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nourrir les enfans qui naissaient, on les exposait impunément en les laissant dans les rues, dans les bois, ou en quelque autre lieu que l'on trouvait à propos. Ils dérissaient souvent de faim ou de froid, ou ils étaient déchirés par les bêtes sauvages. On pouvait encore les tuer soi-même, si on le voulait. La meilleure fortune qui pût arriver à ces victimes innocentes était d'être enlevées par quelque proxenètes ou par quelque marchand d'esclaves, qui ne les élevaient que pour les vendre ou pour les prostituer. Aujourd'hui même, cette coutume barbare est encore pratiquée à la Chine, dans cet empire qu'on nous représente comme si bien policé.

Les Romains regardaient chaque famille comme une petite république, et les pères de famille comme le magistrat particulier de cette petite république: Majores nostri domum nostram pusillam esse rempublicam judicaverunt... quia utile est juventuti regi, imponimus et quasi domesticos magistratus. (Senec., ep. 47.) Les Romains avaient raison, sans doute; mais ils usaient de leur autorité en tyrans, et usurpaient celle du magistrat suprême. Ils comptaient parmi leurs droits celui d'òter la vie à leurs esclaves et à leurs propres enfans. Au mépris de la raison, un père pouvait exposer

ou

tuer même ses enfans qui ne faisaient que de naître; il pouvait les faire mourir ou les vendre comme esclaves; et le seul adoucissement de cette loi barbare était qu'un fils trois fois vendu par son père, était soustrait à la puissance paternelle :

PATREI. CREDO. FILIUM. QUI. EX. SE. ET. MATREFAMILIAS. NATUS. EST. VITA. NECISQUE. POTESTAS. ESTOD.

(L. 12, tab.)

Privés du droit de vie et de mort sur leurs enfans, les Romains l'avaient conservé sur leurs esclaves. Juste-Lipse (cent. 1, ad Belgas, ep. 85) a cru, contre l'opinion commune, que ce n'était pas du temps des jurisconsultes dont on trouve les fragmens dans les Pandectes, que l'usage d'exposer et de tuer impunément les enfans avait eté aboli, mais seulement par une constitution des empereurs Valentinien, Valère et Gratien; et ce sentiment a été solidement établi par Noodt, dans son ouvrage De partûs expositione et nece apud veteres, liber singu

laris, imprimé à Leyde, chez Vander-Lynden. Pourrait-on n'ètre pas indigné de l'usage que les Romains faisaient de ce droit de vie et de mort sur leurs esclaves! Vedius Pollio, chevalier romain, avait rassemblé à sa maison de campagne, dans des lacs dérivés exprès de la mer, une quantité prodigieuse de murènes (espèce particulière de poissons qui faisaient les délices des Romains), qu'il ne nourrissait guère que de chair humaine pour les engraisser et pour leur donner un goût plus exquis. A la moindre faute que ses esclaves commettaient, ce maître féroce les condamnait à être jetés dans ses viviers. On raconte qu'un jour, dans un festin que cet homme cruel donnait à sa campagne à Auguste, un de ses esclaves qui servait au buffet, cassa un verre de crystal; c'était alors un meuble rare et précieux. L'esclave qui se crut perdu se jeta aussitôt aux pieds d'Auguste, pour obtenir grace par son entremise l'empereur intercéda pour lui; mais le malheureux fut condamné sans miséricorde. Il touchait au moment de devenir la proie des murènes, lorsque l'empereur prononça un arrêt d'affranchissement en faveur de l'esclave. Ce fut l'empereur Adrien qui ôta aux maitres le droit de vie et de mort, dont on avait précédemment dépouillé les pères.

A la honte de l'humanité, et de la nation. romaine en particulier, des victimes humaines étaient immolées à Rome, et ces sacrifices abominables y furent en usage par autorité jusqu'à ce qu'un sénatus-consulte les défendit, l'an de Rome 655, 97 ans avant Jésus-Christ, sous les consuls Cn. Cornélius-Lentulus, et P. Licinius-Crassus. Cette défense même ne suffit pas pour les abolir: Dion (livre 43) nous apprend que César en renouvela l'exemple; et Pline (XXXIII, 1.) rapporte que le siècle où fois de ces horreurs. Ces mêmes Romains il vivait avait encore été témoin plus d'une se faisaient un jeu cruel de voir les comdes hommes s'entr'égorger et être déchirés bats des gladiateurs, c'est-à-dire, de voir par des bêtes.

