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fouffroient avec peine leur domination, entrérent dans le Clergé. C'est pourquoi l'on voit dèflors, plufieurs Evêques de haute naiffance & de Familles Romaines.

Avitus petit-fils d'un Empereur & Evêque de Vienne, étoit ami de Claude Evêque de Befançon. Il le traitoit avec diftinction, comme on le voit par fa Lettre 56°. qui eft la réponse à un compliment de bonnes fêtes, & un exemple de la politeffe des perfonnes de qualité originaires des Gaules, dans le premier fiécle après la décadence de l'Empire.

Claude étoit mort en 549, puifque Urbicus tenoit le Siége de Befançon en cette année, & figna fous cette qualité au cinquiéme Concile d'Orléans. Les Sçavants font partagés fur la question de fçavoir, fi c'est le même qui a été Abbé de Condat & dont cette illuftre Abbaïe porte aujourd'hui le nom.

Les Bolandiftes tiennent l'affirmative, fondés fur deux raifons. La premiére, que nos Catalogues ne nomment qu'un Claude Evêque, & la feconde, que la vie de celui qui a été Abbe de Condat, porte qu'il fut élevé à cette dignité du confentement de S. Jean Pape, & que ce ne peut être que Jean Premier qui a rempli la Chaire de S. Pierre depuis l'an 523 jufqu'en 526, & que l'Eglife honore comme Martyr.

Nos Chifflet & le Pere Mabillon, font d'un fentiment contraire. Ils croient qu'il y a eu deux Claude Evêques de Befançon, l'un au commencement du fixiéme fiécle, & l'autre à la fin du feptiéme. J'embraffe leur avis, parce qu'il me paroît le plus folide.

Si nos Catalogues ne nomment qu'un Claude, ils le placent unanimement au feptiéme fiécle; d'où je conclus qu'ils n'ont pas connu celui qui a figné au Concile d'Epaone, ou qu'ils l'ont confondu avec celui qu'ils ont

nommé.

La Vie de S. Claude fur laquelle fe fondent les Bolandiftes, n'a été écrite qu'après que le Corps de ce faint Abbé a été découvert, par conféquent dans le douzié

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me fiécle, & peut-être encore plus tard. L'Auteur de cette Vie n'étoit ni fçavant ni bien informé, comme on le voit entre autres faits qu'il allégue, quand il fupofe qu'il y avoit à Condat au tems de S. Claude, des Prieurs Clauftraux, dont l'institution est d'un tems bien poftérieur; & fur ce qu'il dit que S. Claude étoit de la famille des Seigneurs de Salins, car les noms de Terres & de Familles n'ont été propres que long-tems après le feptiéme fiécle, & la Terre de Salins apartenoit alors à l'Abbaïe d'Agaune, qui la donna en Fief feulement en 898 au Comte Alberic, tige de l'illuftre Maifon de Salins.

Si l'on doit croire cet Auteur, c'eft particulierement fur ce qu'il dit qu'il a vû. Or il prend Dieu à témoin qu'il a lû de fes propres yeux la Charte d'une donation faite par le Roi Clovis au Saint dont il écrit la Vie, qui étoit, dit-il, allé à Paris, pour demander à ce Prince de rétablir les bienfaits que fes prédéceffeurs avoient accordés au Monastere de Condat, & dont le payement avoit été interrompu. Je n'entre pas ici dans la question de fçavoir fi cette Charte, qu'on ne retrouve pas, a exifté, ou fi elle n'est pas plûtôt de Clotaire III. ou de quelque autre Roi poftérieur, que de Clovis même. Mais à s'en tenir aux termes de l'Auteur, la Charte qu'il dit avoir vûë ne peut être que de Clovis II. ou de Clovis III. qui vivoient au feptiéme fiécle.

Quant à ce qu'il ajoute, que S. Jean Pape qui connoiffoit S. Claude, le fit Abbé de Condat; outre que ce fait eft peu vrai-femblable, car les Papes ne faifoient pas alors des Abbés, il peut être entendu de Jean IV. qui tenoit le faint Siége au feptiéme fiècle. Il eft vrai qu'il n'a pas été mis au Catalogue des Saints, mais l'épitéte de Saint fe donnoit indiftinctement aux Souverains Pontifes, & ne défignoit pas individuellement ceux qui avoient été reconnus tels par l'Eglife.

Rien n'empêche donc qu'on fupofe qu'il y a eu à Befançon deux Evêques qui ont porté le nom de Claude. L'existence de celui qui a figné au Concile d'Epaone en

517 n'eft pas révoquée en doute. Nous en devons avoir un poftérieur, puifque nos Catalogues le placent au feptiéme fiècle fur la fin, & qu'ils font d'accord en cela avec la tradition & les Catalogues des Abbés de Condat, anciens & dignes de foi, qui nomment S. Claude le douziéme parmi ces Abbés.

