin la loi du 19 juillet 1889, qui avait attribué aux recettes du Trésor un prélèvement de 1 million environ sur l'octroi de mer, pour le service de l'instruction publique en Algérie.

Ces recettes additionnées donnent un total de 23 millions, diminuant d'autant le gros chiffre des ressources à trouver pour équilibrer les dépenses.

A ces recettes il faut ajouter le résultat à attendre du vote de la loi sur le régime des sucres, loi à laquelle M. le ministre des finances attachait tant d'importance, vous en avez gardé le souvenir, et cela se comprend, car il s'agissait d'une recette supplémentaire de 33 millions, de nature à boucher un fort trou...

M. le baron de Lareinty. Les colonies en savent quelque chose!

M. Blavier. Oh! il y aurait beaucoup à dire sur l'opportunité de cette surchage imposée à l'agriculture des départements sucriers, mais je parle uniquement finances en ce moment et je me contente de rappeler les faits.

M. le ministre, je le répète, grâce à son éloquence entraînante, a obtenu cette fois un succès en faisant voter la loi qui surtaxait... était-ce une surtaxe ou un impôt?...

M. le ministre des finances. C'était un remaniement de taxes.

M. Blavier. C'est cela ! C'est mieux, sous ce vocable élégant et plus facile à faire accepter remaniement de taxes... (Sourirès.)

Nous avions, en ces années précédentes,

Les raisons qu'elle donne pour justifier ces modifications m'ont paru présenter un sérieux intérêt; mais je ne puis pas m'arrêter à les étudier, le cadre de mês observations est malheureusement déjà beaucoup trop étendu.

Qu'il me soit seulement permis de vous indiquer que la commission du Sénat trouve que fa manière dont la Chambre des dépués a réglé cet impôt est telle que le résultat à redouter de l'application des taxes adoptées paraît être simplement la destruction de la matière imposable et par suite du produit à attendre. Elle propose une taxation plus modérée dont elle espère que le Trésor retirera un meilleur résultat; et ce qu'il y a de curieux, c'est que ce résultat auquel elle espère arriver est exactement le même que celui qu'on attendait de la taxation si différente adoptée par la Chambre des députés.

Cet accord merveilleux prouve bien que tout le monde y met du sien pour tâcher cherché de l'exercice 1891, en évitant la d'arriver à l'équilibre si laborieusement triste nécessité de recourir encore une fois aux douzièmes provisoires.

Ces 20 millions d'impôts nouveaux, ajoutés aux ressources précédemment indiquées montant à 64 millions, ne donnent encore que 84 millions sur les 127 millions indispensables; différence 41 millions, qui doivent être fournis par des augmeutations de recettes provenant de l'exploitation du monopole des allumettes, jusqu'à concurrence de 10 millions environ, de l'application de la loi sur le droit d'accroissement appliquée aux congrégations religieuses, 3 millions, et enfin par un emprunt avoué, qui figure aux recettes exceptionnelles du budget de 1891 pour 27 millions.

Voilà l'exposé complet du système qui nous procure un équilibre budgétaire définitif, dit-on. Je vous laisse juges, messieurs, de la valeur d'une semblable prétention.

Du produit à attendre de l'exploitation du monopole des allumettes, je ne dirai rien, si ce n'est qu'il me paraît fort exagéré en présence des résultats obtenus jusqu'à ce jour, puisqu'il suppose une recette brute, qui me paraît excessive, de 27 millions."

De l'application de la loi sur le droit d'accroissement aux congrégations religieuses, j'aurais trop à dire, mais la question, je le sais, doit être spécialement traitée à cette tribune par un collègue plus autorisé que moi. Je regrette seulement d'avoir vainement cherché dans le rapport, d'ailleurs si complet, de l'honorable M. Boulanger, l'opinion de la commission des finances sur la portée, à mon sens absolument inique, qu'on veut donner à une loi fiscale très ancienne, qui n'avait pas été faite en vue d'une pareille application.

M. le rapporteur général. Nous n'étions pas saisis de l'amendement, monsieur Blavier. Nous attendons, pour le discuter, qu'il soit déposé régulièrement.

