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m'abandonnez pas, mais traitez-moi pendant cette vie comme il vous plaira, envoyez-moi toutes les croix que vous voudrez. Me voici soumis en tout à votre volonté, je ne vous demande qu'une chose, c'est que vous ne permettiez jamais que je perde votre grâce par le péché.

XVIII

De la gloire des justes.

LA SAGESSE.-Mon fils, ne crains rien, parce que celui qui est avec moi ne peut périr. Lève les yeux au ciel, et contemple cet éclat, cette lumière que je destine à ceux qui auront été ici-bas affligés, persécutés et crucifiés pour l'amour de moi. Cette cité bienheureuse est toute resplendissante d'or, de pierreries, de cristal, et tout embaumée des lis, des roses et des fleurs d'un éternel printemps. C'est là que sont placés les trônes brillants d'où furent chassés les anges rebelles. Je les destine aux âmes affligées, mes épouses bienaimées.

Les saints qui y règnent déjà sont pour toi pleins de tendresse ; ils t'attendent avec impatience, ils soupirent après la présence et ils te recommandent sans cesse à Dieu. Ils se réjouissent de tes croix, et ils tressaillent de bonheur lorsque tu les supportes courageusement à leur exemple. Comme ils se glorifient maintenant de leurs cicatrices! et comme ils se rappellent avec joie les

blessures sanglantes qu'ils ont reçues pendant la vie par amour pour moi! Ils se plaisent à te voir aussi au milieu des peines, des épreuves et de l'abandon, toujours fort et victorieux. Sois persuadé qu'ils t'aiment plus que le père et la mère qui t'ont donné la vie. La charité des saints surpasse toutes les affections de la famille. Oh! combien est douce la compagnie des saints!

Heureuse l'âme prédestinée pour la gloire! La dot et les parures que je donne à mes bien-aimées dans le ciel, c'est de contempler à découvert toutes les choses que révélait la foi, que promettait l'espérance; c'est de posséder en paix avec assurance ce que vous faites si bien d'aimer. L'auréole, la couronne particulière que je leur destine est la joie de leurs œuvres et de leurs peines. Je les environne d'une gloire qui est la lumière de ma pure essence et la profondeur impénétrable de ma divinité. Elles y sont plongées comme dans un océan de douceur. Elles se fondent en moi par l'amour; elles se transforment tellement en moi, qu'elles ne peuvent plus vouloir que ce que je veux; enfin, elles sont heureuses par grâce, comme Dieu l'est par nature.

Oublie donc un peu tes afflictions et tes croix; médite dans un religieux silence ces ombres, ces nuages obscurs du paradis; et en voyant la gloire et l'allégresse des saints, que ton âme fortifiée se dise: Qu'est devenue maintenant cette confusion qui accablait leur chaste cœur? Leur tête n'est plus humblement baissée, leurs yeux ne sont plus attachés à la terre. Où sont ces déchirements de leur âme, ces gémissements, ces

larmes amères, cette pâleur de visage, cette pauvreté si pesante, ce sang, ces blessures, ces morsures de la haine, ces tristesses intérieures et ces privations de tous secours qui leur faisaient pousser ce cri de la douleur: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avezvous abandonné? » O bienheureux, voilà donc toutes vos peines, vos dégoûts, vos souffrances et vos croix qui se sont évanouis en un instant! Vous n'aurez plus besoin de vous cacher dans les déserts, dans les cavernes, dans des cellules étroites, pour fuir la malice du monde ; vous jouirez éternellement de la béatitude des saints, et dans la joie de votre triomphe vous chanterez à Dieu ce beau cantique : « Bénédiction, « clarté, sagesse, action de grâces, honneur, vertu et « force à notre Dieu pendant la suite de tous les « siècles (1)! >>

Rappelle-toi souvent, mon fils, cette gloire des saints qui t'ont précédé, et tu oublieras tes douleurs, tu ne désespéreras plus de ton salut. Par la manière dont je traite mes serviteurs et mes amis, comprends la différence qu'il y a entre mon amitié et celle du monde. Le monde a aussi ses ennuis et ses tourments; mais quand même ses amis seraient assez aveugles et assez enivrés pour ne pas s'en apercevoir, il est certain qu'en vertu de ma justice éternelle, tout homme qui suit ses voies déréglées se fait son propre bourreau; il meurt dans le désespoir et devient la proie des flammes de l'enfer. Mes amis, au contraire, souffrent, il est vrai, des

(1) Benedictio, et honor, et gloria, et potestas in sæcula sæculorum (Apoc., v, 13.)

épreuves et des croix nombreuses, mais ils vivent joyeux dans l'espérance de la gloire; ils jouissent de la paix du cœur et de la tranquillité de l'esprit, et sont plus heureux au milieu de leurs afflictions que les mondains avec leur fausse paix et tous leurs plaisirs.

LE DISCIPLE.-Ah! Seigneur, me voici prêt à supporter toutes sortes de peines, puisque vos croix sont les preuves de votre amour et qu'il n'y a d'heureux que ceux qui partagent vos douleurs et votre Passion. Que maintenant les partisans du monde se taisent, et que les tièdes ne disent plus que vous traitez mal vos amis. Qu'ils admirent comme moi l'infinie bonté avec laquelle vous conduisez ceux que vous aimez par la voie des souffrances, et qu'ils comprennent enfin combien est à plaindre celui que vous n'éprouvez pas pendant sa vie mortelle.

XIX

Pourquoi Dieu se réjouit des souffrances de ses serviteurs.

LE DISCIPLE. Puisque les croix et les afflictions sont si profitables à la gloire des saints, dites-moi, ô Sagesse éternelle, quelles sont celles qui vous plaisent davantage dans vos amis, afin que je les désire, que je les cherche et les supporte avec allégresse comme des trésors sortis de vos mains paternelles.

LA SAGESSE.Toutes les croix et les afflictions me plaisent, quelle que soit leur origine, qu'elles viennent

de la nature, comme la maladie; ou de la volonté, comme les pénitences; ou de la violence, comme les persécutions, pourvu que l'âme qui les souffre les rapporte à mon honneur et à ma louange, et qu'elle ne désire en être délivrée que selon mon bon plaisir : plus une croix est supportée avec joie et amour, plus elle m'est chère et précieuse.

Écoute la raison qui me fait éprouver mes serviteurs en tant de manières, et grave bien ce que je vais te dire au fond de ton cœur. Je demeure et j'habite dans une âme comme dans un paradis de délices, et je ne puis permettre qu'elle se plaise hors de moi, qu'elle s'affectionne aux créatures; et parce que je veux la posséder chaste et pure, je l'entoure d'épines et je l'enferme dans l'adversité, afin qu'elle ne puisse pas s'échapper de mes mains. Je sème son chemin d'angoisses et de douleurs, afin qu'elle ne puisse se reposer dans les choses basses et créées, et qu'elle place tout son bonheur dans les profondeurs de ma divinité.

La récompense que je donne à ces âmes pour la moindre affliction supportée est si grande, que tous les cœurs des mondains réunis en seraient accablés; le chemin de la Croix n'est pas nouveau, il a toujours existé; j'ai voulu que dans la nature, les choses rares et sublimes fussent difficiles, et que la vertu demandât beaucoup de sueur et de fatigue. Si ce chemin ne plaît point à l'âme, si elle veut, en l'abandonnant, s'éloigner de moi, qu'elle parte; je l'ai créée libre, et je ne veux pas la forcer. Hélas! la parole de mon Évangile est trop vraie: Beaucoup d'appelés, mais peu d'élus.

« EelmineJätka »