Page images
PDF
EPUB

:

Les fondateurs de la Révolution, dit l'estimable Typographe, ont je crois démérité d'elle en choisissant des Journalistes pour propagateurs de leur Evangile en donnant la liberté de tout écrire sur l'ordre public à une Caste d'hommes mercenaires, qui tous les matins, pour quelques centimes, peuvent le troubler la licence ne constitue pas plus la liberté, que la fièvre ne prouve la force les Journalistes, pendant tout le période de notre démence révolutionnaire, ont fait autant de codes de Lois que araignées, de leur séjour, font de toiles, sans s'accorder sur un seul point; ils ont secoué en tout sens l'esprit humain, sans le faire marcher; ils ont détrôné à l'envi tous les Rois du Monde, sans donner le plus léger point d'appui à la République.

les

[ocr errors]

Cette désorganisation de la faculté d'émettre sa pensée était d'autant plus absurde que jamais la vérité ne sortait de cette manufacture de papiers publics : chaque Journaliste était aux gages d'une faction, qui régnait et qui rampait tour à tour:

lorsque le thermomètre de la faveur populaire était au plus haut point, le papier politique faisait la loi à ses rivaux; lorsqu'il baissait, il la recevait d'eux : l'abjection de tous ces prétendus interprètes de l'opinion publique était tellement reconnue l'homme de bien, traduit par eux sur la scène, en était réduit à rougir, non de leurs satyres, mais de leurs éloges.

que

Les Journalistes, à cette époque désastreuse, étaient tous en guerre les uns contre les autres; ils l'étaient aussi d'ordinaire avec la morale et le bon sens et cette guerre de plume n'avait pas, comme celle de l'épée, son droit des gens; on y empoisonnait la pensée avant de naître, on y assassinait son ennemi à genoux, on y calomniait jusqu'à la cendre froide des tombeaux.

Le Gouvernement alors ne s'endormait pas sur le parti que son machiavélisme pouvait tirer de ce magasin toujours renaissant de poison: le Ministre Roland a donné, dans les comptes de son Administration, le calcul des sommes

avec lesquelles il soudoyait les papiers des Démagogues: Vaublanc, en 1797, a révélé à la Tribune du Corps Législatif, que l'État assignait un traitement annuel de vingt-un mille francs à un ami des Noirs, qui calomniait tous les matins, à Paris, les Colons infortunés de Saint-Domingue: pendant ce temps-là, le trésor public était à sec, les soldats de la Liberté combattaient tout nus, et l'homme de génie mourait de faim.

[ocr errors]
[ocr errors]

que

de

Le Droit public, par rapport aux papiersnouvelles, a toujours été si fort à son berceau, pendant notre Révolution, que lors même que tous les bons esprits sollicitèrent leur réforme le Pouvoir Exécutif aima mieux capituler avec la licence l'anéantir il fit plus, disent les Historiens du temps, il contre-mina l'opinion publique même avec les papiers licencieux qu'il stipendiait; outre les feuilles de Louvet, de Lebois et du Prince de Hesse, qui étaient à ses ordres dans la Capitale, on l'accusait de pensionner le Courrier d'Italie à Milan, et le Morning - Chronicle à Londres : la

haine, je voudrais dire la calomnie,) a encore été plus loin; on a imprimé, quelques mois avant la journée de Fructidor, le Directoire soudoyait jusqu'à des que papiers contre-révolutionnaires, pour réchauffer l'esprit public, contre la masse toujours croissante des amis de la Royauté mais l'homme de bien doute de pareilles imputations, jusqu'à ce que la discussion devant les Magistrats la rende légale, et, quand la Loi a prononcé, il voudrait douter encore.

Il est certain au reste, qu'à cette époque de 1797, les Journaux du Gouvernement n'étaient pas ceux qui jouissaient d'une plus grande faveur celui de Paris disait, avec une sorte de bonhommie, en Thermidor que sur cent - cinquante papiers périodiques qui circulaient librement dans la Capitale, il y en avait cent- quarante - cinq qui n'interprétaient l'opinion publique que pour en être les perturbateurs. Cela voulait dire qu'alors l'opinion publique s'était tellement prononcée sur l'essence de la vraie liberté de la Presse, que sur cent-cinquante Journaux

[ocr errors]

il ne s'en trouvait que cinq qui se permissent encore d'être lâches et adulateurs.

Ne semblait - il pas naturel que lorsque cent-quarante-cinq trompettes de la renommée disaient que tout allait mal dans le meilleur des mondes, ceux qui le gouvernaient fissent un pas au-devant de l'opi-> nion générale, pour se réconcilier avec elle? Point du tout ces Rois populaires du meilleur des mondes avaient une épée, ils s'en servirent pour avoir raison contre la France, et nous eûmes le dix-huit Fructidor.

Ce dix-huit Fructidor renversa du côté de l'esclavage le vaisseau de la République qui était penché du côté de la licence: il se vengea du demi-courage que les papiers politiques avaient déployé, en les mettant à mort. J'ai ici l'acte d'excommunication du Conseil des Cinq-Cents, daté du Théâtre de l'Odéon, qu'on me força d'imprimer il est dit dans le Considérant, que parmi les ennemis de la République et les complices de la conjuration Royale, les

« EelmineJätka »