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LA SAGESSE. Quand les créatures quittent Dieu,

elles descendent par une pente naturelle, des choses supérieures aux choses inférieures; mais lorsqu'elles retournent à leur principe, elles doivent aller des plus humbles aux plus élevées. Si donc tu veux connaître et contempler ma divinité, commence à me connaître et à m'aimer dans les tourments de ma douloureuse humanité. C'est pour toi le plus court chemin de la béatitude.

LE DISCIPLE. Eh bien! Seigneur, au nom de cet amour qui vous fit abandonner pour cet exil le trône et le sein de votre Père, au nom de cet amour qui vous fit endurer les angoisses d'une horrible mort, daignez montrer à mon âme ces formes touchantes que votre amour a voulu revêtir sur l'arbre sanglant de la Croix.

LA SAGESSE.Plus je me suis laissé vaincre par l'amour, plus la mort qu'il m'a fait endurer a été affreuse, plus aussi je dois être aimable aux âmes droites et pures. C'est dans l'horreur de ma Passion que brillent la force et la puissance de ma charité; le soleil se connaît par son éclat, la rose par son parfum et le feu par sa chaleur. Écoute donc avec quel amour et quelles angoisses j'ai souffert pour ton salut.

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Comment on parvient à la divinité de Jésus par les douleurs
de son humanité.

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LA SAGESSE.-Médite ma Passion, ò mon fils, pour graver en toi les supplices cruels auxquels je me suis soumis. Tu sais qu'après la dernière cène, dans le jardin des Oliviers, j'ai accepté, pour obéir à mon Père, la plus horrible mort. La Croix qui m'attendait m'épouvantait tellement, qu'une sueur de sang découla de tous mes membres; je fus pris, chargé de liens, traîné dans la ville, couvert de coups et de crachats, injurié, calomnié, jugé digne de mort et conduit à Pilate, devant qui j'étais comme un doux agneau parmi les bêtes féroces; rappelle-toi cette robe blanche dont on me revêtit par dérision chez Hérode; et mon corps flagellé, ma tête couronnée d'épines, et ce bois d'infamie avec lequel je sortis de Jérusalem, aux cris du peuple Crucifiez-le ! crucifiez-le! Que ton âme me contemple ainsi humilié, méprisé et regardé par tous comme un impie, un misérable, digne de la mort la plus cruelle.

LE DISCIPLE.-O mon Jésus! si les commencements de votre Passion sont si affreux, quelle sera donc sa fin? Si je voyais un pauvre animal traité de la sorte, je ne pourrais en supporter la vue. Oh! combien plus doit déchirer mon âme le spectacle de votre Passion! Mais pourquoi, ô Sagesse éternelle, lorsque je désire

contempler les joies de votre divinité, pourquoi m'offrezvous au contraire les déchirements de votre humanité? Vous me présentez l'amertume, lorsque j'ai soif de vos douceurs. Quelles sont vos intentions? Je soupire après le lait de votre tendresse, et vous m'excitez aux combats, vous donnez le signal des blessures et des douleurs.

LA SAGESSE. La douceur s'acquiert par l'amertume, et on n'arrive aux grandeurs de ma divinité que par les humiliations de mon humanité. Plus celui qui veut s'élever sans le secours de mon sang fait d'efforts, plus il tombe misérablement dans les ténèbres de l'ignorance. Mon humanité sanglante est la porte lumineuse que tu désires; dépouille-toi donc de tes faiblesses de cœur, et prends les armes pour marcher à mes côtés. Il ne convient pas que le serviteur se repose dans les délices, lorsque son maître combat vaillamment au milieu des glaives ennemis.

Viens avec moi et ne crains rien; je te revêtirai de mes armes, et tu partageras mes peines et mes bles sures. Que ton âme soit forte et généreuse; apprends que pour soumettre la nature au joug de la perfection, il faut souffrir bien des croix et bien des morts dans ton cœur. Je te ferai ressentir vivement ma sueur de Gethsemani, et ton jardin portera des fleurs rouges et sanglantes; tu seras arraché de ta vie paisible, insulté et chargé des liens des méchants; tes ennemis te tourmenteront par de secrètes calomnies, et tu seras publiquement couvert de confusion. Les jugements téméraires t'accableront, et tes proches deviendront les

détracteurs de ta vie sainte. Tu seras flagellé par les mauvaises langues, couronné par les mépris, et tu pourras de la sorte porter avec amour ma Passion dans ton cœur. Enfin tu prendras avec moi le chemin du Calvaire, courbé sous le poids de la Croix, lorsque tu auras renoncé à ta volonté, lorsque tu te seras quitté entièrement toi-même, vivant libre et affranchi de toute créature comme celui qui va mourir, et qui cesse en expirant tout commerce avec le monde.

LE DISCIPLE. O mon Jésus, que ces choses sont dures, et que ces voies sont difficiles à suivre! La frayeur me saisit, et je tremble de tous mes membres: jamais je ne pourrai supporter de semblables travaux.

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Des motifs de l'Incarnation et de la Passion de Jésus-Christ.

LE DISCIPLE. Permettez-moi de vous faire une demande. Ne pouviez-vous pas trouver, ô Sagesse éternelle, un plan plus facile et plus doux pour vous et pour moi? Pourquoi ne pas prendre un autre moyen de me sauver et de me prouver votre amour sans vous condamner à la souffrance et sans m'obliger à souffrir avec vous?

LA SAGESSE. L'abîme impénétrable des desseins avec lesquels ma providence gouverne le monde, ne peut être compris ni par toi ni par aucune créature. J'avais certainement mille moyens de sauver le genre

humain; mais dans l'état où étaient les choses, il était impossible d'en trouver un plus convenable. L'auteur de la nature ne recherche pas ce qu'il peut faire, mais bien ce qui convient le plus à chaque chose; et tout ce qu'il fait est plutôt pour satisfaire aux besoins de ses créatures que pour montrer sa toute-puissance. Les hommes pouvaient-ils mieux comprendre les secrets de Dieu qu'en me voyant revêtu de mon humanité?

L'homme s'était privé des joies éternelles par un amour déréglé; il ne pouvait remonter à la source de la béatitude que par la voie de la douleur. Mais comment l'homme pouvait-il entrer dans une voie si nouvelle et si dure sans y avoir été précédé par Dieu même ? Si tu étais condamné à mort et qu'un ami voulût mourir à ta place, ne dirais-tu pas : Oui, mon ami ne pouvait pas me prouver davantage la sincérité, la grandeur de son affection; rien ne pouvait me le rendre plus cher que ce qu'il veut faire pour moi. Et c'est là le but de mon amour infini, de mon ineffable miséricorde, de ma divinité, de mon humanité, de ma tendresse pour toi.

Tout ce que j'ai fait est pour t'appeler, t'attirer, te persuader de m'aimer comme je t'aime. Quel cœur de rocher n'attendrirait pas un amour semblable? Examine et cherche si, dans l'ordre de la création, je pouvais trouver un moyen plus magnifique de satisfaire la justice, de prouver la miséricorde, d'élever ta nature et de t'ouvrir les trésors de ma bonté. Non, rien ne pouvait réconcilier le ciel et la terre comme la sagesse de la Croix et les douleurs de ma mort,

« EelmineJätka »