Page images
PDF
EPUB

C'eft Diane elle-même qui defcend du Ciel pour apprendre que Timante eft le fils de Narbal.

Nous ne prononcerons point fur le mérite de ce Poëme; nous ne dirons rien non plus du ftyle: ce que nous avons cité fuffit pour en donner une idée.

Nous nous tairons également fur la mufique ; non pas que nous n'ayons du bien à en dire fous plufieurs rapports; mais nous avouons que le fyftême mufical adopté par l'Auteur ne nous paroît pas celui qui convient au genre dramatique, où tout doit être clair & fimple, où l'harmonie doit être naturelle, la mélodie expreffive, mais fans bizarrerie & fans effort, les modulations faciles à faifir; où rien, en un mot, ne doit détourner les Spectateurs de l'attention qu'ils doivent à la marche dramatique & à la fituation des perfonnages. Les recherches d'harmonie qu'on peut quelquefois employer à produire des effets inattendus, n'en font plus lorfqu'on en abufe, & qu'on les multiplie à l'infini. On trouve fans doute dans cet Opéra des morceaux très énergiques, notamment deux airs de M. Lainez, qui doivent encore une grande partie de leurs fuccès à la chaleur avec laquelle il les rend; mais ces morceaux reffo tiroient bien davantage, fi tout le refte, fans être de la même force, n' n'offroit pas le même faire, ce qui finit par être fatiguant.

Cependant, comme ce fyftême a encore des partifans nombreux, nous ne prétendons pas l'attaquer. Nous expolens feulement nos opinions particulières, en laiflant au Public à les apprécier.

L'ouverture, qui renferme plufieurs traits de tromboni peu communs, a fait beaucoup d'effer, & on l'a répétée deux fois. Le divertiffement de la fin, exécuté par les meilleurs fajets de la danse, a fait un plaifir infini; c'eft le fort ordinaire de tous les Ballets où se trouvent MM. Vestris &

Gardel. La mufique de ces Ballers eft très bien cho fic. On y entend deux Andanté d'Haydn, écrits d'un ftyle qui contrafte un peu avec celui de l'Opéra.

COMÉDIE FRANÇOISE.

UNE

[ocr errors]

NE indifpofition de M. Saint-Fal ayant retardé la feconde représentation de Marie de Brabant nous avons été forcés de retarder auffi le compte que nous avons promis de cette Tragédie. Voici le trait hiftorique, d'après le Père Daniel.

&

La Droffe, de Chirurgien de Louis IX, étoit devenu Favori & Chambellan de Philippe III. ein Il s'étoit abfolument emparé de l'efprit de fon Maître, lorfque le Roi perdit Ifabelle d'Aragon, fa première femme, épou a Marie de Brabant, vit mourir Louis, fon fils aîné du premier lit, que Fon foupçonna mort du poifon. Le Favori, qui redcutoit dans la Reine, femme aimable & fpirituelle, une rivale de la faveur, réfolut de la perdre en la faifant accufer d'avoir attenté aux jours du jeune Prince, & en fortifiant l'accufation. Il y avoit dans ce temps-là à Nivelle une Beguine qui paffoit pour illuminée. Philippe dépêcha auprès d'elle l'Abbé de Saint-Denis & l'Evêque de Bayeux. L'Evêque, qui étoit parent de La Broffe, prit les devants, & entendit la Beguine en confeffion, ce qui le réduisoit au filence. Quand l'Abbé arriva, elle ne lui voulut rien dire. Le Roi y renvoya l'Evêque de Dol, auquel elle répondit que le Roi ne devoit fufpecter la fidélité de Marie pour lui ni pour les fiens. Cette réponse ouvrit les yeux du Roi. A cette époque, Philippe

fit la guerre au Roi de Caftile, & l'on eut la preuve que les Caftillans avoient des intelligences en France. E fin une boîte interceptée, remplie de lettres chiffrées & fcellées du cachet de La Broffe, découvrit le criminel, qui fut arrêté & mis en prifon. Le Duc de Brabant, qui avoit craint d'attaquer le Chambellan pendent qu'il étoit en faveur, ne le vit pas plus tôt difgrazie, qu'il vint en demander justice, & propoter l'épreuve du combat contre quiconque oferoit foutenir l'accufation. Perfonne ne fe préfenta; la Reine fut justifiée, & La Broffe fut pendu.

