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rampent sur la terre sous la forme humaine, il n'en est pas un seul qui ne puisse ainsi imposer des conditions au dominateur suprême de l'univers.

Et à quoi est-il tenu? à conserver les observances les plus contradictoires, les plus absurdes que des législateurs, des tyrans ou des fous peuvent lui imposer sous la forme du serment.

Il faut convenir qu'il y a quelque chose de bien éventuel dans l'obligation qu'on prétend imposer au Tout-Puissant. Aussi long-temps que le serment est observé, il n'a rien à faire. Mais dès qu'il est enfreint, sa tâche commence; et cette tâche consiste à infliger à l'infracteur une punition qui n'est d'aucun effet pour l'exemple, puisque personne ne l'aperçoit.

La punition étant infligée, dit-on, par un juge tout puissant et infaillible, sera exactement proportionnée au délit.

Fort bien; mais où est le délit? Ce n'est pas l'acte destiné à être empêché par le serment. Car cet acte peut être indifférent et même méritoire; et s'il est criminel, il devrait être puni indépendamment du serment. Le seul délit est donc la profanation de la cérémonie ; et la profanation est la même, soit que l'acte ait un caractère de moralité ou d'immoralité.

En vain voudrait-on, dans certains cas particuliers, prouver la moralité du serment par la moralité de la loi que le serment doit perpétuer. Nos objections tombent sur le principe lui-même, sur l'idée d'employer un moyen si peu convenable.

On n'a aucune garantie qui empêche qu'il ne soit employé pour les mesures les plus nuisibles, comme pour les mesures les plus salutaires.

Passons maintenant à l'examen d'un cas particulier, dans lequel ce sophisme a servi à perpétuer des abus.

Parmi les statuts passés dans le premier parlement de Guillaume et Marie, il en est un intitulé acte pour instituer le serment du couronnement.

Voici les formalités de la cérémonie. L'archevêque ou l'évêque adresse au monarque certaines questions; et ce sont les réponses à ces questions qui constituent le serment.

Parmi ces questions, la troisième est ainsi conçue : << Promettez-vous de maintenir, de tout votre pouvoir, les lois de Dieu, la vraie profession de l'Evangile, et la religion protestante, réformée, « établie par la loi ? Et promettez-vous de conserver «< aux évêques et au clergé de ce royaume, et aux églises confiées à leur direction, tous les droits

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« et priviléges qui leur appartiennent ou leur appar« tiendront par la loi, à tous ou à chacun? >>

Réponse. «< Tout cela je le promets.

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Plus tard, en 1706, vient l'acte d'union qui contient l'article suivant : « Après la mort de sa ma

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jesté, le souverain qui lui succédera sur le trône << de la Grande-Bretagne, et après lui tous les autres, <«< devront à leur couronnement jurer de maintenir « et de conserver inviolablement ledit établissement « de l'Église, sa doctrine, son culte, sa discipline et

«< sa hiérarchie, telle qu'elle est constituée par la « loi dans les royaumes d'Angleterre et d'Irlande, « la principauté de Galles et tous les territoires qui << en dépendent. »

En conséquence de ce serment, beaucoup de savants politiques ont prétendu que le roi s'était interdit la faculté d'admettre la majorité des Irlandais aux mêmes droits que la minorité, comme aussi d'accepter aucune réforme contre les abus de l'église anglicane.

Et, en effet, le serment doit avoir ce sens ou n'en avoir aucun. Mais voyez les conséquences.

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Si, par cet article 3 du serment, il ne peut donner son assentiment à aucune loi ayant pour effet d'abolir ou de diminuer « les droits et les priviléges des évêques et du clergé », il lui est également interdit par l'article 1" du même serment de donner son assentiment à toute autre loi. Car, par cet article 1", il jure solennellement « de gouverner le peuple selon les lois existantes. » Par conséquent, s'il accepte une loi nouvelle, il ne gouverne plus selon les lois qu'il a consacrées par son serment. Ceci n'est pas une vaine dispute de mots, mais tend seulement à prouver l'inutilité du serment.

Car, d'après ce principe, Henri VIII, jurant à son couronnement de maintenir la religion catholique, n'a jamais pu faire un acte légitime en faveur de la réforme; et la religion catholique devrait être aujourd'hui la religion de l'État.

Aussi sera-t-on forcé de convenir que le serment

royal n'a jamais été observé que lorsqu'il y avait intérêt à l'observer ou danger à l'enfreindre. Ce n'est

donc pas le serment en lui-même qui est respecté, mais l'intérêt qu'il protége ou les intérêts menacés par sa violation.

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De tout ce qui précède il résulte nécessairement : lié le serment, 1° Que le monarque n'est par et qu'en lui obéissant il n'obéit qu'à un intérêt ou à une crainte qui existent indépendamment du serment;

2° Qu'il n'est pas au pouvoir du monarque d'enchaîner ses successeurs:

3° Que tout serment politique est de lui-même nul et de nul effet.

CHAPITRE IV.

IL N'Y A PAS d'antécédent. (Ad verecundiam.)

« La mesure qu' 'on vous propose est sans antécé« dents ; voici la première fois qu'une pareille question ait jamais fait son apparition dans la << chambre. »

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Tel est le sens, tels sont les termes généraux d'un sophisme assez commun pour que nous nous en occupions.

Une telle observation ne serait pas condamnable, si elle n'avait pour objet que d'appeler une attention sérieuse sur une question nouvelle : « Délibérez «<- avant d'agir; car vous n'avez aucun antécédent

« pour vous diriger. » Mais

» Mais, comme argument contre une mesure proposée, elle devient évidemment un sophisme.

Il est certain que cette observation n'a aucune va leur par elle-même, relativement à l'utilité ou au danger de la mesure proposée. S'il n'y a aucun bien à espérer de la mesure, n'est-ce pas un motif suffisant pour la rejeter? S'il y a quelque bien à en espérer, devra-t-on sacrifier ce bien à une si pauvre considération?

Si cette considération semble concluante dans le cas particulier dont il s'agit, elle aurait pu l'être également contre tout ce qui s'est fait jusqu'ici; car on a pu l'opposer à toutes les institutions qui nous régissent aujourd'hui.

On pourrait répondre que, si la mesure était bonne en elle-même, elle eût été proposée plus tôt. Mais n'y a-t-il pas plus d'un obstacle qui ait pu empêcher le législateur de s'en occuper avant ce temps?

1° Quand même elle s'accorderait avec l'intérêt du plus grand nombre, si elle renferme en elle quelque chose qui soit contre les intérêts, les préjugés ou les goûts du petit nombre des gouvernants, loin de s'étonner qu'elle n'ait pas été présentée plus tôt, il faudrait s'étonner qu'elle ait été présentée actuellement.

2° Si la mesure était telle qu'elle exigeât, pour être comprise, une certaine intelligence ou des con

« EelmineJätka »