M. Blavier. Je suis heureux, monsieur le rapporteur général, de l'explication que vous voulez bien me fournir de votre silence sur cette grave question, et je désire aussi ardemment que qui que ce soit que l'examen de cet amendement, auquel la commission du budget a dû se livrer depuis, l'ait amenée à proposer au Sénat l'adoption d'une proposition si modérée et si équitable.

Messieurs, je viens d'analyser le budget des recettes de l'exercice 1891 tel qu'il nous est soumis. Je passe au budget des dépenses et je vais avoir à cette occasion à demander certaines explications à M. le ministre des finances, sur des chiffres qu'il a produits à la tribune de la Chambre des députés.

M. le ministre est un orateur financier habile, qui possède un talent tout particulier de présenter les chiffres sous un jour favorable à la thèse qu'il soutient; mais nous avons une manière si différente de comprendre le sens de certains mots dont il fait un usage fréquent dans ses discours, qu'il me paraît nécessaire de provoquer de sa part sur ce point une explication catégorique.

M. le ministre des finances parle souvent des économies qu'il a réalisées dans la confection de ses budgets.

Pour 1890 il en avait déjà réalisé pour 75 millions. J'ai eu l'occasion, l'année dernière, de prouver que ces économies se traduisaient en dernière analyse par une augmentation du chiffre total des dépenses de l'exercice.

Cette année, ce n'est plus 75 millions, c'est 135 millions d'économies qu'il annonce avec une légitime satisfaction. Qu'il me permette d'abord de rectifier son compte; ce n'est pas 135 millions, c'est 145, d'éconoet cette différence de 10 millions tient à mies qu'il pourrait annoncer aujourd'hui, cette circonstance que, quand M. le ministre a prononcé son discours à la Chambre et annoncé ce merveilleux résultat, celle-ci n'avait pas encore dit son dernier mot et réalisé une nouvelle économie de 15 millions, en supprimant un amortissement d'égale somme sur les chapitres des finances relatifs à la dette publique, économie compensée d'ailleurs par une augmentation des dépenses de certains services s'élevant à 5

millions; ce qui ramène l'économie prétendue à 10 millions seulement et confirme l'exactitude de mes calculs.

Cet exemple, messieurs, vous montre d'une manière topique ce qu'il faut entendre, dans le langage de M. le ministre des finances, par ce qu'il appelle une économie. C'est le non-paiement d'une dette arrivée à échéance.

Mais, avec un pareil système, pour être

logique jusqu'au bout et produire ainsi un effet plus satisfaisant sur le public, voire même sur la Chambre qui vous écoutait et qui n'est pas encore peut-être très au courant de ces questions, vous auriez dû, monsieur le ministre, accuser non pas 135 millions d'économies, non pas 145 millons, mais bien 220 millions.

En effet, dans le chiffre de 135 millions, vous faites état de la suppression des 25 millions d'amortissement des bons sexennaires qui figurait au chapitre 3 du budget des finances de l'exercice 1890.

Mais, en réalité, ce chapitre 3 devait être doté d'un crédit de 100 millions d'amortissement, puisque nous avions ce chiffre de bons sexennaires à rembourser, de bons venant à échéance, et la suppression totale de ce crédit équivalait dans votre langage à une économie de 100 millions, alors que vous avez compté seulement 25 millions, d'où serait résulté un accroissement de vos prétendues économies, s'élevant à 75 millions.

Voilà, messieurs, un exemple frappant de la nature des économies que M. le ministre se flatte d'avoir réalisées depuis deux années.

Autre exemple: dans l'exposé des motifs de son budget, M. le ministre dresse un tableau que j'ai sous les yeux « des dépenses qui ne sont pas de nature à se reproduire en 1891, » ce sont des annuités qui prennent fin ou qui seulement sont reportées d'un ministère à un autre, etc., etc., et dans son discours il fait entrer le total de ces dépenses dans ce qu'il appelle des économies...

M. Rouvier, ministre des finances. Evidemment!

M. Blavier. Pardon, monsieur le ministre, dites que ce sont des dépenses qui ne se reproduiront pas; mais ne dites pas que ce sont des économies. Franchement, cela ne peut pas figurer sous le nom d'économie dans le langage financier.

