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aubert

HISTOIRE

DES SEQUANOIS

ET DE

LA PROVINCE SEQUANOISE.

ANs le tems que les Gaules commencérent à être peuplées, les Séquanois y occupérent le Païs qui eft entre le Rhein, les Montagnes de Vauge, la Sône, le Rhône, & le Mont Jura. La nature fembloit leur avoir formé ces limites, qui font comme un rempart dont ils étoient environnés, & dans l'enceinte duquel ils trouvoient tout ce qui eft néceffaire à la vie. Ce Païs eft en effet trés fertile, & d'une grande Ager Sequmnus étenduë; car il contient les contrées que nous apellons totius Gallie opla Haute Alface, le Canton de Bafle, la Franche- Gallico. lib. 1. Comté, le Bugey & la Breffe. C'est ce qui rendoit les cap. 2. Séquanois fi puiffans, qu'ils tenoient le premier rang dans ce fait fera les Gaules, lorfque Jules Céfar en prit le commandement. prouvé par la Il les priva de cet avantage, parce qu'ils avoient toujours premiere Differta

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timus. Caf.de bell.

été opofés à la République de Rome. Cependant ils ont encore fait dèflors une fi belle figure dans l'Empire Romain, qu'ils méritent bien qu'on raffemble,& qu'on mette au jour les faits hiftoriques qui les concernent.

Nous aprenons de Cluvier, l'un des plus doctes & des plus judicieux Géographes modernes, que les Peuples de I'Illirie, de la Germanie, des Gaules, de l'Espagne, & de la Grande Bretagne, ont eu le même langage, quoique leurs dialectes fuffent différens; qu'ils étoient defcendus d'Askenez arriére-petit-fils de Noé; qu'ils ont tous porté le nom de Celtes; que c'étoit celui d'Askenez mênie,dans la langue nouvelle que fa famille commença à parler devant Babilone; & que cette langue fubfifte encore dans la Germanie, dans laquelle elle n'a pas été alterée par mélange des Etrangers. Il explique par la langue Allemande, plufieurs antiquités Celtiques: il dit, par exemple, que ceux des Celtes, qui fe font établis dans les Gaules, après avoir erré long-tems dans la Germanie, s'apelloient Gallen, d'un terme Allemand qui fignifie voyageur, & que c'eft de là que les Latins les ont nommés Galli, & ont donné le nom de Gallia au Pais qu'ils occupoient,entre le *German. anti- Rhein, l'Ocean, la Méditerranée, & les Alpes.* quit.cap.4.& feq.

le

Parmi les Gaulois, il y en avoit qui portoient encore le nom de Celtes, au tems de Jules Céfar. C'eft aparemment, parce qu'ils étoient les aînés & les chefs de la Nation Celtique dans les Gaules. Ils en tenoient auffi la plus grande & la meilleure partie. Les Séquanois étoient de ce nombre ; & comme les Gaulois, à les fupofer defcendus d'Askenez, étoient venus des bords du Pont-Euxin, & avoient probablement fuivi les rives du Danube, qui leur fourniffoient la chaffe, la pêche, & des pâturages; l'on en peut conclure avec affez de vraisemblance, que les Séquanois font les premiers des Celtes qui fe foient établis dans les Gaules; parce que leur Païs eft le plus proche de la fource du Danube, & qu'étant beau & fertile, les Celtes qui y font entrés en paffant le Rhein, ont dû être engagés à s'y arrêter.