Parmi nos anciens Gaulois, les maris et les pères avaient aussi droit de vie et de mort sur leurs femmes et sur leurs enfans. (Histoire générale du Languedoc, par Devic et Vaissette, bénédictins de la con

grégation de Saint-Maur; Hist. litt. de France, par des bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, 1733.) Ce ne fut qu'à mesure que la nation se poliça, que cette coutume barbare fit place à des usages plus conformes à la raison et à la religion. Croira-t-on que des hommes accoutumés à se jouer de la nature humaine dans la personne de leurs femmes, de leurs enfans et de leurs esclaves, aient bien pu connaître ce que nous appelons humanité? D'où pourrait venir cette férocité que nous trouvons dans les habitans de nos colonies, que de cet usage continuel des châtimens sur une malheureuse partie du genre humain? La loi naturelle agit-elle bien puissamment sur le cœur des hommes qui sont cruels dans l'état civil?

On rapporte, dit Porphyre, que les Massagètes et les Derbiens regardent comme très-malheureux ceux de leurs parens qui meurent d'une mort naturelle; et, pour prévenir ce malheur, lorsque leur parens ou leurs meilleurs amis deviennent vieux, ils les tuent et les mangent. Les Tybaréniens précipitent ceux qui sont près d'entrer

dans la vieillesse. Les Hircaniens et les Caspiens les exposent aux oiseaux et aux chiens; les Hircaniens n'attendent pas même qu'ils soient morts; mais les Caspiens leur laissent rendre le dernier soupir. Les Scythes les enterrent vivans, et ils égorgent sur le bûcher ceux que les morts out aimé davantage. Les Bachiens jettent aux chiens les vieillards vivans. Strasanor, qu'Alexandre avait nommé gouverneur de cette province, fut sur le point de perdre son gouvernement, parce qu'il voulut abolir cette coutume. (Porphyre, Traité de l'abstinence de la chair des animaux, liv. 4.)

Les Perses épousaient leurs mères et leurs filles. (Eusèbe, Præparat. Evang. lib. 1, p. 8 et 9.) Les Egyptiens épousaient leurs sœurs et même leurs mères. Parmi les

Parthes, leurs princes de la race des Arsacidés ne comptaient pas avoir un droit légitime au trône, s'ils n'étaient nés de l'inceste d'une mère avec son fils.

Les Scythes mangeaient de la chair humaine; les Américains en vendaient et en étalaient. (Atlas historique, tome 6; Dissertation sur le Congo.) Les Brésiliens ne se

nourrissaient pas de toute chair humaine
indifféremment; ils méprisaient la bruta-
lité des autres anthropophages; ils s'abs-
tenaient de manger leurs ennemis, et don-
naient la préférence à leurs amis ou au
les pré-
moins à leurs compatriotes, pour
server de la corruption et des vers. (Dial.
d'Orat. tuber. dans le banquet.) En Tauride,
c'était une action pleine de piété envers les
dieux, que de sacrifier les étrangers à
Diane. (Sextus Empyricus Pyrroniar. hypo-
typ., lib. 1., cap. 14.)

Les Gétuliens et les Bachiens permettaient à leurs femmes, par urbanité pour les étrangers, d'avoir commerce avec eux. Les femmes des anciens Bretons étaient communes à dix ou douze familles. (Euseb. Præparat. Evang., lib. 6, cap. 8.)

Les Thraces n'imaginaient aucun bonheur dans la condition humaine, de sorte que, à la naissance de leurs enfans, ils assemblaient leurs parens et leurs amis pour faire des gémissemens en commun sur les misères où le nouveau-né allait être ex

posé dans le monde; au lieu qu'à la mort de leurs proches, ils faisaient une autre assemblée pour donner unanimement des marques de réjouissance, en voyant ceux à qui ils prenaient intérêt, délivrés des misères de la vie. Les femmes indiennes se jettent dans le même bûcher qui consume leurs maris. (Hérodote; Strabon.)