M. le ministre dresse un autre tableau intitulé:

<< Economies réalisées sur divers services. » Or, savez-vous, messieurs, ce que sont ces économies réalisées sur divers services?

Le plus gros chiffre, c'est celui de 24 milions, dépenses extraordinaires de la guerre, et voici comment il s'introduit dans le tableau en question.

M. le ministre raisonne ainsi : « Nous avons consacré en 1890 154 millions aux dépenses extraordinaites de la guerre; nous ne dépenserons que 130 millions, en 1891, donc, économie de 24 millions!

M. le ministre. Mais c'est évident! Comment appelez-vous cela?

M. Blavier. Comment j'appelle cela, monsieur le ministre? J'appelle cela une dépense ajournée

Vous avez un programme de travaux extraordinaires pour le complément de la défense nationale; de ce programme, vous n'exécuterez en 1891, que pour 130 millions de travaux, alors qu'en 1890 nous devions en exécuter pour 154 millions; je vous approuve fort; mais est-ce que par ce simple jeu d'écritures vous avez supprimé la dépense à faire et jugée nécessaire? nullement. Vous l'avez simplement ajournée et elle se reproduira forcément dans les budgets ultérieurs.

C'est uniquement pour produire un effet de tribune que vous, si compétent en ces matières, vous avez pu appeler cet ajourne

ment une économie.

N'en est-il de même pour cet autre gros chiffre de 24 millions figurant encore sous le titre d'économies au chapitres des flnances?

Il s'agit des 25 millions de bons à échéances dont vous reculez l'échéance par la combinaison de la transformation des bons sexennaires en une dette perpétuelle, et vous appelez cela une économie?

Personne ne saurait l'admettre. Permettez-moi donc, messieurs, d'étudier la réalité du budget, qui nous est présenté, en fait d'économies.

Pour ce faire, je prends le budget tel qu'il a été voté par la Chambre, au chiffre de 3,166 millions, et je vais le comparer au budget de 1890, tel qu'il aurait été voté avec les mêmes charges, c'est-à-dire en faisant rentrer dans le budget ordinaire les 108 millions de dépenses extraordinaires de la guerre et en tenant compte de l'accroissement des dépenses d'Etat pour l'instruction primaire, résultant de la loi de 1889. J'arrive alors à ce résultat : c'est que le budget de 1890 aurait comporté une dépense de 3,190 millions, alors que le budget voté en 1891 est réduit à 3,166 millions. D'où résulte une atténuation de dépenses de 24 millions d'une année à l'autre... M. le ministre des finances. C'est quelque chose!

M. Blavier. Oui! assurément ce serait quelque chose de très important si cette atténuation était une véritable économie, si en un mot elle portait sur les services publics. Je vous féliciterais alors sincèrement et vous déclarerais un grand ministre! (Sourires.)

Malheureusement il n'en est rien, comme je vais vous le montrer.

Il y a deux natures de dépenses publiques: d'abord celles qui échappent presque complètement à l'action du Gouvernement, sauf toutefois dans les circonstances accidentelles comme celles qui résultent des propositions budgétaires de cette année, je veux parler des dépenses relatives au payement des intérêts de la dette publique sous ses formes multiples.

Il y a, d'autre part, les dépenses destinées à assurer la marche des services publics, dépenses variables sur lesquelles la politique du Parlement exerce une influence décisive, à tel point qu'il est et sera toujours juste de dire que de bonnes finances correspondent à une bonne politique.

Eh bien, en pénétrant dans le détail de la comparaison des dépenses des deux exercices 1890 et 1891, voici ce que je trouve:

La dépense pour le service de la dette publique était en 1890 de 1,318 millions; elle se trouve réduite à 1,271 millions en 1891; différence en moins 47 millions, sur lesquels 43 millions proviennent de la suppression de l'amortissement.

Les dépenses des services publics, qui se chiffraient en 1890 à 1,362 millions, s'élèvent à 1,381 millions en 1891, avec une augmentation de 19 millions.

Enfin, les frais de régie, de perception et d'exploitation des impôts s'élèvent de 329 millions pour 1890 à 333 millions dans le projet de budget pour 1891 soumis à nos délibérations, ce qui représente une augmentation de 4 millions.

