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E christianisme, en fondant par ses institutions l'empire de ses doctrines, sans leur livrer cependant le gouvernement du monde, a mis en présence deux puissantes influences, les hommes qui enseignent la doctrine et les es

prits actifs qui prétendent à la juger, le clergé et les libres penseurs. Leur rivalité est le grand fait de la civilisation

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moderne. Les hérésies, les guerres de religion l'ont révélé en divers temps et sous diverses formes dans les pays de la chrétienté. C'est à la fin du onzième siècle et dans le cours du douzième qu'elle a commencé à éclater en France, et que la lutte a pu se soutenir enfin avec quelque égalité.

Après l'invasion des Gaules par les Francs, le clergé romain, dernier débris de l'empire, avait recueilli tout ce qui pouvait exister encore de puissance dans un pays livré à la conquête. Seul dépositaire des lumières et des connaissances, seul capable d'opposer aux vainqueurs d'autres arguments que ceux de la force, et d'employer auprès des vaincus d'autres moyens de soumission que la violence, il devint le lien de la nation conquérante et de la nation conquise, et au nom d'une même loi commanda aux sujets l'obéissance, modéra quelquefois chez les maîtres l'emportement du pouvoir. Mais dans cette participation si active aux affaires du monde, le clergé se dépouilla insensiblement du caractère qui l'avait distingué d'abord. Ce qu'il avait conservé de lumières et de savoir se perdit par degrés dans les ténèbres de l'ignorance universelle. La religion, imposée plutôt qu'enseignée à un peuple misérable et à des conquérants barbares, fut entre ses mains un moyen de pouvoir encore plus que de civilisation; des soins temporels absorbèrent l'activité et l'énergie que, dans les premiers siècles du christianisme, l'Église avait employées à

faire prévaloir ou à défendre ses dogmes et ses préceptes. En même temps, les richesses s'accumulaient entre les mains du haut clergé, et substituaient des moyens plus matériels à l'autorité spirituelle qui avait été d'abord son unique force. En état désormais de lutter avec les puissances du siècle, il prit leurs mœurs, partagea leur ignorance. Les dignités ecclésiastiques, achetées à prix d'argent, ne furent plus guère qu'un moyen d'impunité pour la licence, et au septième ou huitième siècle la barbarie avait presentièrement envahi l'Église comme le monde.

que

Charlemagne essaya d'y ranimer les dernières étincelles de la civilisation mourante, de rendre au clergé l'influence morale qu'on n'imaginait pas alors pouvoir placer ailleurs. Il institua des écoles, les remplit d'étudiants auxquels les dignités ecclésiastiques étaient promises pour récompense de leur application et de leurs succès, écarta avec ironie des charges cléricales ceux qui cherchaient à s'y distinguer par des talents mondains, soigna particulièrement l'enseignement du chant d'église, l'ordre et la pompe des cérémonies, s'appliqua enfin, par tous les moyens qu'il put imaginer, à rendre à la religion sa dignité et son empire. Charlemagne mourut, et le fruit de ses travaux s'abîma dans le chaos qui suivit presque immédiatement sa mort. Ses écoles seules subsistèrent et entretinrent quelques foyers d'activité intellectuelle. Dans ces

« EelmineJätka »