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M. le président du conseil? Sera-ce M. le naire qu'il venait de subir, le parti répugénéral de Galliffet?

M. le président du conseil s'en tirera toujours en agitant la loque cléricale. Cela ne prenait plus depuis quelque temps, cela reprend maintenant; ce qui prouve que si

les choses se suivent et ne se ressembent pas il y a cependant un cercle dans lequel tout tourne pour revenir au même point. Avant de descendre de cette tribune, je dirai à M. le général de Galliffet un dernier mot

Voulez-vous, mon général, quand vous prendrez, dans quelques jours, peutêtre dans quelques semaines, une retraite définitive, emporter avec vous plus que la haine, le mépris de l'armée... (Exclamations à gauche.)

M. le président. De pareilles paroles ne peuvent être apportées à la tribune. (Réclamations à droite.)

Supporteriez-vous, messieurs, qu'on vous adressât un pareil langage! (Très bien! très bien!)

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-

M. Alexandre Zévaès. ...c'est ainsi, messieurs, que les ralliés d'abord, qualifiés de résignés et mis en une sorte de quarantaine, ont été bientôt salués comme des sauveurs et accueillis dans la majorité gouvernementale.

M. le comte de Lanjuinais. Et même dans le ministère!

blicain avait semblé s'atteler, du moins dans l'ordre politique, à une œuvre républicaine. C'était l'heure héroïque où la bourgeoisie républicaine qui n'allait pas tarder à devenir la bourgeoisie opportu- proclamait l'enseignement primaire gratuit, obligatoire et universel; c'était l'heure où elle prodiguait les plus généreux encouragements aux diverses branches de l'instruction publique; c'était l'heure, enfin, où elle répétait à l'envi le mot de son tribun Gambetta dénonçant le cléricalisme comme l'ennemi de la démo-publicaine et socialiste. (Applaudissements

cratie.

Cette politique républicaine n'a eu qu'un temps, et ce temps a été très court. Dès que, dans l'ensemble du pays, le prolétariat, rompant avec les partis politiques bourgeois, se constitua, sur le terrain de classe, en parti distinct et devint ainsi une force compacte et organisée avec laquelle il fallait compter; dès que, avec les premiers élus socialistes siégeant sur ces bancs, le socialisme émergea à l'horizon parlementaire, le recul fut décidé : résolument, consciemment, la bourgeoisie républicaine fit machine en arrière. (Applaudissements à l'extrême gauche.) Et pourquoi? La raison en est simple: c'est qu'à la lutte purement politique, à la lutte pour le gouver

M. de Grandmaison. Je souhaite simplement que M. le général de Galliffet agisse de façon que pareille chose ne lui arrive pas, et je lui dis: Abandonnez ces amis d'un jour; jetez-leur votre portefeuille il se trouvera toujours dans le sillage du vaisseau ministériel quelque requin politique pour le happer au passage. (Interrup-nement qui obligeait la bourgeoisie réputions à gauche.) Dépouillez l'homme politique, redevenez le vieux soldat de Crimée et du Mexique, le héros de Sedan, et revenez avec les patriotes qui, eux, vous accueilleront avec d'autant plus de joie qu'ils auront plus souffert de vos actes et de votre attitude indignes de votre passé et indignes de l'armée dont vous êtes le chef suprême et incontesté. (Applaudissements à droite.)

M. le président. La parole est à M. Zévaès.

M. Alexandre Zévaès. Messieurs, je n'ai pas besoin de vous dire que c'est dans un esprit tout différent de celui qui a inspiré M. Denys Cochin et M. de Grandmaison que mes amis Vaillant, Groussier et moimême avons demandé à interpeller M. le président du conseil. Nous interpellons le Gouvernement d'abord sur les mesures qu'il compte prendre pour réprimer de façon complète les agissements cléricaux et militaristes (Applaudissements à l'extrême gauche), et ensuite sur les réformes dont il entend prendre l'initiative pour donner satisfaction aux revendications économiques de la classe ouvrière.

Tout d'abord, messieurs, en quoi consistent ces agissements cléricaux qui tout à T'heure faisaient quelque peu sourire l'honorable M. Denys Cochin et contre lesquels, quant à nous, socialistes, nous demandons à la Chambre de prendre les mesures légales, les mesures nécessaires?

Il y a quelques années, alors qu'il sortait de la crise du 16 Mai et qu'il était encore sous l'impression de l'assaut réaction

blicaine, pour se maintenir au pouvoir, à se séparer de la bourgeoisie monarchiste, venait de succéder la lutte pour les privilèges économiques, qui, contre les revendications de plus en plus conscientes et menaçantes du prolétariat, devait grouper en une même masse de réaction, sans distinction d'opinions politiques ou religieuses, toutes les fractions de la classe capitaliste. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.)

Les progrès continus de l'idée socialiste, les aspirations réformatrices de ce pays, chaque jour plus nettes et mieux définies, n'ont fait que précipiter cette politique de recul vers la droite et vers l'Eglise (Exclamations à droite et sur divers bancs au centre), politique qui, inaugurée officiellement en 1893 par le premier ministère Dupuy, saluée comme une politique d'esprit nouveau par M. Spuller, suivie plus ou moins sourroisement ou plus ou moins brutalement par les ministères que présidaient MM. Ribot et Casimir-Perier, est devenue, il y a deux ans, sous le ministère de MM. Méline et Barthou, un véritable péril pour les institutions républicaines. (Applaudissements à l'extrême gauche.)