Il est ordinaire parmi les Mingréliens qui font profession de christianisme, que les pères ensevelissent leurs enfans tout vifs. Les Caraïbes les mutilent, les engraissent et les mangent. Garcilasso de la Vega rapporte que certains peuples du Pérou, font des concubines de leurs prisonnières, nourrissent délicieusement les enfans qu'ils en ont, et s'en repaissent ainsi que de la mère lorsqu'elle devient stérile.

A la Chine, un fils renonce à tout pour plaire à son père et pour le servir dans sa vieillesse. Ailleurs, les enfans croient faire une action de piété d'égorger leurs pères trop âgés. Les Iroquois, ces sauvages du Canada, ont cru suivre le mouvement de la piété des enfans envers leurs pères, en tuant les leurs, pour les délivrer des incommodités de la vieillesse, et les pères mêmes, parmi ces barbares, ont demandé

la mort à leurs enfans, comme une marque de tendresse et d'obéissance filiale. Ils servent d'aliment au reste de la famille, qui ne croit pas pouvoir leur donner une sépulture plus honorable.

Dans le royaume de Calicut, toutes les nouvelles mariées, et la reine même, doivent être déflorées par les prêtres, avant que leurs maris puissent habiter avec elles. Dans la Mingrélie, l'adultère des femmes est permis, moyennant un cochon que le galant pris sur le fait est obligé de donner au mari, et dont encore il mange sa part.

Les femmes ont rempli dans plusieurs pays les emplois dont les fonctions sont ailleurs réservées aux hommes. Les anciens

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Égyptiens travaillaient la laine dans leurs maisons, pendant que leurs femmes faisaient les affaires du dehors (Herod., Euterp., Sophocl. in Edip. Colon., act. I). Les Gétules, peuples de l'ancienne Médie, étaient dans le même usage (Euseb. Præparat. Evan., lib. 6, cap. 6). Les anciens Bretons étaient ordinairement commandés à la guerre par des femmes. (Strab., Diod. Sicul. et Cœlius Rhodiginus, lib. 18, cap. 22.) En Espagne et dans l'ile de Corse, les accouchées allaient inviter les amis de la maison et les voisins au festin qu'elles préparaient elles-mêmes ; et les maris gardaient le lit pour recevoir les complimens et les visites (Lafitau, Meeurs des Sauvages). Cette même coutume était observée dans l'Amérique. Les Caraïbes, peuples voisins de la Martinique, sont encore aujourd'hui dans cet usage. Chez les Lyciens, les femmes commandaient aux hommes, les enfans portaient le nom de la mère, et les garçons étaient exclus de la succesion par les filles. (Herod. Melpom.)

Des nations entières ont des coutumes directement contraires au droit naturel, et quelques unes n'ont presque aucun de la raison. Nous ne connaissons usage pas d'ailleurs les mœurs de tous les peuples de la terre; il y en a un grand nombre dont nous ignorons jusqu'aux noms; et, parmi les peuples civilisés, il y a plus d'hommes injustes que d'hommes vertueux,

plus d'ignorans que d'habiles, plus de fous que de sages.

Un principe fondé sur l'usage serait tout à fait incertain; il varierait, et l'usage n'a pas, à beaucoup près, l'universalité que doit avoir une règle. La coutume ne saurait produire aucun droit proprement dit, aucune obligation proprement nommée, en choses même originairement arbitraires, qu'autant que la raison vient à son secours, pour lui donmaximes à chaque cas qui se présente. ner force de loi, et pour appliquer ses

La coutume règle presque par-tout nos préférences. Dans les productions de la nature, comme dans celles des arts, ce que nous sommes accoutumés de voir, d'entendre louer et de sentir faire sur nous quelques impressions agréables, quelque imparfait qu'il soit, nous parait le modèle de la beauté naturelle. Le nègre aime mieux la noirceur de sa peau, le nez que sa mère lui écrase, ses grosses lèvres, ses jambes arquées en devant, que toutes les beautés que les Européens admirent. Les architectes et le peuple, chez les Goths, préfèrent leurs monstrueux bâtimens à tout ce que

