Nature, un brevet d'existence, qu'elle n'est pour les enfans, qui descendent à le reconnaître, un brevet de sottise. Cependant, dit Molto-Curante, il y a une sorte de Raison à reconnaître ce qui est raisonnable. Je ne crois point, répond Candide, que la Raison humaine puisse, par un jugement quelconque supposer en problème l'Être générateur par excellence, sans lequel elle ne serait pas Raison. Mais enfin, ajoute le Noble de Venise la Raison Française admet une pareille reconnaissance. Mais enfin, repart le Roturier de Westphalie, la Raison universelle la repousse. Vous vous trompez tous deux dit une voix sonore qui partait de la porte entr'ouverte de la sacristie; car il n'existe point de Raison. L'Italien et l'Allemand, également surpris d'entendre nier la Raison, dans le Temple même de la Raison, s'approchent en silence. Un homme d'un âge mûr, et en costume de dignité Républicaine, se présente: Vous êtes étrangers, dit-il, et je n'ai pas entendu votre conversation sans intérêt : je vous estime infiniment tous les deux, mais je vroudrais vous guérir d'un préjugé : je préside ici à une petite cérémonie politique, destinée à faire disparaître les fantômes de la Religion; et en attendant que le peuple se rassemble, je m'amuse à disputer, avec ce qu'on appelle un sage, sur le fantôme de la Raison : placez-vous dans ce vestibule, vous nous entendrez sans nous voir, et vous nous jugerez l'adversaire avec lequel je vais me mesurer a une excellente armure: ne demandez ni son nom ni le mien. Adieu. DIALOGUE DIALOGUE ENTRE L'HOMME QUI RAISONNE ET L'HOMME QUI GOUVERNE. [Il est bien évident qu'on a raisonné avec les hommes, avant de les gouverner; car " sans la raison il n'y a point de gouvernement voilà pourquoi, dans cet entretien, je désigne sous le nom d'A, l'interlocuteur qui fait usage de ses lumières; et que je n'appelle que B, celui qui déploie sa puissance. J'aime à être juste, et à rétablir la hiérarchie naturelle des mots et des choses, à mesure que les Révolutions se plaisent. à l'intervertir.] B, ou l'Homme qui gouverne. VOILA donc votre République de Platon, votre rêverie d'homme de bien, enfermée à triples verroux dans la Bastille du Temple; j'en suis vraiment fâché, car le Livre est bien fait c'est un pamphlet qui m'a C amusé un moment; ce qui est assez raré pour moi, dans une Babylone comme la nôtre, où quand on veut gouverner avec fruit, on ne s'amuse guère. A, ou l'Homme qui raisonne. Je n'ai point cherché à m'amuser avec des hommes oisifs, mais à payer ma dette de Citoyen envers des Hommes d'État : mon but a été d'opérer le bien général avec ma logique ; et si j'ai obtenu d'autres succès, mon patriotisme est assez pur pour les désavouer. B. Vous avez donc la simplicité de croire que les Etats s'organisent avec la logique ? : A. , Oui, j'ai cette simplicité - là, et je m'en honore il m'est resté une opinion assez avantageuse de la nature humaine, pour penser qu'avec de la logique dans la tête, et de la justice dans le cœur, on pourrait être quelque chose dans une République. B. Le contraire se rencontre en moi; car je ne crois, avec les Philosophes de la Révolution, qu'a la logique de la force, et à la justice de la nécessité je n'en prends pas moins beaucoup d'intérêt à votre théorie d'optimisme, qui ne peut manquer de faire du bruit, parce qu'elle est bien écrite. A. Je vous ai déjà dit qu'un Livre de ce genre, qui ne serait que bien écrit, serait un ouvrage manqué: heureusement, le succès dont on l'honore repose sur une autre base on a l'indulgence de penser, que ce Mémoire offre une dialectique a toute épreuve, et que, puisqu'il réussit auprès des gens de bien, c'est qu'il a raison. B. Eh! pourquoi tenter d'avoir raison contre l'homme qui gouverne? |