C'est ainsi, messieurs, que nous avons vu rentrer, non plus par les fenêtres et à la dérobée, mais par la porte largement ouverte, au mépris des scellés de Ferry, les congrégations dites non autorisées. C'est ainsi que les ralliés, ralliés sur l'ordre du Vatican...

M. Alexandre Zévaès. Ç'a été depuis plusieurs années la paix avec la droite, la collaboration avec les représentants de l'Eglise et de la monarchie pour la résistance, pour le combat contre la gauche ré

à l'extrême gauche.) C'était la République française placée sous le patronage du Vatican. (Applaudissements à l'extrême gauche. Interruptions à droite.)

M. Lasies. Maintenant, elle est sous le patronage de la synagogue.

M. Alexandre Zévaès. Messieurs, où nous a conduits cette politique d'abdication républicaine? Vous l'avez vu ces temps derniers. Vous avez ouvert à l'Eglise et à ses représentants les portes de la maison républicaine au moment même où en étaient exclus ceux-là qui l'avaient construite, qui l'avaient cimentée de leur sang. (Applaudissements à l'extrême gauche.) L'Eglise a peu à peu introduit dans la République l'esprit clérical; elle y a casé le plus possible de ses créatures et de ses fidèles; et aujourd'hui -vous vous en apercevez, messieurs les républicains bourgeois qui maintenant venez dénoncer le péril clérical - aujourd'hui l'Eglise est souveraine maîtresse et des hauts commandements militaires et des grandes administrations, et de l'enseignement secondaire et de l'enseignement supérieur... (Interruptions à droite.)

M. de Baudry d'Asson. L'Eglise sera souveraine malgré vous.

M. Alexandre Zévaès. ...et des hospices, et des bureaux de bienfaisance; elle est souveraine jusqu'à l'atelier où, sous le nom de Notre-Dame-de-l'Usine, elle domine et écrase les consciences et les corps. (Vifs applaudissements à l'extrême gauche.) M. Firmin Faure. Parlez-nous de la synagogue.

M. Alexandre Zévaès. Nous ne distingnons pas, vous le savez bien, monsieur Firmin Faure, entre les différentes confessions religieuses, pas plus que nous ne distinguons entre les exploiteurs et les financiers des diverses races et des diverses religions. (Nouveaux applaudissements à l'extrême gauche.)

Messieurs, les socialistes ne demandent pas au régime capitaliste la suppression des religions, la fin de la superstition, comme disaient les philosophes du siècle dernier. Nous savons que seule l'émancipariat peut amener l'émancipation intellection économique et matérielle du prolétatuelle, l'émancipation des consciences. Mais. ce que peut, ce que doit faire un gouverSur divers bancs. Par exemple, M. de Ga- nement républicain, c'est d'en finir avec liffet et M. Caillaux. cet Etat dans l'Etat que constitue, un siècle

après la Révolution, le clergé catholique romain. (Protestations à droite. - Applaudissements à l'extrême gauche.)

A droite. Et la franc-maçonnerie?

M. Alexandre Zévaès. Ce que doit faire un gouvernement de défense républicaine qui veut être digne de ce nom, c'est de faire rentrer le clergé dans le droit commun en lui retirant les privilèges qu'il tient de l'époque où il était, où il faisait la loi. plaudissements à l'extrême gauche. Interruptions à droite.)

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tout employeur individuel ou collectif, d'adosser des chapelles à ses ateliers, à ses usines, et de contraindre les ouvriers ou ouvrières qu'il exploite à aucune pratique religieuse; et les Notre-Dame-de-l'Usine, que le capitalisme installe et généralisé aujourd'hui, doivent disparaître comme une des pires formes de l'Inquisition.

Un projet sur ce point a été ou sera déposé par M. le ministre de l'instruction publique, projet qui a pour but d'exiger de blique, projet qui a pour but d'exiger de ceux qui se destinent aux fonctions admi- M. de Baudry d'Asson. La République (Ap-nistratives ou publiques un court stage, un disparaîtra avant elles (Rires à l'extrême passage de deux ou trois ans dans les col-gauche) pour le bonheur de la France. lèges, dans les lycées, en un mot dans les établissements de l'Etat.

M. Suchetet. Au nom de la liberté, sans doute?

Mais combien ce projet est incomplet! M. Zévaès. Oui, monsieur, au nom de la D'une, part il ne préserve de l'enseignement liberté.

clérical qu'une toute petite partie des élèLa séparation des Eglises et de l'Etat de- ves, que ceux qui se destinent spécialement puis si longtemps inscrite au programme à telle carrière administrative. D'autre part, de la bourgeoisie républicaine et d'ailleurs il n'exige, même de ceux-là, qu'une prédepuis si longtemps oubliée par elle, la sup- sence de deux ou trois ans sur les bancs du pression de ce salaire du clergé qui s'ap- lycée, alors que, durant de longues années, pelle le budget des cultes... (Applaudisse- ces jeunes gens auront subi l'éducation, ments à l'extrême gauche. Réclamations l'influence et l'action cléricales, de sorte que à droite.) l'enseignement clérical subsistera bien après M. de Baudry d'Asson. Ce n'est pas un l'enseignement reçu au lycée. salaire, c'est une dette!