M. Lanjalley, directeur général de la comptabilité publique, commissaire du Gou vernement. Elle s'applique à la régie des

allumettes.

M. Blavier. Je le sais, monsieur le direce teur général, et je reconnais que la caus directe de l'augmentation est celle que vous venez d'indiquer.

Il n'en est pas moins vrai que, pour une cause ou pour une autre, je constate, dans les dépenses affectées aux services publics, un accroissement de 23 millions, ce qui ne me paraît pas d'accord avec les économies |

si considérables annoncées par M. le ministre.

Des économies véritables, il en est certainement de nombreuses qu'on pourrait réaliser dans tous les services, et je ne veux vous en citer que deux exemples, à coup sûr sans grande importance par eux-mêmes, mais qui démontrent cependant que les rouages de nos administrations pourraient être simplifiés au grand profit des contribuables.

Voici ce que m'écrit un honorable correspondant, ancien magistrat absolument digne de foi:

Il y avait à la manutention d'Angers un vieux pétrin qui ne pouvait plus servir. Il fallait le vendre ou le brûler. On l'expédia à Tours où il y avait également un vieux pétrin. Longue fut la délibération. Enfin on apprend qu'il y avait à Bourges un troisième pétrin. On y expédie les deux premiers. Mais les pétrins expédiés d'Angers à Bourges et de Tours à Bourges pesant horriblement, leur transport, même en petite vitesse, a dû coûter fort cher, et ces pétrins ont été définitivement mis au feu.» (Hilarité.)

Second exemple:

« Un individu ramasse sur le champ de tir de Cholet, dix-huit balles, je précise. On les confisque, mais qu'en faire? L'autorité militaire supplie le directeur des domaines d'en prendre livraison et de les vendre sur place au profit de l'Etat. Impossible! Les règlements s'y opposent. Le ministre de la guerre a envoyé de Paris un officier qui a pris livraison des dix-huit balles et en a donné décharge. »

Voilà des procédés de l'administration de la guerre, qui pourraient être économiquement modifiés.

Voix à gauche. Ces détails ne sont pas dignes du Sénat.

M. Testelin. Nous n'avons pas à nous occnper d'incidents de cette nature à l'occasion de la discussion générale. Il faut se tenir dans les grandes lignes du budget.

M. Blavier. Permettez-moi de vous répondre, mon honorable collègue, que je crois avoir suivi, dans ma discussion, les grandes lignes du budget...

Un sénateur à gauche. Restez-y!

mauvais d'appuyer certaines propositions, M. Blavier. ... mais qu'il n'est pas relatives aux économies possibles, autrement que par des considérations générales comme celles que j'ai déjà présentées.

M. Edouard Millaud. S'il n'y avait que les économies dont vous parlez, nous serions bien malheureux!

M. le président. L'orateur est resté tout à fait dans la limite de son droit.

M. Blavier. Je remercie M. le président du témoignage qu'il m'apporte. Je crois qu'en effet ce que j'ai dit ne peut atteindre ni blesser personne; et j'ajoute, pour clore l'incident, qu'aucune économie, si petite qu'elle soit, ne me paraît négligeable quand on en est réduit comme cette année à augmenter les charges des contribuables.

Messieurs, j'arrive à la dernière partie de ce trop long discours. (Approbation ironique sur quelques bancs.)

Voix nombreuses. Parlez! parlez!

M. Blavier. Je comprends ces soupirs de soulagement. (Sourires. Non! non! à droite.)

Ils prouvent que ceux de nos honorables collègues qui les ont poussés ne s'intéressent que médiocrement aux matières cependant fort sérieuses que je traite en ce moment. (Approbation sur les mêmes bančs.)

Je disais, messieurs, que j'arrive à la fin | l'échéance, à moins de leur offrir des comde mon discours : elle portera sur l'appré-pensations équivalentes, que la Chambre ciation des charges qui doivent dans l'âve- des députés et le Sénat doivent autoriser. nir peser sur nos budgets annuels.

Ces charges résulteront inévitablement de l'exécution d'une partie importante du programme de travaux publics et de constructions scolaires, auquel vous ne paraissez pas encore vouloir renoncer et qui accable nos finances depuis huit ans.

