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RECHERCHES historiques sur l'emploi des faux cheveux ct des Perruques, dans les temps anciens et modernes, extraites d'un ouvrage Allemand de M. Frédéric NICOLAï, par feu M. WINCKLER (*).

APRÈS avoir parlé de l'usage des faux cheveux

chez les Grecs et les Romains, et avant de traiter de leur emploi dans le moyen âge, et dans les temps modernes, il sera nécessaire de faire mention des différentes étymologies du mot perruque, qu'on s'est efforcé de dériver des langues anciennes, quoiqu'il ne se trouve dans aucun auteur grec, ni latin. Son usage ne date que d'un temps peu reculé, et l'acception dans lequel on le prend aujourd'hui, ne remonte guère qu'à la fin du seizième siècle.

Il n'y a pas de mot sur lequel les conjectures des étymologistes aient été moins heureuses; toutes les étymologies qu'ils en ont proposées sont si forcées, que souvent elles deviennent plaisantes. On ne sera pas faché de trouver ici réunies, les opinions des différens savans qui se sont occupés d'en rechercher l'origine.

MÉNACE, dans son Dictionnaire Etymologique,

(*) Voyez Magasin encyclopéd., année 1805, t. v, p. 5-62, la première partie de ces recherches, où il est question de l'emploi des faux cheveux chez les anciens. Dans cette seconde partie, il est question de cet usage chez les modernes.

de la langue française et dans celui de la langue italienne; dérive ce mot tantôt de l'hébreu perah, ou du chaldéen pervah, qui signifient cheveux de la tête; tantôt d'un certain Pierre « qui s'en sera > servi le premier, ou qui les aura bien ajustés. » M. Guyet, ajoute-t-il, dérivoit ce mot du > grec vín, qui signifie la même chose, et qui → se trouve avec cette signification dans les Dialo» gues des courtisannes de LUCIEN ; et il le dé» rivoit ainsi, víxŋ, penica, perica, peruca,

perruque ». Mais malheureusement les mots penica et perica, ne se trouvent point dans les langues, latine, italienne, française et espagnole.

Ménage pense que la meilleure étymologie est celle qui dérive ce mot du latin, pilus. « Pilus,

dit-il, pelus, pelutus, peluticus, pelutica, pe» rutica»; on observera que ces cinq mots n'appartiennent à aucune langue, et qu'ils ont été arbitrairement imaginés par Ménage (1), « pe

(1) Aucun de ces cinq mots, pelus, pelutus, peluticus, pe ļutica, perutica, ne se trouve ni dans DUFRESNE, ni dans CARPENTIER; ils ne sont pas de la bonne latinité : Ménage les a donc composés arbitrairement, pour arriver de pelus à peruca, et pour trouver une étymologie du mot perruque. Il suit une méthode semblable à l'égard du mot pelouse, pour la dérivation duquel il imagine gratuitement cinq mots semblables; il dit: « pelouse, de pilus, pelus, pelutus, peluti, pelutițius, pelutitia, pelouse. » Mais même en italien, où l'on trouve le mot pelo formé du latin pilus, il n'existe pas de mot, petuto, ni pelutilio, ni aucun autre semblable, qui signifie velu ou couvert de poils; au contraire on y trouve le mot peluzzo, qui signifie des cheveux minces. Ce n'est qu'en espagnol et en portugais que peludo signifie velu; cependant les Portugais ne dé

luca, perruca, perruque». Au sujet de ces étymologies on peut dire :

Il a bien changé sur la route

M. DEGUERLE (2), dérive ce mot, moitié en plaisantant, moitié sérieusement,de deux mots de langues différentes; de la particule grecque ì, et de l'arabe nucha, qui doit répondre au français nuque, péri-nucha, ce qui est autour de la nuque. Nos lecteurs ne seront sans doute point tentés d'adopter cette barbare étymologie tirée contre l'analogie de deux mots de langues différentes. Dans les origines linguæ italicæ, par Ottavio FERRARI (3), on trouve au mot PERUCCA, le passage suivant: perucca, galericulus,capillamentum adscititium, apilo pilucca ; nam ab eodem, pilucco itali floc> cum appellant et congestum in vertice capillum». Ce passage fait voir combien un homme d'ailleurs très-savant, peut se tromper,même dans sa propre langue, s'il veut donner une étymologie à un mot dont l'origine est obscure ou inconnue. Pilucca, pilucco et même pelucca, ne sont pas des mots italiens,mais ils ont été imaginés par FERRARI sans aucun fondement, comme avoit fait MÉNAGE