...

M. Alexandre Zévaès. la suppression de l'ambassade près du Vatican (Nouvelles réclamations à droite) sont des mesures qui s'imposent immédiatement.

M. de Baudry d'Asson. On ne peut pas laisser dire des choses semblables!

M. le président. Je vous prie, messieurs, de laisser l'orateur s'expliquer librement. On lui répondra.

M. Paul de Cassagnac. M. Loubet a été élevé au séminaire.

M. de Baudry d'Asson. Et M. WaldeckRousseau à l'externat des Enfants-Nantais. (Interruptions.)

M. Alexandre Zévaès. M. de Baudry d'Asson reconnaît par là le péril que ses amis ont tenté de faire courir à la République, et il justifie ainsi toutes les mesures rigoureuses qui pourraient être prises contre lui et ses amis. (Très bien! très bien! à l'extrême gauche.)

Enfin le moyen le plus décisif de frapper le clergé dans ses œuvres vives, dans ses moyens de combat, c'est le retour à la nation de tous les biens de mainmorte (ApInplaudissements sur les mêmes bancs. terruptions à droite), meubles ou immeubles appartenant aux congrégations religieuses, y compris les annexes industrielles ou commerciales de ces congrégations.

Cette expropriation s'impose d'autant plus que la propriété ecclésiastique qu'il s'agit de nationaliser ne représente pas M. le président. Il est inutile d'apporter seulement une longue exploitation reliici des personnalités.

M. Alexandre Zévaès. Une autre séparation non moins indispensable, c'est celle de l'Eglise et de l'assistance publique. Nous estimons que les bureaux de bienfaisance, que les hospices doivent être placés sous le régime de la laïcité la plus absolue. (Inter

M. Zévaès. Monsieur de Baudry d'Asson, réservez vos indignations pour tout à l'heure; vous en entendrez bien d'autres. Mais, messieurs, dans cette voie de sépa-ruptions à droite.) ration, il ne convient pas de s'arrêter là et,

en même temps que nous voulons séparer l'Eglise de l'Etat...

A gauche. Dites: les Eglises !

M. Alexandre Zévaès. ... nous voulons séparer l'Eglise de l'enseignement, en retirant au clergé le droit à l'enseignement supérieur, qu'il ne possédait pas, même sous l'Empire du 2 décembre, et le droit à l'enseignement primaire et secondaire que lui refusait même la monarchie de juillet. (Applaudissements à l'extrême gauche.)

L'abrogation de cette loi Falloux, de cette loi dont Victor Hugo disait : « Je la repousse parce qu'elle confisque l'enseignement primaire, parce qu'elle dégrade l'enseignement secondaire, parce qu'elle abaisse le niveau de la science, parce qu'elle diminue mon pays »; oui, l'abrogation de la loi Falloux et de toutes les autres lois qui reconnaissent au clergé le privilège de l'enseignement s'impose comme une nécessité. A droite. Au nom de la liberté !

M. le président. Ce n'est pas par voie
d'interruptions, messieurs, qu'on peut dis-

cuter utilement. La vraie force, pour tous
les partis, c'est la possession de soi-même.
A droite. Alors M. Zévaès ne l'a pas, cette

force?

M. Lasies. Il expose le programme gouvernemental.

M. Alexandre Zévaès. Je n'ai aucune

qualité pour exposer le programme gou-
vernemental et n'y ai, croyez-le, aucune
prétention; j'expose simplement le pro-
gramme de mes camarades socialistes.

gieuse des masses, mais aussi une exploitation industrielle et commerciale directe. (Applaudissements à l'extrême gauche.)

Depuis longtemps, en effet, l'église catholique, qu'on accuse à tort de ne pas transiger avec la société moderne, s'est mise au pas de la civilisation capitaliste. A ses églises, à ses sacristies, à ses confessionnaux, elle a adossé des orphelinats, des ouvroirs si éloquemment dénoncés il y a quelque temps par un évêque que vous ne pouvez pas renier, je suppose. (Applaudissements à l'extrême gauche.) Et pour les profits réalisés comme pour les tortures infligées à des milliers de travailleurs de tout sexe et de tout âge, ces bagnes religieux ne le cèdent en rien aux bagnes industriels les plus laïques. (Applaudissements sur les mêmes bancs. Interruptions à droite.)

Il y a là des millions, il y a là des milliards qui ont été prélevés sur le dos de milliers d'enfants du prolétariat travailleur et sur lesquels, par suite, ce dernier a les mêmes droits qu'avait le Tiers Etat d'il y a cent ans sur les dimes ecclésiastiques. (Applaudissements à l'extrême gauche.) M. Lerolle. La spoliation, voilà le but de la campagne nouvelle.

