Page images
PDF
EPUB

plus actifs et les plus dangereux sont les Journalistes le Monitoire législatif ajoute, que pour prévenir la guerre civile, et l'effusion générale du sang, rien n'est plus instant que d'en purger le sol Français : or, quand on vint à faire le dénombrement des coupables contre lesquels la bulle était fulminée, il se trouva que les ennemis les plus actifs, comme les plus dangereux de la République, sinon Française, du moins Directoriale, que les complices d'une conjuration Royale qui ne tendait à rien moins qu'à bouleverser l'Europe, étaient le Thé, l'Argus, l'Echo, l'Eclair et le Miroir. Voilà les Briarée et les Encelade qui faisaient trembler dans l'Olympe da Luxembourg les Jupiter de la Démagogie: mais, l'anathème n'en fut pas moins lancé contre quarante-deux Journalistes, qui avaient émis librement leur pensée sous la sauve-garde de la Loi; le Décret enveloppait dans la même Sentence, les Propriétaires, les Directeurs, les Auteurs, les simples Rédacteurs: je m'étonnai qu'on eût oublié les Protes, les Compositeurs, et, ce qui était bien plus

contre

J

contre révolutionnaire, dans le sens des Fructidoriens, les Abonnés et les Lecteurs.

Quelque odieux que fut un pareil Arrêt de proscription, prononcé prononcé, non par un Tribunal, mais par des vainqueurs abjects sur un champ de bataille, personne n'osa réclamer tous les prétendus conjurés qu'on put saisir allèrent mourir lentement sur les plages pestilentielles de la Guiane, et les Français abdiquèrent leur droit de penser. En vain, quelques sages, en petit nombre, représentèrent que le mode Fructidorien de sauver la Patrie, avait les mêmes élémens que celui du Gouvernement Révolutionnaire; chacun par inertie se condamna à répéter deux fois la même expérience les fautes des pères ne corrigent jamais les enfans et comme le dit Voltaire, Les hommes comme les lapins se laissent toujours prendre aux mêmes ouvertures.

[ocr errors]

La Saint Barthelemi des Journalistes, en 1797, porta à la liberté de la Presse un coup dont elle ne s'est jamais relevée :

B

dès que le Gouvernement s'apperçut qu'il pouvait régner sur l'opinion avec l'épée, il dédaigna de la régir doucement avec les lumières; tous les Journaux eurent ordre d'être abjects, et ils le furent la plupart même, comme les Sénateurs de Tibère fatiguèrent le Directoire de leur servitude.

Quelques hommes d'État ont depuis raisonné cette abjection: ils ont dit, Que pour concilier la voix publique avec la sûreté du Gouvernement, il fallait admettre des Journaux; mais bornés à un petit nombre; mais aux gages de ceux qui tiennent le timon de la chose publique; mais tellement circonscrits dans l'enceinte la plus étroite, qu'ils ne pussent parler que de Spectacles Républicains, au milieu de la guerre; et de la Loterie, au sein des suicides.

Voici le plan, tel que je le tiens de quelques hommes remuans qui veulent détrôner le Directoire pour le remplacer : s'il s'exécutait jamais, l'homme libre n'aurait plus qu'à s'ensevelir dans le tombeau de la République,

On bornerait à douze le nombre des centcinquante papiers périodiques, qui inondaient la France, avant la conjuration de Fructidor; des Membres marquans du Gouvernement en achèteraient la propriété, pour que rien ne circulat qu'avec leur cachet; et les Rédacteurs soudoyés ne pourraient parler de la Politique, que dans l'esprit d'un Jour nal officiel indiqué, et en transcrivant litté ralement ses paragraphes.

Mais il me semble qu'un parcil systême remplirait mal les vues ambitieuses d'un Gouvernement qui voudrait l'adopter du moment qu'on saurait qu'un Journal officiel est le régulateur de tous les autres, personne n'ajouterait foi même aux vérités que ceuxci voudraient transmettre: la vérité, dans les temps orageux, ne s'accueille que quand elle est libre: on s'en défie, comme de la pureté de la lumière qui se réfracte en changeant de milieu, quand elle passe par le canal d'un Gouvernement.

Alors, les peuples ne croient plus à la

moralité d'un pouvoir, qui corrompt ou anéantit les sources de l'histoire.

Alors, on prête des vues perverses a toute amélioration du régime intérieur : on n'ajoute aucune foi aux triomphes militaires, à la rapidité des conquêtes, à l'importance des victoires.

Alors, les hommes qu'on enchaîne en les appelant libres ne pouvant plus voir la lumière que par les petites ouvertures de leur prison, s'isolent de tout intérêt public, sourient au mot de Patrie, et n'occupent leur existence égoïste que du soin de ne pas mourir.

C'est un grand mal que cette insouciance des peuples, pour la marche d'une machine politique dont on leur cache tous les rouages car, l'esprit public une fois perdu la masse d'une Nation ne croit plus à la possibilité du bien, et le Gouvernement ne peut plus le faire.

« EelmineJätka »