Rome et la Grèce ont créé de plus parfait. L'habillement le plus absurde, la coiffure la plus ridicule, qu'une mode extravagante ait inventés, pour cacher les beautés du corps d'une femme, nous déplairout d'abord; insensiblement nous nous familiariserons avec ce monstrueux équibien, que nous page; enfin nous nous y accoutumerons si ne trouverons plus une femme belle que quand une fontange dé

mesurée surmontera sa tête de la moitié de la hauteur de sa taille, et que quand elle sera chargée d'un vertugadin immense qui, s'il exprimait la figure réelle de la personne qui le porte, représenterait la forme la plus hideuse que l'on puisse imaginer..

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rend inutiles toutes ces précautions que la nature a prises pour nous rendre vertueux. C'est cette coutume qui rend cruel le guerrier, le rend capable de faire des malheureux de sang froid et sans nécessité, et de voir un champ de bataille sans frémir; c'est elle qui bannit la pudeur du sein des femmes spartiates, parce qu'elles étaient accoutumées à la voir violer à chaque instant; c'est elle qui endurcit les cœurs des parens au milieu d'un peuple qui exposait journellement des enfans qu'il ne voulait pas élever; c'est elle qui fait que des peuples entiers renoncent à la bonne foi, parce qu'ils se sont accoutumés à la violer et à la voir violer chaque jour impunément.

Soit que la coutume ait commencé avec notre existence, en altérant dès le premier moment, et successivement, notre constitution originale, soit qu'après avoir conservé long-temps ce que nous regardons comme naturel, de nouvelles impressions ménagées, long-temps répétées, nous aient disposés enfin à les recevoir, sans qu'elles excitent de désordres dans notre constitu

tion, les variétés que la coutume produit dans les qualités du corps peuvent être si considérables, si éloignées de notre premier état, qu'on peut dire avec raison que notre nature est changée par la coutume acquise, et que la coutume est une nouvelle nature. La coutume, une fois prise et formée, coûte autant à changer que l'état naturel. Il en coûtera autant de passer de la vie pénible du manœuvre à la vie molle et oisive d'une femme du monde, que de faire succéder à l'inactivité d'un homme sensuel et paresseux l'activité d'un ouvrier qui gagne son pain à la sueur de son visage.

Le corps n'est pas le seul qui, dans les êtres sensibles, s'accoutume à des impressions peu analogues à ses qualités naturelles l'ame elle-même est aussi souvent soumise à l'empire de la coutume. Elle influe sur nos idées, sur nos sentimens, sur notre volonté; c'est elle qui nous donne nos préjugés, qui règle nos goûts, qui caractérise nos mœurs. Quelque absurde que soit une proposition, si on l'offre souvent à notre esprit comme vraie; si, dès notre enfance, des gens que nous sommes

accoutumés à croire nous la répètent journellement, notre esprit l'admet comme l'expression d'une vérité. Bien plus, à force d'entendre combattre une vérité que nous avons connue, et affirmer une proposition dont nous avons vu la fausseté, cette première impression s'efface; nous parvenons à douter de ce que nous savons, et à nous familiariser avec uue doctrine dont l'absurdité, dans un temps, nous avait paru palpable. Combien de propositions fausses ne découvririons-nous pas dans les dogmes que nous croyons le plus fermement, si les prestiges de la coutume pouvaient se détruire, et si nous n'admettions que ce dont la vérité nous a été montrée clairement? Combien de gens pourraient dire d'une partie de leurs prétendues connaissances : « Je suis accoutumé à cela, il m'en coûterait de penser autrement. » Pascal a dit : « Nous prenons souvent pour la nature ce qui n'est qu'une première coutume. »

Ainsi, dans la croyance, dans les arts, dans les mœurs, la coutume influe sur l'état des hommes, sur leurs progrès vers la perfection, et sur leur caractère moral; puisqu'à force de voir des défauts, on apprend à ne les plus blâmer. Que verront ceux qui n'ont rien vu que de défectueux dès leur enfance, ceux qui ont sucé avec le lait, l'erreur, le mauvais goût et le vice? Il est alors presque impossible de corriger un tel peuple. Voilà pourquoi tant de nations abandonnées à elles-mêmes sout restées si long-temps dans la barbarie la plus grossière. Il n'y avait qu'un moyen de les corriger et de les perfectionner, c'était de détruire l'effet de la coutume, en multipliant sur les individus les impressions contraires à celles qui les ont dégradés, et, pour cela, les engager à sortir du sein de leur société ignorante, grossière et vicieuse, pour aller étudier les mœurs chez des peuples dont les coutumes sont différentes; c'est là le grand effet des voyages, et ce qui les rend si utiles aux bons esprits.