Je disais, messieurs, que la société civile, telle qu'elle est sortie de la Révolution de 1789, ne saurait tolérer l'immixtion d'une confession religieuse quelconque, catholique, juive ou protestante, entre elle et ceux de ses membres vis-à-vis desquels elle remplit un devoir d'assistance; et la liberté de conscience, dont tous vous devriez vous réclamer, ne saurait tolérer que la faim, que la maladie, que les mille et une M. Alexandre Zévaès. Oui, au nom de misères qui accablent aujourd'hui la majola liberté. (Exclamations à droite. Ap-rité laborieuse de l'humanité et qui mettent plaudissements à l'extrême gauche.) des hommes à la disposition d'autres homM. Eugène Fournière. Au nom de la li- mes, soient exploitées au profit d'une La nationalisation des biens ecclésiastiberté des enfants. croyance ou d'une industrie religieuse. (Ap-ques a donc pour elle et le droit et les préplaudissements à l'extrême gauche.) Pour la même raison de liberté de conscience, il doit être interdit à tout patron, à

M. Alexandre Zévaès. Au nom de la liberté qui exclut le droit d'attenter aux jeunes générations (Applaudissements à

M. Alexandre Zévaès. Non, ce n'est pas une campagne nouvelle que nous inaugurons; c'est celle que contre le cléricalisme a toujours menée le parti socialiste depuis qu'il a organisé sa propagande. (Interruptions à droite.)

cédents.

Ainsi, sur le premier point: séparation de l'Eglise et de l'Etat, séparation de l'Eglise et

patients. (Applaudissements à l'extrême gauche.)

Ainsi, messieurs, cléricaliser l'armée, la flatter bassement, servilement, au point de transformer en action d'éclat le plus misérable des faux, essayer d'exaspérer cette armée contre la nation, telle a été la besogne à laquelle, au nom de je ne sais quelle conception du patriotisme, se sont livrés depuis deux ans les adversaires avoués et inavoués de la République. (Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs à gauche. à gauche. Interruptions et bruit à droite.)

de l'enseignement à tous les degrés, sépara- | sont encore devenus davantage dans ces | tion cléricale dont ils sont les partisans im> tion de l'Eglise et de l'assistance publique, derniers temps, les grands chefs de notre séparation de l'Eglise et de l'usine, nationa- armée qui ont protesté de leur attachement lisation des biens de mainmorte, telles à la forme républicaine. Et comment d'ailsont les mesures que nous réclamons de leurs pourrait-il en être autrement lorsque, vous (Applaudissements à l'extrême gauche); au mois de septembre dernier, nous avons telles sont les mesures que vous devez eu ce scandaleux exemple du ministre de prendre, vous, majorité républicaine, si, la guerre, membre d'un gouvernement de comme vous le dites, vous voulez vérita- défense républicaine, qui biffait le mot de blement mettre l'œuvre de nos pères à l'abri République dans un ordre du jour adressé de l'asservissement religieux, si vous ne à l'armée ? (Mouvements divers.) voulez pas qu'après avoir lutté et saigné pendant tout un siècle, entassant révolutions sur révolutions, nous ne voyions aujourd'hui tomber au rang de mission apostolique et romaine celle qui fut la grande France des Droits de l'homme et du citoyen. (Applaudissements à l'extrême gauche.)

De même que nous vous demandons, non pas de supprimer les religions, dont l'existence est inséparable du régime capitaliste, mais seulement de prendre les mesures de défense républicaine nécessaires contre les empiétements et les agissements cléricaux, de même nous ne vous demandons pas de supprimer le militarisme qui est non moins inséparable du régime capitaliste; nous vous demandons de prendre les mesures nécessaires de salut républicain contre certains agissements militaristes. (Applaudissements à l'extrême gauche.)

Messieurs, si nous avons assisté à ces développements de l'action cléricale, la faute en est, comme je i'indiquais en débutant, aux gouvernements qui les ont tolérés ou encouragés jusqu'à ce jour. De même si, aujourd'hui, les agissements militaristes sont à ce point devenus menaçants pour nos institutions républicaines, n'est-ce pas la faute des gouvernements qui, depuis vingt-cinq ans, se sont succédé sur ces bancs et qui n'ont rien fait, rien tenté pour conjurer ce péril? (Applaudissements à l'extrême gauche.)

Eh quoi! alors que les nécessités de la défense du territoire amputé vous commandaient de fondre l'armée dans la nation, de l'identifier avec elle, c'est, au contraire, en méfiance de la nation républicaine, c'est contre la nation ouvrière que vous avez réorganisé votre armée. Vous n'avez pas républicanisé l'armée, messieurs; mais vous avez caporalisé la nation (Applaudissements à l'extrême gauche) en coulant nos forces militaires, dans le moule prétorien du 2 Décembre, et comme l'écrivait le général Thoumas, nous crai gnons bien que par esprit militaire de la nation on n'entende la soumission de la nation à certains militaires.

Je dis que vous n'avez pas même essayé de républicaniser l'armée nouvelle. Mais alors, d'autres ont essayé de s'emparer de l'esprit de l'armée; ils y ont pleinement réussi ils l'ont cléricalisée. (Applaudisse- | mants à l'extrême gauche. Interruptions à droite.) Ah! ne confirmez pas trop les paroles que je prononce, messieurs de la droite !