Ce feroit donner dans la fable, que de croire ce que difent quelques Croniques & Godefroy de Viterbe, que les Séquanois ont été ainfi apellés, de Seguinus l'un de leurs Rois; que Brennus époufa fa fille, & qu'il lui fuccéda. Le mot de Brennus, paroît avoir été un titre de dignité ou de commandement parmi les Gaulois, puifque leurs plus fameux Capitaines l'ont porté. Aucun Hiftorien ancien n'a parlé du Roi Seguinus, & les Séquanois n'étoient pas gouvernés par des Rois, car leur Etat étoit ariftocratique. Je ne croi pas même, qu'on les ait apellés originairement Séquanois. Ce nom me paroît accommodé à la langue latine, & changé en quelque chofe, pour diftinguer le Peuple auquel les Romains l'ont donné, des Sénonois qu'ils connoiffoient avant eux. Il me femble donc, que leur véritable nom étoit celui de Seines ou Seknes, dont les Latins ont fait Secani & Sequani. La riviere de Seine, qui a confervé fa dénomination Celtique, étoit nommée par les Latins, Secana & Sequana ; & nous apellons encore Sequani, les Habitans des lieux qui fe nomment Seine en François.

S'il eft vrai, comme je l'ai dit, que les Seines, apellés Séquanois par les Romains, étoient les premiers Celtes qui font entrés dans les Gaules; il eft bien probable qu'ils ont donné leur nom à la riviere de Seine, dont la fource eft proche de leur Païs, & fur les bords de laquelle ils ont établi des Colonies. Ils les ont même pouffées jufSequana, per qu'à Sens. L'analogie de ce nom avec celui de Seines, Sequanos fibi cofemble le prouver; & les Sénonois, que Denis d'Halicar- gnomines, fluit in naffe nomme Cani & Xiphilin Cenna, ont donné le nom lib. 4. de Sena à leur Capitale au-delà des Alpes.

L'on ne peut pas déterminer précisément, le tems auquel les Celtes s'établirent dans les Gaules; mais il est probable qu'elles ont été habitées auffitôt que l'Italie, puifqu'encore qu'elles euffent envoyé des Colonies en Efpagne & dans la Grande Bretagne, elles ne pouvoient cependant plus contenir le peuple qui y étoit, dans le fecond fiécle après la fondation de Rome.

Oceanum. Strab.

Les Gaulois prirent alors le deffein de faire passer une partie de ce peuple, en Italie & en Allemagne. On affembla ceux qui devoient être de la tranfmigration, fous le commandement de deux Chefs, qui tirérent au fort les régions qu'ils devoient occuper. L'Italie échut à Bellovêse; il y entra, & s'établit entre les Alpes, l'Apennin,& l'Adige. Ségovêfe eut la Germanie en partage; il paffa le Rhein, & fe fixa au-delà de ce fleuve, fur les rives du Danube dans la Forêt Hercinienne.

Environ deux cens ans après, une Armée de Gaulois Sénonois commandée par Brennus, entra en Italie & s'empara de Rome. Golut, qui a écrit une Hiftoire de la Franche-Comté, fait honneur aux Séquanois, de ce que les Sénonois ont fait au-delà des Alpes. Mais ces deux Nations étoient déja féparées, & elles font trop bien diftinguées par les Auteurs, fous les noms de Senones & de Sequani, pour qu'on puiffe attribuer à ces derniers, ce qui a été dit nommément des autres.

Il eft cependant vrai-femblable, que les Habitans d'un Païs auffi vaste & auffi peuplé que celui des Séquanois eurent part aux tranfmigrations qui fe firent fous Bellovêfe & Ségovêfe, & qu'ils fe partagérent fous ces deux Chefs; car s'ils touchoient à la Germanie, ils n'étoient féparés de l'Italie que par les Païs des Allobroges & des Helvétiens, & la plupart des Gaulois qui y pafférent en differens tems, en étoient plus éloignés qu'eux.

Cluvier eftime, que Ségovêfe conduifit des Séquanois dans la Germanie; & Tite-Live dit, que les Gaulois qui étoient commandés par Bellovêfe, ayant battu les Toscans dans une contrée qu'ils aprirent s'apeller l'Infubrie, du même nom que portoit un certain Peuple chez les Eduois; ceux-ci en prirent un augure pour s'y arrêter, & qu'ils y fondérent la Ville de Milan; où, fous le nom d'Infubriens, ils ont été le Peuple le plus puiffant & le plus illuftre de la Gaule Cifalpine.

Or les Infubres habitoient ils étoient féparés du Païs

entre la Sône & le Dain: d'Autun par la riviere de

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