M. Blavier. Vous êtes dans les mêmes conditions que pour les échéances de 1892 et 1893 et vous pouvez vous faire autoriser à convertir pour les échéances de 1894 et 1895, comme pour les échéances des deux années précédentes; l'opération serait de plus longue durée, voilà tout.

Où en sommes-nous à l'heure actuelle ? Si vous ne le faites pas, vous laisserez à J'ai déjà eu l'occasion de présenter à ce sujet des aperçus qui, n'émanant que de l'un de vos successeurs la tâche de le faire, car il est impossible qu'avec le développemoi seul, n'avaient sans doute pas une aument encore excessif des travaux publics et torité suffisante; mais ceux que je soumets aujourd'hui au Sénat s'appuient sur l'au- celui des constructions scolaires dont il me torité des rapporteurs mêmes de la Chambre reste à parler, on n'arrive pas, dans un avedes députés, qui sont les amis du Gouvernir plus ou moins rapproché, à la nécessité nement et doivent, à ce titre, vous inspirer de consolider les emprunts qui vont continuer à se faire chaque année sous la forme de bons sexennaires.

toute confiance.

Quant aux travaux publics, d'après M. Cornudet, il existe encore pour plus de 1 milliard 600 millions de constructions de chemins de fer à exécuter, en supposant qu'on admette la voie étroite pour une partie importante du réseau concédé aux grandes compagnies, ce qui réduit la dépense primitivement prévue dans des proportions sérieuses, et on espère que ces travaux pourront être terminés pour la fin du siècle.

Il doit en résulter une annuité de 70 millions à joindre à celle, déjà si lourde, que supporte le budget par application des conventions de 1883.

C'est une charge prévue depuis le rapport de l'honorable M. Prevet, mais qui n'en est pas moins énorme, car elle viendra s'ajouter aux garanties d'intérêt à servir aux mêmes compagnies, garanties représentant annuellement une dépense de 80 à 100 millions dont on ne peut pas espérer une rapide décroissance, à raison de la combinaison dont je vous ai entretenus, et qui consiste à reporter sur l'avenir les dépenses d'exploitation du présent, dans ce qu'on appelle le compte de l'exploitation par

tielle.

Ces garanties d'intérêt sont réglées au moyen de bons sexennaires dont l'émission, autorisée les lois de finances jusqu'en par 1891, ne s'élèvera pas à moins de 443 millions. Aussi quand j'entends M. le ministre des finances dire qu'il n'y a pas lieu de se préoccuper de la consolidation de ces obligations sexennaires, comme il propose de le faire pour celles qui ont été appliquées à couvrir les dépenses du budget extraordinaire de la guerre, je m'imagine que M. le ministre se dit : « L'échéance des obligations des compagnies n'arrive qu'en 1894; d'ici là, il passera beaucoup de ministres sur les bancs du Sénat et de la Chambre, et par suite, je n'ai pas lieu de m'en préoccuper. »>

M. le général comte Espivent de la Villesboisnet. Après moi le déluge!

M. le ministre. Vous savez très bien qu'il y a une raison de fait qui m'empêche de convertir les obligations sexennaires, c'est qu'elles n'échoient qu'en 1894 et 1895 et que je n'ai aucun moyen de contraindre les porteurs à présenter leurs obligations avant

A ces charges des travaux publics vien-
nent s'ajouter celles du ministère de l'ins-
truction publique, dont on peut suivre le
développement dans l'intéressant rapport
de M. Dupuy, à la Chambre des députés.
Il signale, d'abord, les conséquences fi-
nancières de l'application de la loi de 1889
sur les traitements des instituteurs et chif-
fre à 14 millions la charge annuelle qui en
résultera pour le budget, quand elle pro-
duira tout son effet; comme le chiffre porté
au budget de 1891 n'est encore que de 4
millions, c'est 10 millions d'augmentation à
prévoir dans un délai fixé actuellement à
cinq ou six ans, mais qui sera raccourci,

soyez-en convaincu.

Il faut compter, d'autre part, sur l'aug mentation de dépenses annuelles devant résulter de cette loi fatale qui, en 1891, oblige le Gouvernement à laïciser toutes les écoles primaires, si vous n'avez pas l'esprit politique d'en atténuer les effets en la modifiant. (Rumeurs à gauche.)