Ils ont toujours été très rares, mais ils le

Comment pourrait-il en être autrement, lorsqu'il y a quelques semaines encore nous avons vu le même général marquis de Galliffet prononcer sur la tombe du général Brault des paroles qui auraient été bien mieux placées dans la bouche d'un représentant de l'Eglise que dans la bouche d'un représentant du gouvernement de la République? (Applaudissements ironiques à droite.)

M. de Baudry d'Asson. Prenez garde qu'il ne vous mette tous au bloc un de ces jours, le marquis de Galliffet! (Rires à droite.)

M. Alexandre Zévaès. Et, messieurs,
faut-il, remontant à une année en arrière,
vous rappeler que c'est sous la présidence
de généralissime Jamont qu'un moine a pu
proférer les appels les plus féroces à la
guerre civile (Rires ironiques à droite) et
exhorter soldats et officiers à l'extermina-
tion par le sabre de ce qu'il appelait le « ci-
vilisme»?

Faut-il encore vous rappeler et les ordres
du jour et les allocutions prononcées soit
par le général Metzinger à Marseille, soit
à Auch par le général Guy de Taradel?
M. Charles Bernard. Dénoncez! dé-
noncez !

M. Alexandre Zévaès. Oui, nous avons
le droit de dénoncer au pays les généraux
qui complotent contre la République. (Ap-
plaudissements à l'extrême gauche. - Bruit.)
Et pendant qu'on assistait à ce spectacle
d'officiers généraux qui, dans l'exercice de
leurs fonctions, critiquaient ouvertement le
régime républicain, nous avons vu une
campagne systématique entreprise dans le
but de placer l'armée au-dessus de tout
contrôle et de toute critique des citoyens
libres et indépendants, et ceux-là mêmes
qui menaient cette campagne, qui vou-
laient à tout prix imposer à la foule le
culte de l'état-major afin de rendre un jour
plus efficace et plus facile l'action de cet
état-major sur la foule...

(M. Paulin-Méry interrompt au milieu du bruit.)

M. le président. Monsieur Paulin-Méry, je vous rappelle à l'ordre; vous troublez la Chambre par vos interruptions.

M. Alexandre Zévaès. Je dis que ceux qui ont mené cette campagne à ce cri de: «< Vive l'armée! » dont le citoyen Jourde traduisait justement tout à l'heure la signification antirépublicaine (Exclamations sur divers bancs), ce sont ceux-là qui n'attendent plus que d'un coup d'Etat la restaura

M. Paulin-Méry. Nous sommes les adversaires de la république parlementaire, | oui ! (Bruit.)

M. le président. Je serai obligé de vous rappeler à l'ordre avec inscription au procès-verbal si vous continuez à interrompre, monsieur Paulin-Méry.

M. Paulin-Méry. Toutes les fois qu'on attaquera mon républicanisme, je protesterai. (Bruit à l'extrême gauche.)

M. Alexandre Zévaès. Cette attitude, prise par quelques grands chefs de l'armée vis-à-vis du gouvernement républicain, constitue un péril. Je crois, messieurs, que nul ne saurait le contester, et ce péril démontre une fois de plus, conformément à la doctrine républicaine, conformément à la vieille tradition républicaine, l'antagonisme qui existe entre une armée permanente et un régime de libre démocratie. (Applaudissements à l'extrême gauche. Mouvements divers.)

M. le général Jacquey. C'est net et clair.

M. Alexandre Zévaès. Ce n'est pas avec des demi-mesures, ce n'est pas avec des réformes de miniature ou de parade, ce n'est pas avec quelques arrêtés ministériels, que vous aurez raison de ce péril; ce que nous demandons, nous, socialistes, c'est une réorganisation complète de notre système militaire, c'est la substitution d'une armée populaire de milices aux armées permanentes et prétoriennes d'aujourd'hui.... (Exclamations et bruit sur divers bancs. Applaudissements à l'extrême gauche.) A droite. C'est un crime de lèse-patrie ! Vous voulez une armée de pompiers!

M. Georges Berry. La garde nationale. M. Alexandre Zévaès. On me crie qu'une proposition semblable constitue un crime de lèse-patrie, un attentat contre la sûreté de la nation. Détrompez-vous, messieurs! Lorsque nous vous demandons l'abolition de ce régime de la caserne qui, selon l'expression de notre collègue, M. Drumont, est une école de démoralisation... (Interruptions et exclamations sur divers bancs.)

M. le président. En tout cas, je ne laisserai pas porter ces paroles à la tribune. (Applaudissements à droite, au centre et à gauche. Rumeurs à l'extrême gauche.) Je pense que vous n'avez pas voulu vous les approprier, monsieur Zévaès?