En effet S. Ouyan qui étoit le quatrième, mourut en 510. Il eut pour fucceffeur S. Antidiole, auquel fuccéda S. Olimpe, à celui-ci S. Sapient, à S. Sapient S. Thalaife, à S. Thalaife S. Dagamond, à S. Dagamond S. Auderic, à S. Auderic S. Injurieux, dont S. Claude fut le fucceffeur, comme il eft dit auffi dans fa Vie. Or il n'eft pas poffible que S. Ouyan n'étant mort que 7 ans avant le Concile d'Epaone en 510, & y ayant eu fept Abbés entre S. Claude & lui,S. Claude Abbé de Condat foit le même qui a figné au Concile d'Epaone en 517. Puifqu'on voit d'ailleurs à ce Concile la foufcription de Viventiole Evêque de Lyon,qui avoit été Religieux fous S. Ouyan, & que S. Avit Evêque de Vienne avoit jugé digne de lui fuccéder dans fon Abbaïe. *

D'autre coté, il n'y a eu entre S. Claude & S. Hyppolite que deux Abbés, Ruftic & Aufrede. Or S. Hyppolite Abbé de Condat & Evêque de Bellai, a reçû des dons de Pepin le Bref pour fon Abbaïe, & a figné à la premiere affemblée d'Attigny tenuë en 767; d'où il fuit encore que S. Claude Abbé de Condat a dû vivre jusques à la fin du 7. fiécle.

Addition. J'ai trouvé pendant qu'on imprimoit cet Ouvrage, dans les Antiphoniers de l'Eglife Métropolitaine & de la Collégiale de Sainte Marie Magdeleine, notés par des accents & des virgules, ce qui marque leur grande ancienneté; que l'Antienne du Magnificat des premieres Vêpres de S. Ferreol & de S. Ferjeux, eft conçûë en ces termes : Annuam feftivitatem, facratiffimæ Paffionis, fanctorum Ferreoli HIERARCHAE Domini, atque Levite Ferrucii ; in quâ pro Chrif

Epift. 17.

to tormenta horrifica fpernentes, felices cœlum petierunt. Cette Antienne eft la même dans tous les anciens Breviaires; & le fçavant Lectus Vicaire Général du Cardinal de la Baume Archevêque de Befançon, qui par les ordres de ce Prélat a corrigé le Breviaire du Diocèse, y a laiffé les termes, Hierarcha Dominus, dont il a connu la force. Mais foit que les Révifeurs de ce Breviaire fous Mrs. les Archevêques d'Achey & de Grammont, l'aient ignoré, ou qu'ils aient été d'un autre fentiment que Lectus fur la qualité de S. Ferreol, ils ont mis dans les Breviaires nouveaux, Sacerdotis en place de Hierarcha Domini.

Cependant il me femble que nos Anciens avoient donné à S. Ferreol le titre de Hierarcha Dominus, pour marquer qu'il étoit Evêque; parce que le terme Hierarchia dérivé du grec, fignifie Sacrorum Principatam, & celui de Hierarcha, Sacrorum Præfectum, que l'on peut apeller Prince des Prêtres. Je conclus de là, que l'ancienne tradition de notre Eglife, étoit pour l'Epifcopat de S. Ferreol.

ETAT ANCIEN DE L'EGLISE de Befançon.

ANS les premiers fiécles de l'Eglife, les Clercs

Détoient attachés par une fuite de leur Ordination,

à la perfonne de leur Evêque, qui faifoit prefque feul les fonctions du Sacerdoce, & fa Meffe étoit l'unique qu'on célébrât dans la Ville Epifcopale.Tout le Clergé y affiftoit, & rien n'étoit plus augufte que les cérémonies de la Religion Chrétienne, ni en même tems de plus édifiant; parce que les Prélats & leurs Clercs avoient embraffé leur état par vocation, fans aucune vûë d'ambition ni d'interêt, & qu'ils n'y recherchoient que la gloire de Dieu & le falut des ames.

Lorfque le nombre de Chrétiens augmenta de telle forte que l'Evêque ne pût pas en prendre foin immédia

tement, il établit des Paroiffes à la Ville & à la Campagne, & y prépofa des Prêtres, ce qui n'empêchoit pas qu'il n'adminiftrât feul à la Ville les Sacrements de Batême & de Pénitence. Il alloit à certains jours à la tête de fon Clergé faire les Offices dans les Eglifes des Paroiffes, & dans les Chapelles où il y avoit des Reliques, même dans celles qui étoient à la Campagne; c'est ce qu'on appelloit faire des Stations, & c'est l'origine des Proceffions.

Il avoit la fuprême administration du bien de fon Eglife, & quoiqu'il fe déchargeât de la plus grande partie de ce foin fur les Diacres, il y veilloit néanmoins toujours, & il en difpofoit feul. Mais quelque autorité que cette adminiftration lui donnât, il n'en ufoit que pour faire une fage distribution de ce bien, pour les réparations & augmentations des Eglifes, l'entretien du Clergé & le foulagement des pauvres. L'on voit par l'ancien Rituel & par les Manufcrits de notre Eglife, que c'est ainsi qu'elle étoit gouvernée.

Il y avoit à Besançon deux Cathédrales, S. Jean & S. Etienne, dans lesquelles l'Evêque célébroit ordinairement l'Office Divin. Ces deux Eglifes ont long-tems difputé de la primauté, & leur différend diverfement jugé pendant 130 ans par des Conciles & par des Papes n'a pû être terminé que par l'union des deux Eglifes faite en 1253.

L'on voit par l'ancien Rituel, que les Chanoines de ces deux Cathédrales vivoient en Communauté, & quelques-unes des Légendes de nos premiers Evêques fupofent que la vie commune y avoit été introduite, même avant le quatriéme fiéclé & dans le tems des perfécutions. Mais ce tems n'étoit pas propre à établir des Communautés.

Les Fidéles des premiers fiécles ne vivoient pas en commun, quoique plufieurs euffent renoncé à leurs biens & fubfiftaffent des diftributions que les Evêques leurs faifoient. C'est de cette défapropriation que doit être en

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