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image, qui auraient pu partager votre trône et votre puissance pour commander au ciel et à la terre, et qui vivent misérablement privés de votre lumière, et se laissent tomber dans la plus honteuse dégradation? Ne vaudrait-il pas mieux pour eux mourir de la mort la plus cruelle que de vous perdre, vous qui êtes l'éternelle et véritable vie? O pauvres insensés! que de malheurs vous entassez sur vos têtes! que de ruines pour votre âme! Comme vous perdez ce temps qu'on ne retrouve plus! Et vous vivez au milieu de ces désastres comme s'ils ne vous regardaient pas.

X

Combien se trompent les tièdes et les mondains.

LE DISCIPLE. O miséricordieuse Sagesse, éclairez ces pauvres ignorants.

LA SAGESSE. Ce ne sont pas des ignorants, car à toute heure ils sentent, ils comprennent leurs misères; mais ils veulent s'en distraire afin de jouir de leurs plaisirs; ils tâchent d'excuser leurs erreurs : ils s'apercevront qu'ils se sont trompés eux-mêmes, mais il ne sera plus temps. O malheur qui étonne et qu'on ne saurait trop plaindre!

LE DISCIPLE. O douce Sagesse, comment expliquer une pareille folie?

LA SAGESSE.

C'est qu'ils veulent fuir les fatigues et les croix de mon humanité. Ils pensent mener une vie plus douce et plus joyeuse, et ils tombent dans les

angoisses et les tourments; ils rejettent mon joug, qui est doux ; ils m'abandonnent, moi qui suis le souverain Bien, et ils rencontrent en échange le souverain mal. Ils craignent le brouillard, et ils trouvent la tempête; par un juste jugement de ma justice, ils vivent accablés sous le poids insupportable de mille misères.

LE DISCIPLE. Mais quelle ressource auront ces cœurs égarés, si ce n'est de revenir à vous en gémissant, miséricordieuse Sagesse?

LA SAGESSE.

Je suis toujours prête à les éclairer, pourvu qu'ils veuillent sincèrement être éclairés. Je ne manque à personne, si ce n'est à celui qui se manque à lui-même; je n'abandonne que ceux qui s'abandon

nent eux-mêmes.

LE DISCIPLE. Qu'il est pénible de se séparer de ce qu'on aime!

LA SAGESSE.Oui, mais je puis remplacer tout ce qu'on aime.

LE DISCIPLE. Mais il est bien difficile de quitter. des affections et des plaisirs dont on a l'habitude.

LA SAGESSE. Il sera plus difficile d'endurer un jour les tourments de l'enfer.

LE DISCIPLE.-Ils sont si tranquilles, qu'ils ne peuvent croire peut-être au malheur qui les menace?

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LA SAGESSE. Comment ne sais-tu pas que le péché, par sa nature même, trouble le cœur, bouleverse l'esprit, détruit la paix, la grâce, la pudeur, et fait tomber dans un profond aveuglement qui rend l'âme malheureuse en l'éloignant de Dieu et en la privant de son secours?

LE DISCIPLE. sont des âmes tièdes qui se persuadent qu'elles n'ont rien à se reprocher et qu'elles ne courent aucun danger; elles vivent dans des apparences de religion, et pensent que leur amour est spirituel et non terrestre.