M. Alexandre Zévaès. Monsieur le président, je vous remercie de votre observa

-

tion; car il va me suffire et ce sera un interprète de ma pensée beaucoup plus éloquent que je ne pourrais l'être moimême de citer les paroles qui, sous votre propre présidence, le 14 novembre de l'année dernière, il y a un an jour pour jour, ont été prononcées à cette tribune, aux applaudissements d'un certain nombre de nos collègues, par M. Edouard Drumont. Voici les phrases essentielles de l'éloquente improvisation de notre collègue d'Alger qui avait été amené à la tribune lors d'une interpellation de mon collègue M. Fournière.

une France forte, capable, s'il le fallait, organisées que nous vous demandons, car
demain, pour défendre sa révolution so-
ciale, de tenir tête à toute l'Europe capita-
liste coalisée, comme il y a un siècle nous
l'avons vue tenir tête à toute l'Europe mo-
narchique, absolutiste et féodale coalisée
contre l'œuvre révolutionnaire d'alors. Nous
voulons, messieurs, non pas une France
désarmée, mais le peuple de France tout
entier armé. (Applaudissements à l'extrême
gauche.)

Nous voulons, dans une organisation qui lui donne toute sa valeur défensive, concentrer l'intégralité des forces nationales

M. Edouard Drumont. Citez l'article en préparées, éduquées, instruites et disciplientier.

M. Alexandre Zévaès. Monsieur Drumont, ce n'est pas un article de journal, c'est le texte même du discours que vous avez prononcé à cette tribune il y a un an « Je pense, comme philosophe, au point de vue social, disait M. Drumont, député d'Alger, — que le service obligatoire, qui est la conséquence de l'état général de l'Europe, est une cause d'affaiblissement et

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même de démoralisation jusqu'à un certain point pour le pays. »

M. Edouard Drumont. C'est un article, cela.

M. Zévaès. Ce n'est pas un article, c'est un discours prononcé à cette même tribune; vous n'avez qu'à vous reporter au Journal officiel du 15 novembre 1898 et vous y pourrez contrôler l'exactitude de ma 'citation.

« C'est qu'en effet, disiez-vous, il enlève aux champs des paysans qui y vivraient heureux, qui feraient de beaux enfants, qui s'ennuient profondément à la caserne et qui rapportent dans les campagnes toute la corruption des villes. »>

Et vous ajoutiez à ce moment, sans soulever la moindre interruption : « Je constate là un fait évident. En réalité, sur tous les bancs de la Chambre, à quelque opinion qu'on appartienne, on est de mon avis en théorie. » (Mouvements divers.)

M. le président. Je crois pouvoir dire que notre collègue se trompait. (Très bien ! très bien !)

M. Alexandre Zévaès. Je dis que lorsque nous demandons la suppression de ce régime de caserne si fortement caractérisé par M. Drumont; lorsque nous affirmons que ce régime gaspille en efforts stériles un temps précieux enlevé à la production utile de la nation; lorsque nous demandons le recrutement cantonal, l'éducation sur place de nos soldats; lorsque nous vous montrons l'exemple d'une République voisine où en quarantecinq et soixante-dix jours on éduque les plus solides fantassins et cavaliers, que notre pays nous ne voulons pas désarme devant une Europe capitaliste et monarchique armée jusqu'aux dents. Nous nous souvenons trop du glorieux passé révolutionnaire de notre pays et nous avons trop confiance dans l'avenir socialiste qui lui est réservé pour ne pas vouloir

nées dès la jeunesse, afin que ni la patrie ni la République n'aient à redouter aucune agression extérieure, et afin que tous les citoyens de la nation, maîtres chez eux, maîtres de leurs destinées, substituant à une politique offensive de rapines une politique de paix et de rayonnement, n'aient plus d'autre souci que l'accomplissement de leurs devoirs civiques, l'accroissement de leur bien-être et de leurs libertés.

les milices de l'Année terrible n'avaient ni l'équipement ni l'éducation nécessaires : leurs soldats étaient sans munitions, sans vêtements, chaussés de souliers de carton, et cependant ce sont eux, je le répète, qui ont sauvé la patrie, tandis que les milices que nous vous proposons d'organiser ayant reçu l'éducation, l'entraînement nécessaires, auraient par suite, au jour du péril, s'il venait à surgir à nouveau, et la préparation indispensable au combat et ce grand souffle révolutionnaire qui, secouant l'âme du pays tout entier, a si souvent conduit nos soldats à la victoire. (Nouveaux applaudissements à l'extrême gauche.) M. Daudé. Ce n'est pas l'interpellation, cela!

M.Alexandre Zévaès. Messieurs, lorsque j'ai, tout à l'heure, prononcé ces mots de << suppression des armées permanentes »>, un de nos collègues de la droite m'a encore

interrompu en ces termes : « Vous voulez

une armée comme en Suisse, une armée de pompiers! » Je répondrai à ce collègue en

(Très bien ! très bien! à l'extrême gauche et lui opposant le témoignage d'un officier à gauche.)

Il me semble, d'autre part, messieurs, que les républicains, même ceux qui siègent sur les bancs du Gouvernement, même ceux qui appartiennent au centre de cette Assemblée, auraient tort de dénoncer comme antipatriotique une semblable proposition, car cette revendication qu'aujourd'hui le parti socialiste a reprise, figurait autrefois dans tous les programmes républicains.