signent pas une perruque par le mot peluca, ils l'appellent peruca ou cabilliera. Dans le latin du moyen âge, pilus ne signifie pas un cheveu, mais un pieu, ou une flèche, et pelu est une espèce de pelisse ou manteau garni de fourrures. Voy CARPENTERII Glossarium, t. 111, P, 230.

(2) Eloge des perruques, p. 49.

(3) Voy. O. FERRARII, Origines linguæ italice, Patav. 1776, fol. p. 236.

pour les mots latins dont il a été question. Dans le Vocabolario della Crusca, on ne trouve, ni pilucco, ni pilucca; on peut donc assurer que ces deux mots ne sont pas italiens, puisque ce dictionnaire contient aussi tous les mots qui avoient vieillis du temps de Dante et même avant ce poète. Cependant FERRARI ne dit pas que ces mots, imaginés par lui pour établir son étymologie, ont vieilli mais il cite pilucca, comme un terme usité,dont il veut dériver perrucca. Mais une touffe de cheveux arrangée sur le sommet de la tête,ne ressemble pas trop à une perruque, et une touffe (floccus), s'appele en italien bioccolo ou fiocco et non pas pilucco. Si ce dernier mot étoit en effet dans la langue italienne, il ne pourroit point signifier une touffe de cheveux; car piluccare veut dire cueillir les grains d'un raisin l'un après l'autre pour les manger; dans le langage languedocien le mot peluca a encore la même signification. Dans le vieux langage français, péluc signifie le grain séparé de la balle. Dans la langue italienne, piluccare a encore un sens figuré, et se dit de tout ce qu'on fait lentement; un piluccone est un vil égoïste qui aime à s'attribuer le bien d'autrui. Les Italiens appelent peluzzo de pelo, un cheveu mince et isolé; c'est par conséquent le contraire d'une touffe de cheveux que Ferrari prétend être la signification de pilucco. On pourroit par analogie dériver notre mot de pelo en italien peluccio; mais une chevelure épaisse et laide n'a rien de commun avec une perruque. En espagnol,une perruque

est appelée peluca, mais cela ne tient qu'à la prononciation espagnole de la lettre r. STIELER dans son Trésor de la langue, publié sous le nom Spate, tranche la difficulté et établit que ce mot est d'origine allemande ; mais sa dérivation n'est pas admissible. Il écrit Barücke, et prétend que Bar est un vieux mot gothique qui signifie tête, et que Hücke veut dire voile. Ces deux significations sont imaginaires. Le mot Bar se trouve en effet dans les langues suédoise, anglo-saxonne, et le vieux allemand ou tudesque; mais loin de signifier tête, il est constant qu'il veut dire nud, qui n'est pas couvert, et de là vient encore un mot usité aujourd'hui dans la langue allemande ; barfuss, c'est-à-dire, nud pied; Bar est donc l'opposé d'une perruque. Heuke ou hoike, au contraire,signifioit autrefois un manteau, et est encore en usage le dialecte connu sous le nom de plat-allemand, qu'on parle dans les parties septentrionales de la Basse-Saxe (4). Le hoike sert donc pour couvrir l'épaule et non pas la tête, et Stieler n'a pas été plus heureux que Ferrari dans cette étymologie.

dans

Autrefois les étymologistes aimoient assez à dériver tous les mots du grec, dès que dans cette langue ils trouvoient un mot d'une prononciation

(4) On dit à Hambourg et à Brême: den Hoiken up beeden Schuldern tragen (porter le manteau sur les deux épaules), Hoiken und hood verspeelen (perdre le manteau et le chapeau); voy. BREMISCH Niederteutsches Woërterbuch, c'est-à-dire Dictionnaire du dialecte de Bréme et de la basse Allemagne, t. 11, p. 644.

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