D'après l'enquête de 1886, il resterait pour l'exécution intégrale du programme scolaire à créer 8,419 écoles, et, comme depuis cette époque il n'en a été créé que 2,018, on se trouverait encore en présence de la nécessité de nouvelles créations s'élevant à 6,400. Je constate que la commission de la Chambre trouve ce nombre excessif et pense qu'il pourra être réduit à 3,500; mais, même dans ces proportions restreintes, ces 3,500 écoles à pourvoir d'instituteurs à raison de 1,100 fr. chacun occasionneront un accroissement de crédit, au ministère de l'instruction publique, de plus de 4 millions.

Ainsi 10 millions pour l'augmentation du traitement des instituteurs actuels, 4 millions pour les instituteurs nouveaux à établir dans les écoles laïcisées, cela fait bien 14 millions de crédits nouveaux à inscrire à ce ministère déjà si lourd de l'instruction publique.

Mais ce n'est pas tout: il va aussi falloir construire de nombreuses écoles, comme conséquence forcée de la laïcisation obligatoire.

Il ne s'agissait de rien moins que de 629 millions à dépenser en une quinzaine d'années, dont 49 millions pour l'enseignement supérieur, 120 millions pour l'enseignement secondaire et 460 millions pour T'enseignement primaire. Sur ces 629 millions, l'Etat, comme toujours, prenait à sa charge la grosse part, 331 millions, laissant l'autre de 297 millions à supporter par les budgets départementaux et communaux.

-

Le rapport de M. le ministre de l'instruc-
tion publique pour l'exercice 1889 ne donne
je ne sais pas pourquoi
pas de détails
sur les conséquences de l'application de la
loi du 20 juin 1885, en ce qui concerne les
constructions faites pour l'enseignement
se contente de donner les chiffres relatifs à
supérieur et l'enseignement secondaire; il
l'enseignement primaire, et voici ce que j'y
trouve Les constructions d'écoles primaires
faites avec subventions de l'Etat, sous le ré-
gime de cette loi de 1885, ont occasionné une
dépense pour l'Etat de 53 millions, représen-
tés à l'un des chapitres du budget de l'ins-
annuité de
truction publique par une
3,254,000 fr. La dépense correspondante
supportée par les communes et les départe-
ments s'est élevée à 71 millions, soit au to-
tal 124 millions.

:

En sorte qu'à la fin de l'année 1889, sur les 460 millions de dépenses prévues pour la construction des écoles primaires, il n'avait encore été dépensé que 124 millions.

Si le programme de 1885 était complètement exécuté, ce qui me paraît tout à fait inadmissible, il en résulterait une élévation de l'annuité inscrite au chapitre 53 du ministère de l'instruction publique de plus de 10 millions qui, ajoutés aux chiffres précédemment indiqués, porterait de ce chef la surcharge budgétaire à près de 25 millions!

J'ose espérer que le Sénat aura la sagesse de ne pas ouvrir les crédits nécessaires pour une œuvre aussi ruineuse qu'inutile, seulement, il deviendrait possible de réaj'en ai fait la preuve; et alors, mais alors liser un équilibre sérieux du budget.

Voilà les véritables et importantes économies que nous vous demandons d'opérer dans les dépenses publiques; quand vous y aurez consenti, je n'hésiterai pas, pour ma part, à accorder au Gouvernement les nouveaux impôts, relèvements ou remaniements de taxes qu'il démontrera nécessaires pour arriver à un équilibre définitif du budget, véritablement unifié.

Jusqu'à ce jour, que je voudrais espérer prochain, je déclare qu'en ce qui me concerne et je crois être aussi l'interprète d'un grand nombre de mes amis - (Assentiment à droite.) je me refuserai à voter aucune taxe nouvelle qui ne pourrait avoir pour conséquence que d'encourager le parti au pouvoir à suivre une politique antilibérale, que je considère comme funeste à la fortune et à l'avenir de la France.