M. Morinaud. Et la suppression du Sénat aussi; qu'en faites-vous?

M. Alexandre Zévaès. Elle figurait dans le programme de Gambetta. Relisez, vous qui aimez à vous réclamer de Gambetta, relisez ce programme...

M. le comte du Périer de Larsan. En quelle année ?

rez: «

M. Zévaès. Je vais vous répondre. Relisez ce programme, et vous y trouveSuppression des armées permanentes, cause de ruine pour les finances et les affaires de la nation, source de haine entre les peuples et de défiance à l'intérieur. >> On m'objecte des bancs du centre que Gambetta formulait ce programme avant 1870. Mais l'expérience de 1870 est un argument nouveau en faveur du système que nous préconisons. (Applaudissements à l'extrême gauche. - Interruptions à droite.) Ce sont vos armées permanentes qui, malgré l'héroïsme de nos soldats, ont été vaincues et ce sont au contraire les légions populaires en toute hâte recrutées par Gambetta qui ont pu prolonger de quelques semaines la résistance de la patrie envahie. (Nouveaux applaudissements à l'extrême gauche.)

Oui, ce sont ces milices improvisées qui ont à ce moment-là sauvé l'honneur de la patrie. Et ne comparez pas cependant ces milices improvisées au moment où la patrie était proclamée en danger, avec les milices

général français. A l'issue des manœuvres fédérales du mois de septembre 1896, le général Brunet prononçait ces paroles sur lesquelles j'appelle toute votre attention: « La réputation de l'armée fédérale n'est plus à faire... »

A droite. A la question!

M. le général Jacquey. C'est un programme !

M. le président. Messieurs, laissez l'orateur continuer. Si vous êtes impatients, le meilleur moyen d'arriver à la fin du débat, c'est d'écouter. (Très bien! très bien!)

M. Alexandre Zévaès. J'ai la prétention, messieurs, et vos interruptions systématiques ne m'en détourneront pas d'ordonner ma discussion comme je l'entends. Nous demandons au Gouvernement quelles mesures il compte prendre contre le militarisme; mais nous pensons que dans la période confuse traversons, que nous chaque parti a le droit d'apporter ici, devant la Chambre, devant le pays, en pleine lumière, son programme et ses solutions. (Très bien ! très bien! à l'extrême gauche.)

M. Georges Berry. Vous avouez que cette période est confuse: nous en prenons acte!

M. Alexandre Zévaès. Je relis donc, en les dédiant plus particulièrement à nos collègues de la droite, les paroles du général Brunet relatives aux milices populaires qui composent l'armée suisse :

«La réputation de l'armée fédérale n'est plus à faire, et depuis longtemps ses institu

tions militaires tiennent, à côté des institu

tions des grandes armées européennes, une place unique et dont votre pays peut concevoir une légitime satisfaction... Seule, en Europe, la Suisse a su trouver la solution de ce problème que tous cherchent en vain : armer tous ses enfants et faire que chaque citoyen donne un soldat à son pays sans

que ce soldat enlève à son pays un seul citoyen.» (Applaudissements à l'extrême gauche.)

J'ajouterai encore, messieurs, que cette suppression des armées dites permanentes est entrevue comme une possibilité, comme une probabilité par vos écrivains militaires. C'est une réforme que préconisait, dans un livre récent, M. le capitaine d'artillerie Moch...

M. le général Jacquey. Encore un juif! M. Alexandre Zévaès. C'est une réforme au sujet de laquelle le colonel Patry - qui n'est pas un juif, celui-là s'est exprimé comme suit. Après avoir annoncé pour un avenir presque immédiat l'adoption du service de deux ans, le colonel Patry ajoute « Le service de deux ans durera ce qu'il pourra. Mais nous arriverons forcément, en France comme chez toutes les

nations, dans un temps plus ou moins long, à l'organisation des milices. Nous Y marchons à pas beaucoup plus grands qu'on ne le croit ». (Applaudissements à l'extrême gauche.)

mes

En attendant, messieurs, que cette réorganisation de votre système militaire vous soit imposée par le suffrage universel dans une prochaine législature, il est des réforpour ainsi dire élémentaires - que vous pouvez immédiatement accomplir. C'est, tout d'abord, le service de deux ans. Laissez-moi vous rappeler que cette réforme a été proposée ici même par le général Jung, par le général Riu et par l'amiral Vallon; qu'elle a fait l'objet d'un grand nombre de vœux émanant des conseils généraux ou des conseils municipaux; qu'elle a été préconisée par la majorité d'entre vous au cours de la dernière période électorale. C'est une réforme que le pays attend de vous. (Applaudissements à l'extrême gauche.)

Il attend - et vous la lui devez aussi la suppression de cette juridiction d'exception qu'on appelle les conseils de guerre. (Applaudissements sur les mêmes bancs), qui doivent disparaître comme ont disparu autrefois les justices seigneuriales et les tribunaux ecclésiastiques...

M. le général Jacquey. Et la Haute

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sieurs, de prendre date; car le parti socialiste n'a pas attendu les scandales récents, il n'a pas attendu la condamnation récente d'un capitaine d'état-major.

