d'une juste vengeance de la part des livres qu'une faction en faveur se permettait de proscrire. Mirabeau et Roland tentèrent d'anéantir tous les écrits imprégnés de Royalisme; et ceux-ci, en dévoilant Roland et Mirabeau, forcèrent l'un au suicide, et arrachèrent la cendre de l'autre au Panthéon. Robespierre déclara perturbateurs les ouvrages de la Gironde; et les ouvrages de la Gironde amenèrent, quoique lentement, le supplice de Robespierre. Les Despotes de Fructidor sonnèrent des espèces de Vêpres Siciliennes contre les défenseurs de la liberté de la Presse; Set le régime consulaire s'est armé de la liberté de la Presse, pour faire rentrer dans la fange les despotes de Fructidor. Toujours les hommes qui ont craint les lumières, ont fait servir le pouvoir à les anéantir; et toujours les lumières plus fortes ont démasqué leurs persécuteurs, ont amélioré ou anéanti le pouvoir.

Il ne faut pas un siècle de souveraineté à une puissance légitime, pour avoir droit à tous les hommages; or la Presse, la plus

légitime des puissances, puisque née de la nature de l'homme, elle ne tend qu'à le conserver, compte déjà trois cents cinquante ans de Monarchie; et trois cents cinquante ans pour une Monarchie qui doit durer autant le Monde, semblent le commencement que d'une éternité. Je ne vois désormais d'autre mode de salut pour les Despotes que cette puissance menace, que de capituler avec elle, puisqu'ils ne sauraient l'exterminer.

La capitulation est toute simple quand on n'a pas juré sa propre ruine : elle consiste à répudier son despotisme, ou à le voiler avec tant d'adresse, qu'on soit tenté de pardonner Thypocrisie en faveur de l'hommage qu'elle rend au génie et à la vertu.

Alexandre, le plus absolu des Despotes sur-tout depuis le meurtre impuni de Clitus et de Parménion, capitulait avec les lumières, quand, poursuivi par la satyre, il dit ce mot mémorable que Plutarque nous a conservé : C'est une chose très-Royale que d'entendre dire beaucoup de mal de soi, quand on fait beaucoup de bien.

Tibère lui-même, le farouche Tibère, dont des épigrammes républicaines sapaient la toute-puissance, sembla capituler sur la brèche, lorsqu'il lui échappa ce mot digne de Trajan ou de Marc-Aurele: Dans une ville libre, la langue et la pensée doivent l'être aussi.

On capitulera avec la puissance des lumières, quand on proclamera la Presse libre pour les choses, à condition qu'elle sera circonspecte pour les personnes.

On capitulera, quand on ne contrariera dans sa publicité aucun livre, qui dénonce les erreurs ou les crimes, pourvu que l'Auteur, en signant son écrit, offre, en cas de calomnie, une responsabilité devant la Loi.

pas

On capitulera enfin, quand on ne donnera à la satyre politique même, plus d'importance qu'elle ne mérite; quand on punira l'Auteur, en ne l'appercevant pas, et le livre en le laissant oublier.

Cette capitulation, si elle se réduisait aux moindres termes, pourrait s'énoncer ainsi :

La Presse veille à l'intérêt général, et le Despotisme à son intérêt individuel; les deux intérêts se concilieront, autant que la chose sera possible : la Presse, surveillée sans cesser d'être libre, publiera ce qui pourra lui convenir; le Despotisme, instruit des dangers qu'il court, fera ce qu'il voudra. La puissance légitime dira à l'usurpatrice Tu as la force sans laquelle on commande en vain, je t'en apprendrai l'emploi, et nous gouvernerons ensemble.

Vous tous, qui êtes condamnés, par votre naissance, ou qui vous condamnez vousmêmes, par votre ambition, à régner sur vos semblables, souvenez-vous qu'il existe une puissance supérieure, née il y a trois siècles et demi, qui vous surveille: si vous voulez légitimer en quelque sorte vos pations, capitulez avec elle: si vous êtes purs, confondez ensemble vos deux Souverainetés.

usur

DE PARENTHÈSE EN PARENTHÈSE

ON ABORDE LA QUESTION DE LA
PAIX.

ON N ne sait si ce Mémoire parvint au premier Consul: ce jeune Héros n'est point dans l'usage d'écrire; il ne répond ni aux satyres ni aux dédicaces. D'ailleurs, il est si difficile de l'aborder! toutes les routes qui peuvent conduire jusqu'à sa personne sont obstruées par l'adulation qui rampe, ou par l'audace qui calomnie: il voudrait, comme Auguste et Louis XIV, voir tout par ses yeux, vivifier tout avec son génie; et une muraille inaccessible est élevée entre lui et les peuples qui l'implorent : il appelle la lumière, et on la rend hétérogène avant qu'elle parvienne jusqu'à lui il tend les bras vers la vérité, et comme Ixion, il n'embrasse qu'un nuage.