Je ne crois pas, en cette circonstance,
faire acte révolutionnaire, je crois agir, au
Où en êtes-vous de l'exécution de ce fa- contraire, en bon patriote. (Très bien! et
L'orateur en
meux programme du 19 février 1885, déve-applaudissements à droite.
loppé dans le rapport de l'honorable M. Du- retournant à son banc, reçoit les félicitations
de ses amis.)
bost?

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Procès-verbal. Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, portant prorogation d'une surtaxe perçue sur l'alcool à l'octroi de Callac (Côtes-du-Nord). Adoption. Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, portant établissement de surtaxes sur le vin et l'alcool à l'octroi de La Souterraine (Creuse). Adoption. Dépôt, par M. le comte de Savigny de Moncorps, d'un rapport sur le projet de loi portant prorogation de surtaxes sur le vin et sur l'alcool à l'octroi d'Embrun (HautesAlpes). Adoption.

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Suite de la discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l'exercice 1891. Ministère de la justice et des cultes: Chap. 1 à 4. Adoptés. Chap. 5 MM. Guibourd de Luzinais, Fallières, garde des sceaux, ministre de la justice et des cultes, Ernest Boulanger, rapporteur général. Rejet de l'amendement de M. de Guibourd de Luzinais. Adoption du chapitre 5 MM. Griffe, Fallières, garde des sceaux, ministre de la justice et des cultes. Chap. 6 à 27, adoptés. 2o section. Service des cultes: MM. le marquis de l'AngleBeaumanoir, Fallières, garde des sceaux, miAdoption nistre de la justice et des cultes. des chapitres du budget des cultes. M. Ernest Boulanger, rapporteur général. Budget de l'Imprimerie nationale. Chap. 1 à 6, adoptés. Budget annexe de la Légion d'honChap 1 à 21, adoptés. Ministère de l'intérieur. Chap. 1 à 77. Adoptés. Remboursement sur le produit du travail des détenus. Adopté. 2e section, service du gouvernement général de l'Algérie: MM. Mauguin, Loubet, président de la commission des finances; Pauliat, Constans, ministre de l'intérieur. Adoption des divers chapitres du budget du gouvernement général de l'Algérie. Ministère de la guerre, chap. 1 à 14. Adoption.= Chap. 12. Amendement de M. le marquis de Carné: MM. le marquis de Carné, Roger, rapporteur; de Freycinet, président du conseil, ministre de la guerre. Rejet au scrutin de l'amendement. Dépôt, par M. Munier, d'un rapport sur le projet de loi, adopté par la Chamére des députés, ayant pour objet de proroger, pour dix nouvelles années, la loi du 6 décembre 1850 relative à la procédure du partage des terres vaines et vagues dans les cinq départements de l'ancienne Bretagne. Dépôt, par M. Jean Macé, d'un rapport sur le projet de loi, adopté par la Chambre des députés, tendant à autoriser la ville de SaintQuentin (Aisne) à emprunter 1,730,000 fr. et à s'imposer extraordinairement. Dépôt, par M. de Freycinet, président du conseil, ministre de la guerre, au nom de M. le ministre de l'intérieur, de deux projets de lois, adoptés par la Chambre des députés, tendant: Le 1er, à établir d'office une imposition extraordinaire sur la commune de SainteMarie de Chignac (Dordogne);

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à la commission d'intérêt local des deux projets de lois. Reprise de la discussion du budget: Ministère de la guerre. Chap. 13 à 17, adopté. Chap. 18 MM. le baron de Lareinty, de Freycinet, ministre de la guerre; le maréchal Canrobert, le marquis de Carné. Rejet au scrutin de l'amendement. Adoption du chapitre 18. Chap. 19 à 34, adoptés. Chapitre 35 MM. Béral, de Freycinet, ministre de la guerre. Chap. 36 à 40, adoptés. Chap. 41 MM. Bocher, de Freycinet, ministre SÉNAT

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de la guerre, Emile Lenoël. Rejet de l'amendement. Adoption du chapitre 41. Dépôt, par M. Rouvier, ministre des finances : 1° d'un projet de loi, adopté par la Chambre des députés, autorisant le Gouvernement à proroger provisoirement par décret les surtaxes d'octroi venant à expiration le 31 décembre et les taxes d'octroi de la banlieue de Paris; 2° d'un projet de loi, adopté par la Chambre des députés, portant régularisation de crédits ouverts au conseil d'Etat sur l'exercice 1890, et ouverture et annulation de crédits sur le même exercice. Reprise de la discussion du budget: Ministère de la guerre. Chap. 42 à 60, adoptés.