M. Georges Berry. D'un traître!

M. Alexandre Zévaès. Il lui suffisait depuis longtemps des centaines et des milliers de simples soldats, de fils d'ouvriers et de paysans sacrifiés chaque jour (Applaudissements à l'extrême gauche) sur l'autel du militarisme; il lui suffisait de l'expérience de 1871 (Nouveaux applaudissements à l'extrême gauche), pour demander l'abolition de cette justice militaire qui n'a rien de commun avec l'autre justice. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Nous demandons aussi, avec la revision du code militaire, la suppression de ces abominables bagnes qu'on appelle « Biribi», qui n'ont de nom dans aucune langue, qui n'ont d'équivalent dans aucune législation. (Applaudissements à l'extrême gauche.)

Nous vous demandons enfin, dans cet ordre d'idées, l'interdiction de faire intervenir l'armée dans les grèves, dans les conflits entre les travailleurs et leurs patrons. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.)

Messieurs, nous savons que c'est la pensée de quelques-uns de nos collègues, que c'est l'opinion de M. le ministre de la guerre en particulier, de considérer l'armée nationale comme devant être une vaste gendarmerie dirigée surtout contre les ennemis de l'intérieur. Nous persistons à croire que la place de nos soldats n'est pas sur le champ de grève, qu'ils ne doivent pas être retournés, prolétaires en uniforme, contre leurs frères, les prolétaires de l'usine et de l'atelier. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.) En vain nous direz-vous, au lendemain des douloureux événements qui se sont passés en Saône-et-Loire, à Gueugnon, au lendemain des conflits qui se sont produits dans les grèves actuelles du Doubs et qui auraient été sanglants sans l'heureuse intervention de quelques-uns de nos collègues socialistes, en vain protesterez-vous que quand sur les champs de grève vous mobilisez les baïonnettes et les fusils, quand vous y expédiez fantassins et cavaliers, c'est pour mieux affirmer votre neutralité ou pour maintenir l'ordre.

L'ordre n'a jamais été troublé que par ces interventions intempestives et injustifiées. (Applaudissements à l'extrême gauche.) Le massacre de Fourmies en est la preuve encore saignante. Et là encore, je rappellerai à M. le président du conseil, lui qui s'est si souvent réclamé de Gambetta, la protestation éclatante que Gambetta faisait entendre au Corps législatif en janvier 1870, lors de l'intervention des troupes dans la grève du Creusot. Je rappellerai les paroles, qui sont toujours d'actualité, que Gambetta prononçait ce jour-là...

Citez aussi cette parole-là! (Mouvements divers.)

M. Alexandre Zévaès. J'espère que M. de Cassagnac fera la citation lui-même et que nous aurons l'occasion de lui répondre.

M. Paul de Cassagnac. Gambetta vous a appelés des esclaves ivres.

M. Alexandre Zévaès. Je n'ai pas à défendre Gambetta dans tous ses actes ni

dans toutes ses paroles. Notre parti, le parti socialiste, ne se réclame pas de lui. (Interruptions à droite.) Mais je rappelle son langage aux républicains gouvernementaux qui sans cesse évoquent son souvenir et son autorité. (Applaudissements à l'extrême gauche.)

M. Paul de Cassagnac. Quand on cite, il faut citer jusqu'au bout !

M. Alexandre Zévaès. Je rappelle la parole de Gambetta disant : « Lorsque l'armée intervient dans une grève, ni les ouvriers ni les patrons ne s'y trompent. Les patrons se sentent protégés et les ouvriers se sentent menacés. » (Applaudissements à l'extrême gauche.)

Nous demandons, messieurs, que vous respectiez votre propre législation, votre législation bourgeoise de 1864 qui reconnaît à tous les travailleurs le droit de coalition et le droit de grève, comme nous vous demandons aussi de faire respecter, non pas par des arbitrages vagues et éphémères, mais par des sanctions décisives, votre loi de 1884 sur les syndicats professionnels. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bencs.)

Telles sont les réformes essentielles que nous demandons à la Chambre, sur lesquelles nous sollicitons les explications précises du Gouvernement. Nous vous les demandons, majorité républicaine, si vous voulez en finir réellement avec le péril clérical, avec le péril militaire que vous-mêmes dénoncez à cette heure, et votre devoir impérieux est de les réaliser si ce double péril que vous signalez n'est pas chez vous un simple prétexte pour ajourner encore plus les réformes sociales que nous réclamons. (Applaudissements à l'extrême gauche.)

Messieurs, il ne suffit pas, en effet, de prendre des mesures de défense républicaine. Lorsqu'il s'agira de défendre la République soit par des mesures légales, soit dans la rue, les socialistes révolutionnaires seront au premier rang.

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Mais en dehors des lois de salut républicain, en dehors des mesures démocratiques qui sont votre raison d'être, qui figurent dans votre programme, dans celui de tous les républicains bourgeois, ce que nous voulons aussi, nous socialistes, et c'est là ce qui nous distingue de vous, simples républicains démocrates, et même aussi des républicains avancés avec lesquels souvent nous marchons d'accord sur les questions d'ordre politique, ce que M. Paul de Cassagnac. Gambetta a parlé nous voulons, c'est une transformation aussi de votre repaire, du repaire socialiste. I complète du régime social actuel, c'est l'a

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