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les avons crues nécessaires pour éviter le désordre et la confusion.

On peut d'abord diviser les sophismes en considé rant leur destination et leur but spécial, et ils viendront alors se ranger sous quatre classes principales.

1 Sophismes d'autorité, comprenant des personnalités laudatives. L'argument principal consiste à invoquer l'autorité sous ses différentes formes: le but est d'empêcher tout raisonnement.

2° Sophismes de péril, comprenant des personnalités offensantes. L'argument repose sur les périls de toute nature: le but est d'écarter toute discussion.

5° Sophismes dilatoires. L'argument consiste à soulever des questions oiseuses pour gagner du temps: le but est de faire remettre la discussion afin de l'éluder.

4. Sophismes de confusion. L'argument consiste dans des généralités vagues et indéfinies le but est de produire dans les esprits une telle confusion qu'on ne puisse avoir aucune idée nette sur le sujet en délibération.

Chacune de ces classes de sophismes peut encore se subdiviser, selon qu'ils s'adressent aux passions, au jugement et à l'imagination. Dans ces subdivisions, pour être plus clair et plus bref, nous emploierons, à l'exemple de Locke, des dénominations latines, et nous aurons tous les sophismes rangés sous les formules suivantes: sophismes 1° ad verecundiam ; 2° ad superstitionem; 5° ad amicitiam; 4o ad metum; 5o ad odium; 6° ad invidentiam; 7° ad quie

tem; 8° ad socordiam ; 9° ad superbiam ; 10° ad judicium; 11° ad imaginationem 1.

Pour mieux faire comprendre la pensée de Bentham, nous ajouterons qu'il entend en général par sophisme tout argument qui fait appel à un préjugé ou une passion. Ainsi ses dénominations latines pourraient se traduire ainsi : appel 1° à la fausse modestie, 2o à la superstition, 3° à l'amitié, 4° à la crainte, 5o à la haine, 6o à l'envie, 7° à l'ordre, 8° à la paresse, 9° à l'orgueil, 10° au jugement, 11° à l'imagination.

PREMIÈRE PARTIE.

SOPHISMES D'AUTORITÉ.

APPEL A L'AUTORITÉ SOUS SES DIFFÉRENTES FORMES, DANS LE BUT D'EMPÊCHER TOUT RAISONNEMENT.

Quand il s'agit d'une mesure qui a pour objet le plus grand bonheur du plus grand nombre, la tactique ordinaire des adversaires de cette mesure consiste à empêcher tout appel à la raison, en invoquant l'autorité sous toutes ses formes.

Mais pour avoir une intelligence exacte des déceptions que produit ce genre d'argument, il est nécessaire d'établir une distinction entre l'usage et l'abus, entre les cas où l'autorité est une base légi. time de décision, et ceux où elle ne l'est pas.

Ainsi, dans l'analyse que nous allons faire de l'autorité, une distinction principale se présente; c'est lorsqu'il s'agit d'une question d'opinion, ou quid faciendum, et lorsqu'il s'agit d'une question de fait, ou quid factum. Car s'il arrive que l'autorité d'un individu, sur une question de fait, mérite quelque considération, il peut n'en pas être de même lorsqu'il s'agit d'une question d'opinion.

CHAPITRE Ier.

ANALYSE DE L'AUTORITÉ.

Ce qu'on invoque habituellement comme autorité, c'est l'opinion de certains individus que l'on présente comme l'expression du vrai, indépendamment de toute preuve.

On comprend donc que l'influence légitime ou illégitime de cette autorité doit dépendre des différentes circonstances où se trouve la personne don't l'opinion est censée faire autorité.

Ces circonstances peuvent se résumer ainsi: 4° le degré d'intelligence relative ou absolue de la personne en question; 2o son degré de probité; 5o le degré de connexité qui se trouve entre le cas dont il s'agit et celui où l'opinion alléguée a été exprimée ; 4 la fidélité des intermédiaires qui la transmettent, fidélité qui doit comprendre l'exactitude dans les détails et dans l'ensemble.

Il y aura des motifs de suspicion légitime, si l'on rencontre les circonstances suivantes :

4. Défaut d'attention, c'est-à-dire négligence dans l'examen des circonstances déterminantes qui ont fait prévaloir cette opinion; 2o défaut de rapports entre l'opinion émise et la question dont on s'oc cupe; 3o défaut de rapports entre les temps et les Jieux; si, en raison du temps où l'opinion a été émise,

elle a perdu sa valeur, si, en raison des lieux, elle n'a pas de similitude.

La différence des lieux peut aussi avoir de l'importance, en ce qu'en raison de la distance, la personne invoquée comme autorité n'aurait que des informations incomplètes et des notions inexactes sur la question. Dans ce cas, le défaut de rapports entre les lieux aurait tous les caractères du défaut d'intelligence: il en est de même du défaut de rap ports entre les temps.

Quant au défaut de probité, il existe toutes les fois que la personne est soumise à l'influence des intérêts corrupteurs: sur ce chapitre nous entrerons plus tard dans de plus grands développements 1.

Le défaut le plus ordinaire sous le rapport de la probité, est le défaut de sincérité. L'improbité consiste alors dans la différence qui existe entre l'opinion énoncée et l'opinion conçue.

Mais ce n'est pas seulement la déclaration de F'opinion, c'est encore l'opinion elle-même qui est exposée à l'action de l'intérêt corrupteur; dans ce cas, l'intérêt agit de deux manières, ou bien en écartant de l'esprit les moyens de connaître et en cachant les faits à observer, ou bien en présentant ces faits de façon à ce que l'attention ne s'arrête que sur un côté de la question, et ne puisse s'attacher aux arguments qui ont quelque valeur.

4

Quant à l'inexactitude et au mérite des connais➡

Voyez Partie V, chap. III,

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