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En quelques occasions on distingue aussi les us des coutumes; ces us sont pris alors pour les maximes générales, et les coutumes, en ce sens, sont opposées aux us, et signifient les droits des particuliers de chaque lieu; et principalement les redevances qui étaient dues aux seigneurs.

On dit aussi quelquefois les fors et coutumes, et, en ce cas, le terme de coutume signifie usage, et est opposé à celui de fors, qui signifie les priviléges des communautés, et ce qui regarde le droit public.

Les coutumes sont aussi différentes des franchises et priviléges; en effet, les franchises sont des exemptions de certaines servitudes personnelles, et les priviléges sont des droits attribués à des personnes franches, outre ceux qu'elles avaient de droit commun. Tels sont les droits de commune et de banlieue, l'usage d'une forêt, l'attribution des causes à une certaine juridiction.

2.

Origine des coutumes.

L'origine des coutumes en général est fort ancienne : tous les peuples, avant d'avoir des lois écrites, ont eu des usages et coutumes qui leur tenaient lieu de lois.

Les coutumes de France, qui sont opposées aux lois proprement dites, c'est-à-dire au droit romain et aux ordonnances, édits et déclarations de nos rois, étaient, dans l'origine, des usages non écrits, lesquels, par succession de temps, ont été rédigés par écrit.

Le pays qu'on nomme aujourd'hui la France, dit le célèbre Montesquieu (Esprit des lois, liv. 28 chap. 4) fut gouver

née dans la première race par la loi romaiue, ou le code théodosien, et par les diverses lois des barbares (les Francs, les Visigoths et les Bourguignons) qui y habitaient.

Dans le pays du domaine des Francs, la loi salique était établie pour les Francs, et le code théodosien pour les Romains. Dans celui du domaine des Visigoths, une compilation du code théodosien, faite par l'ordre d'Alaric (la vingtième année du règne de ce prince), et publiée deux ans après par Anian, comme il paraît par la préface de ce code, régla les différens des Romains; les coutumes de la nation qu'Euric fit rédiger par écrit (l'an 504 de l'ère d'Espagne, chronique d'Isidore) décidèrent ceux des Visigoths.

La loi de Gondebaud subsista long-temps chez les Bourguignons, concurremment avec la loi romaine; elle y était encore en usage du temps de Louis le Débonnaire; la lettre d'Agobard ne laisse aucun doute là-dessus. De même, quoique l'édit de Pistes (donné par Charles le Chauve l'an 864) appelle le pays qui avait été occupé par les Visigoths, le pays de la loi romaine, la loi des Visigoths y subsistait toujours; ce qui se prouve par le synode de Troyes, tenu sous Louis le Bègue, l'an 878, c'est-à-dire quatorze ans après l'édit de Pistes.

Les lois saliques, ripuaires, bourguignonnes et visigothes cessèrent peu à peu d'ètre en usage chez les Français; voici comment les fiefs étant devenus héréditaires, et les arrières-fiefs s'étant étendus, il s'introduisit beaucoup d'usages auquels ces lois n'étaient plus applicables. On en retint bien l'esprit, qui était de régler la plupart des affaires par des amendes; mais les valeurs ayant sans doute changé, les amendes changèrent aussi, et l'on voit beaucoup de chartes où les seigneurs fixaient les amendes qui devaient être payées dans leurs petits tribunaux. Aiusi l'on suivit l'esprit de la loi sans suivre la loi même.

D'ailleurs, la France se trouvant divisée en une infinité de petites seigneuries qui reconnaissaient plutôt une dépendance féodale qu'une reconnaissance politique, il était bien difficile qu'une seule loi pût être

autorisée.

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