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Et s'il s'est établi des privilèges, ils doivent être abolis à l'instant, quelle qu'en soit l'origine.

Voilà le principe le plus injuste, le plus tyrannique, le plus odieux. Abolis à l'instant! C'est le mot d'un despote, qui ne veut rien écouter, qui fait tout plier devant sa volonté, qui sacrifie tout à son caprice.

Il y a certains priviléges, certains droits qui ont été achetés à un prix très-élevé. Leur abolition soudaine jetterait dans le désespoir un grand nombre de familles; elle les dépouillerait de leur propriété ; elle produirait le même effet que si l'on admettait une multitude d'étrangers à partager leurs revenus, et cela à l'instant.

Il y a des charges judiciaires possédées en vertu d'un titre héréditaire. Les possesseurs en seront dépouillés, sans égard à leurs circonstances, à leur bien-être, ou même aux intérêts de l'État, et cela à l'instant.

Il y a des sociétés de commerce auxquelles la loi a accordé un monopole. Ce monopole est aboli, sans égard à la ruine des associés, aux capitaux qu'ils ont avancés, aux engagements qu'ils ont souscrits, et cela à l'instant.

Le grand mérite d'une bonne administration, c'est qu'elle procède lentement dans la réforme des abus, c'est qu'elle ne sacrifie pas les intérêts existants, c'est qu'elle ménage les individus en jouissance, c'est qu'elle prépare graduellement les bonnes institutions, c'est qu'elle évite tout changement vio

lent dans les conditions, les établissements et les

fortunes.

A l'instant est un terme qui convient aux latitudes d'Alger et de Constantinopole. Graduellement est l'expression de la justice et de la prudence.

« Si les hommes ne sont pas égaux en moyens, c'est-à-dire en richesses, en esprit, en force etc., il ne suit pas qu'ils ne soient pas tous égaux en droits. »

Certainement la femme n'est pas égale en droit à son mari, ni le fils mineur à son père, ni l'apprenti à son maître, ni le soldat à son officier, ni le prisonnier à son geolier, à moins que le devoir d'obéir ne soit exactement équivalent au droit de commander. La différence des droits est précisément ce qui constitue la subordination sociale. Etablissez des droits égaux pour tous, il n'y aura plus ni obéissance, ni société.

Celui qui possède une propriété possède des droits, exerce des droits que le non propriétaire ne possède ni n'exerce.

Si tous les hommes sont égaux en droits, il n'existera plus de droits, car si tous ont le même droit à une chose, il n'y a plus de droit pour per

sonne.

« Tout citoyen qui est dans l'impuissance de pourvoir à ses besoins, a droit aux secours de ses concitoyens. »

Avoir droit aux secours de ses concitoyens, c'est avoir droit à leur secours dans leur capacité individuelle ou dans leur capacité collective.

Donner à chaque pauvre un droit aux secours de chaque individu moins pauvre que lui, c'est renverser toute idée de propriété; car, dès que je suis incapable de pourvoir à ma subsistance, j'ai droit d'être nourri par vous; j'ai un droit sur ce que vous possédez; c'est ma propriété aussi bien que la vôtre, la portion qui m'est nécessaire n'est plus à vous, elle est à moi, vous me volez si vous la retenez.

Il est vrai qu'il y a des difficultés dans l'exécution. Je suis pauvre auquel de mes concitoyens dois-je m'adresser pour me faire donner ce dont j'ai besoin. Est-ce à Pierre, est-ce à Paul? Si vous vous bornez à déclarer un droit général, sans spécifier comment il peut s'exercer, vous ne faites rien. Je puis mourir de faim, avant de découvrir qui doit me pourvoir de nourriture.

Ce que l'auteur voulait dire, vaut mieux que ce qu'il a dit. Son intention était de déclarer que les pauvres auraient droit aux secours de la communauté. Mais alors il fallait déterminer comment ces secours seraient recueillis et distribués; il fallait organiser l'administration qui devait assister les pauvres, créer les officiers qui devaient constater leurs besoins, et régler la manière dont les pauvres devaient procéder pour faire usage de leurs droits.

Le soulagement de l'indigence est une des plus nobles branches de la civilisation. Dans l'état de nature, autant qu'on peut s'en faire une idée, ceux qui ne peuvent pas se procurer des aliments meurent de faim. Il faut qu'il existe un superflu

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dans une classe nombreuse de la société, avant qu'il soit possible d'en appliquer une partie à la nourriture des pauvres. Mais il est possible aussi de supposer un tel état de misère, une telle famine, qu'on ne puisse plus fournir du pain à tous ceux qui en manquent. Comment donc peut-on convertir ce devoir de bienveillance en un droit absolu? Ce serait donner à la classe indigente les idées les plus fausses et les plus dangereuses; ce serait nonseulement ôter aux pauvres tout sentiment de reconnaissance envers leurs bienfaiteurs, mais encore leur mettre les armes à la main contre tous les propriétaires.

Je n'ignore pas que l'auteur se défendrait contre toutes les conséquences qui découlent si manifestement de ses principes, en invoquant cette clause qu'il a insérée, « qu'on n'a jamais le droit de nuire à autrui, » et que la loi peut mettre des bornes à l'exercice de toutes les branches de la liberté. Mais cette clause réduit à rien tous ses droits; car si la loi peut y mettre des bornes, jusqu'à ce qu'on connaisse la loi, quelle connaissance puis-je avoir de mes droits? quel usage puis-je en faire? Rien ne saurait être plus fallacieux qu'une Déclaration qui me donne d'une main ce qu'elle autorise la loi à me reprendre de l'autre. Ainsi mutilée, cette Déclaration pourrait être reçue au Maroc ou dans Alger, sans faire ni bien ni mal.

FIN.

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Lettre à M. GARNIER-PAGÈS, sur l'esprit de nos assemblées déli-
bérantes

INTRODUCTION.

I. Du sophisme.-Quelques mots sur les auteurs qui en ont parlé.
II. Distinctions à faire entre l'erreur et le sophisme. .

III. Sujet du présent ouvrage : sophismes politiques et parlemen-

taires.

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IV. Division ou classification des sophismes.

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PREMIÈRE PARTIE.

SOPHISMES D'AUTORITÉ.

CHAP. Ier. Analyse de l'autorité.

CHAP. II. La sagesse de nos ancêtres ou argument dans le mode

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CHAP. IV. Il n'y a pas d'antécédent..
CHAP. V. Sophisme de l'autorité individuelle.
CHAP. VI. Personnalités laudatives.

DEUXIÈME PARTIE.

SOPHISME DU PÉRIL.

CHAP. Ier. Personnalités injurieuses.

CHAP. II. Argument fantasmagorique ou pas d'innovation.

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...

CHAP. III. Sophisme de défiance. Cette mesure cache un piège.. 109
CHAP. IV. Bouclier des prévaricateurs officiels. Nous attaquer

c'est attaquer le gouvernement.

TROISIÈME PARTIE.

111

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CHAP. V. Sophisme des diversions artificieuses.

QUATRIÈME PARTIE.

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SOPHISMES DE CONFUSION.

CHAP. I. Sophisme des pétitions de principes.
CHAP. II. Sophisme des termes imposteurs. .
CHAP. III. Sophisme des vagues généralités.

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