M. Imbert a pris de cette Anecdote tout ce qu'il en pouvoit preadre. Aux motifs de la baine que La Broffe porte à la Reine, il en a ajouté un de vengeance. Un fils de La Breffe, coupable d'un crime capital, eft most fur un échafaud; la Reine auroit pu le fauver, & elle ne l'a point fait. On fuborne un témoin qui accufe la Reine, & qui meurt après fa dépofition. Le Duc de Brabant veut juffer fa fecur, propofe le combat que La Broffe a la témérité d'accepter, & ou il a le bonheur de vaincre. Dans ces temps de fur perftition, la victoire étoit une preuve irréprochable pour l'accufateur; tout fe réunit done contre l'infortunée Princeffe. Cependant ce n'eft pas pour lui feul que La Brofle a des vûes ambiticufes, il veut en faire partager le fruit à fon neveu d'Armory; en conféquence il l'interrege avec adreffe, & la vertu du jeune homme eft un arrêt de réprobation pour fon oncle. D'Armery veut effayer de fauver la Reine; il lui fait demander un cutretien le billet par lequel la Reine répond, eft intercepté par La Broffe, qui fe promet de s'en fervir pour ajouter à fes précédentes accufations, celle de l'adultère. L'infame fe trouve au rendez-vous, aflaffine fon neveu:

mais d'Armery ne reçoit qu'une bleffure légère s & quand on l'amène devant Philippe, il remet à ce Prince une lettre de l'Ambaffadeur d'Angleterre, qui convainc La Breffe du crime de haute trahifon. La Reine eft juftifiée, & le Chambellan eft condanné au fupplice.

La feconde repréfentation de cette Tragédie a eu un fuccès plus affuré que la première, & la troifième a été mieux accueillie encore que la feconde. La fituation de Philippe auprès de la Reine qu'il aime & dont il cft adoré, que la politique femble accufer & que fa veru juftifie, eft extrêmement touchante, & l'Auteur l'a traitée habilement. On avoit remarqué d'abord quelques développemens un peu longs; l'Auteur les a fait difparoître ; il a même fupprimé, à la je. repréfentation, les adieux de la Reine à fes enfans. Cette fcène, dont les détails étoient trop étendus, retardoit la marche de l'Ouvrage. Le se. Acte, qui eft plein d'action, réunit le double intérêt de parler à l'ame, & de tenir jufqu'à la fin la curiofité fufpendue. Il est évident que M. Imbert a beau coup travaillé le rôle de La Broffe; mais ce caractère a de la fierté, de la nobleffe, du courage, ure grande énergie, & fon indomptable adreffe en fauve toujours l'atrocité. Le ftyle nous a paru généralement noble, élégant & facile. Nous croyons feulement que M. Timbert pourroit y revoir, pour l'impreffion, quelques détails que nous avons trouvés peu foignés, & où l'on trouve quelquefois de cet efprit qui ne convient point à l'éloquence tragique.

LE Mardi 22 Septembre, on a donné la première repréfentatien de Raymond, Comte de Touloufe, ou le Troubadour, Comédie en cinq Actes

& en profe, par M. Sedaine, de l'Académie Franço.le.

Raymond aime la Comteffe de Boulogne, dont il voudroit devenir l'époux. Jufqu'ici il n'a pu obtenir un aveu favorable. Il a trouvé dans un bofquet une Comédie critique contre les Courtifans, dont la Comteffe eft Auteur. Il défire la faire repréfenter fur fon Théatre. La Comteff le permet, elle fe décide même à épouser Raymoad s'il réuffit à la faire représenter. Après quel ques difficultés, un Troubadour confent à paffer pour l'Auteur de la Pièce. Le Grand - Référendaire, le Sénéchal, leurs Employés exam nent l'Ouvrage, le déclarent fatirique, inmoral, scandaleux, & expédient un ordre qui enjoint à l'Auteur de quitter la ville. Raymond s'indigne, & menace de fa colère ceux qui s'oppofent à la repréfentation de l'Ouvrage. Alors on feint d'obéir; mais à l'inftant de commencer le fpectacle, on vient d'annoncer que le Théatre eft en feu. Le Conte n'a plus d'efpoir. La Comtefle qui a voulu fimplement lui prouver que, malgré fon rang & fon pouvoir, il ne pourroit pas parvenir à faire jouer un Ouvrage profcrit par fes Courtifans, fe fait connoître pour l'Auteur perfécuté, & donne la main à Raymond.

Ce fonds eft bien foible, & il ne pouvoit pas fuffire à cinq Actes. La malignité y rencontre de quoi fe fatisfaire; mais il n'y a jamais rien pour l'intérêt. On a applaudi quelques traits fufceptibles d'applications, on en a réprouvé bien davantage. On remarque dans cette Production tout ce que l'on diftingue dans les Productions dramatiques de M. Sedaine; des détails piquans & des détails oifeux; de l'énergie & de la foibleffe; le mot propre & le mot vague, quelque fois même le mot trivial; de l'effet de temps en

« EelmineJätka »