Cela est vrai, Scigneur, mais ce

LA SAGESSE. Une poussière, quoique blanche, n'obscurcit-elle pas le regard aussi bien que la cendre? Où trouver plus de sainteté et de dévouement que parmi mes Apôtres ? Et cependant il a fallu me séparer d'eux, afin de les mieux disposer à recevoir l'Esprit d'en haut. Combien plus doit nuire la présence des hommes ! en trouvera-t-on un seul qui puisse conduire à Dieu ? La gelée aux premiers jours du printemps ne détruit pas plus rapidement les fleurs naissantes, que l'amour fragile des hommes et leurs conversations inutiles n'éteignent la ferveur de la vie religieuse. Où sont maintenant ces couvents qui, comme des vignes fleuries, répandaient, à leur origine, la douce odeur de leurs vertus par tout le monde? Où sont ces jardins si parfumés, ces paradis terrestres que Dieu aimait à habiter? Ne sont-ils pas maintenant dépouillés de leurs parures et tout pleins de ronces et d'orties? Où est l'ardeur des premiers saints? Où sont leurs larmes, leurs pénitences, leurs contemplations, leur silence, la pauvreté, l'obéissance, la pureté de leur vie? Mais ce qu'il y a de plus malheureux et de plus irréparable, c'est que la tiédeur est devenue maintenant comme un état naturel. On fait consister la religion et la sainteté dans quelques formes extérieures, dans quelques cérémonies; et c'est ce qui tue la vie du cœur et la beauté

intérieure des âmes. Hélas! hélas! que d'heures perducs en pensées vaines, en discours inutiles, en histoires frivoles, en plaisanteries et en fêtes!

LE DISCIPLE.O divine Sagesse, que vos paroles sont terribles et capables d'ébranler les cœurs les plus durs! J'en suis tout épouvanté.

XI

Combien la Sagesse éternelle est aimable, et quelles douceurs
elle réserve aux âmes.

LE DISCIPLE. -Je

Je me rappelle, très - aimable Sagesse, ces douces paroles que vous avez dites dans vos livres saints pour séduire les âmes et les gagner à votre amour: « Venez à moi, vous tous qui me désirez, • et vous serez remplis de mes enfantements. Je suis la a mère du bel amour. Mon esprit est plus doux que le << miel, et ce que je donne est préférable à ses rayons. « Le vin et la musique réjouissent le cœur, mais « l'amour de la Sagesse le réjouit bien davantage (1). » Vous vous montrez si aimable et si belle au cœur des hommes, que tous devraient s'attacher à vous seule, s'embraser de votre amour et soupirer sans cesse après votre lumière. Vos paroles allument des flammes; elles

(1) Transite ad me, omnes qui concupiscitis me, et a generationibus meis implemini. Ego mater pulchræ dilectionis. Spiritus enim meus super mel dulcis, et hæreditas mea super mel et favum.- Vinum et musica lætificant cor, et super utraque dilectio sapientiæ. (Eccl., xxiv; — xL.)

sortent de votre bouche avec une telle suavité, une telle douceur, qu'elles blessent les enfants au berceau et qu'elles éteignent toute affection terrestre en ceux qui sont encore à la fleur de leur âge. Aussi, je vous avoue que je désire bien ardemment entendre de vous quelques paroles sur votre ineffable douceur : ô Sagesse, ma très-chère épouse, mon unique amie, consolez mon âme, votre pauvre servante, car je me suis endormi à votre ombre; mon esprit veille et mon cœur attend.

LA SAGESSE. Écoute, ô mon fils, et recueille avidement mes paroles. Je suis par moi-même le Bien suprême, incompréhensible, qui a été, qui est et qui sera; Bien infini, incommunicable, qu'on ne peut jamais comprendre ni expliquer; et cependant je me communique aux âmes saintes sous des formes sensibles. afin de m'accommoder à leur faiblesse. Je me montre sous le voile des paroles et des images, comme l'éclat du soleil qui se montre à travers les nuages; et en éclairant ainsi ton cœur au milieu des ombres corporelles, je te donne une intelligence supérieure de moi-même et de mon amour.

. Revêts-toi donc de moi; remplis ton âme de toutes les perfections possibles, afin de me recevoir avec honneur et amour, parce que tout ce qu'il y a de beau, d'honnête, de pur, de saint, en toi et dans toutes les âmes du ciel et de la terre, se trouve en moi d'une manière plus excellente et avec une abondance que l'intelligence humaine ne pourra jamais comprendre ; ma naissance est illustre et ma parenté glorieuse, car je suis le Verbe bien-aimé du cœur de mon Père; je

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