Dépenses extraordinaires. Adoption des divers chapitres. Ministère de la marine : MM. Audren de Kerdrel, Barbey, ministre de la marine; l'amiral Veron, Blavier. - Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

Règlement de l'ordre du jour. Fixation de la prochaine séance au lundi 22 décembre.

PRÉSIDENCE DE M. LE ROYER

La séance est ouverte à une heure cinq minutes.

M. Huon de Penanster, l'un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la précédente séance.

Le procès-verbal est adopté.

ADOPTION DE PROJETS DE LOIS D'INTÉRÊT

LOCAL

M. le président. Nous pourrions, messieurs, avant de reprendre la discussion de la loi de finances, voter les projets de lois d'intérêt local qui sont portés à l'ordre du jour.

Il n'y a pas d'opposition?... (Non! non!)

1er PROJET

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, portant prorogation d'une surtaxe perçue sur l'alcool à l'octroi de Callac (Côtes-du-Nord).

Quelqu'un demande-t-il la parole pour la discussion générale?...

Je consulte le Sénat sur la question de savoir s'il entend passer à la discussion des articles.

2. PROJET

« Art. 1er. Est autorisée, à partir de la promulgation de la présente foi jusqu'au 31 décembre 1895 inclusivement, la perception à l'octroi de La Souterraine, département de la Creuse, des surtaxes suivantes, savoir:

1o 1 fr. 12 par hectolitre sur les vins; 2o 4 fr. par hectolitre d'alcool pur contenu dans les eaux-de-vie, esprits, liqueurs, fruits à l'eau-de-vie et absinthes.

Ces surtaxes sont indépendantes des droits de 88 centimes et de 6 fr., autorisés à titre de taxes principales sur les mêmes

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M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, portant fixation du budget général des dé(Le Sénat décide qu'il passe à la discus-penses et des recettes de l'exercice 1891. sion des articles.)

M. le président. Je donne lecture de l'article 1er.

« Art. 1o. Est autorisée la prorogation, jusqu'au 31 décembre 1895 inclusivement, des surtaxes de 1 fr. 80 par hectolitre de vin et de 9 fr. par hectolitre d'alcool pur contenu dans les esprits, eaux-de-vie, fruits à l'eau-de-vie, liqueurs et absinthes, actuellement perçues à l'octroi de Callać (Côtes-du-Nord).

« Ces surtaxes sont indépendantes des droits de 1 fr. 20 par hectolitre de vin et de 6 fr. par hectolitre d'alcool pur, perçus à titre de taxes principales sur ces mêmes boissons. >>

(L'article 1er, mis aux voix, est adopté.) M. le président. « Art. 2. Le produit des surtaxes mentionnées en l'article précédent est spécialement affecté au remboursement de deux emprunts contractés au Crédit foncier et à la caisse des écoles par la commune de Callac.

« L'administration municipale est tenue de justifier, chaque année, au préfet, de l'emploi de ce produit, dont le compte général, tant en recette qu'en dépense, sera fourni à l'expiration du délai fixé par la présente loi. » (Adopté.)

(L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.)

Le Sénat adopte ensuite, dans la même forme et sans discussion, les projets de lois dont la teneur suit:

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Matériel de l'administration
fr. » - (Adopté.)
Personnel du conseil d'Etat,
(Adopté.)

Matériel du conseil d'Etat, (Adopté.)

« Chap. 5. Personnel de la cour de cassation, 1,155,100 fr. »

M. Guibourd de Luzinais. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Guibourd de Luzinais.

M. Guibourd de Luzinais. Messieurs, le crédit de 1,155,000 fr. qui vous est demandé sur le chapitre 5 pour le personnel de la cour de cassation, n'est plus le crédit nécessaire, depuis qu'un décret du 22 novembre a supprimé le titre et les fonctions de premier avocat à la cour de cassation. Evidemment M. le ministre a omis d'ap

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