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Pontife de Jupiter, et des premiers Magistrats de la République : lorsque l'opposition languissait, les Patriciens eux-mêmes se faisaient Tribuns; et c'est par le spectacle de ces luttes, quelquefois perfides et souvent sanglantes, que ces hommes adroits firent croire au Peuple-Roi qu'il était libre, lorsqu'ils l'opprimaient avec leur orgueil, et ce qui était bien plus dangereux, avec leurs vertus.

Cette grande vérité n'est pas moins empreinte dans l'Histoire moderne du peuple le plus essentiellement libre qui existe dans les deux Mondes, des insulaires de la GrandeBretagne. Depuis Pavènement du Prince d'Orange, époque primitive de l'indépendance politique de cette contrée, il y a eu toujours un système suivi d'opposition, qui a rassuré une nation ombrageuse contre les attentats du Trône. Lorsque cette espèce de Tribunat semble se neutraliser par son adhésion tacite aux principes de la Cour, le parti ministériel paie lui-même un fantôme d'opposition, pour que le nom reste, quand la chose paraît s'anéantir. Cette politique n'est

pas à l'abri de toute censure, mais elle offre quelque chose de respectable, en ce qu'elle sert de sauve-garde au Gouvernement contre les entreprises insurrectionelles du Peuple, et de sauve-garde au Peuple contre les délits du Gouvernement.

Si par hasard il se trouvait une République ayant dans son sein un Trône amovible, sans contre-poids, ce Trône aurait un besoin bien plus urgent pour se maintenir, de créer lui-même un parti d'opposition, qui empècherait la Nation de s'appercevoir qu'un seul homme est tout, et qu'elle-même n'est rien.

Ce parti d'opposition se trouve naturelle

ment dans les Gens de Lettres, sur-tout depuis la découverte à jamais mémorable de l'Imprimerie.

L'opposition alors est pure, parce que l'homme accoutumé à voir l'Histoire derrière lui et la postérité devant ses yeux, ne parle que la langue des principes, à laquelle il faut toujours revenir, quand on a la ver

tueuse folie de mener l'homme par la morale au bonheur.

L'opposition n'est point dangereuse; parce qu'elle vient d'un homme isolé qui s'adresse à l'homme d'Etat, paisiblement renfermé dans son Cabinet, et non aux passions inflammables de la multitude; et que s'il osait porter le trouble dans un Etat qu'il ne doit qu'éclairer, son nom inscrit à la tête de son Ouvrage, mettrait la Loi vengeresse à portée de l'atteindre.

Je ne me lasserai donc jamais de le répéter aux premiers Magistrats d'une grande Nation qui s'organise lentement par une sage indépendance.

Voulez-vous franchement la République ? créez vous-mêmes une théorie toujours permanente d'opposition; car la Liberté n'éxiste pas plus sans secousses, que la pureté de l'atmosphère sans orages.

Cherchez-vous dans un Trône républicain

une

une Liberté illusoire ? protégez-en encore le fantôme par un parti d'opposition, car sans cela l'orgueil du Trône mettrait trop à découvert le néant de la République.

que

L'opposition, dans les deux hypothèses, n'existe dans la liberté de la Presse, surtout lorsque la confiance des peuples a sanctionné l'organisation d'un pouvoir immense sans contre-poids.

Et cette liberté de la Presse doit être essentiellement appliquée à la Politique, ou elle n'est qu'une ironie amère contre les peuples, une de ces Comédies cruelles des anciens Calchas, qui ne couronnaient de fleurs leurs victimes à l'Autel que pour les immoler.

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ENTREVUE DE MOLTO-CURANTE ET DE POCO-CURANTE DANS LUNE

VILLE.

FRÈRE Giroflée achevait à peine sa catilinaire contre les oppresseurs de la pensée, qu'une lettre adressée de Venise à MoltoCurante vint, en r'ouvrant son ame à de nouvelles craintes et à de nouvelles espérances, remettre sa philantropie dans toute son activité.

Venise, qui n'avait su, ni rester libre à l'approche de l'Armée Française, ni se façonner à une dépendance tranquille sous la protection de la Maison d'Autriche, s'était permis, depuis sa réunion, quelques mouvemens, qui sont toujours des délits quand le succès ne les accompagne pas. La crainte de la réaction des baïonnettes avait forcé un grand nombre de familles à quitter le sol

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