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tes contradicteurs viendront s'excuser et te demander pardon, embrasse-les et pardonne-leur avec promptitude et amour, comme s'ils ne t'avaient jamais causé aucune peine; tâche de leur être utile et de leur témoigner ton affection par tes actes et par tes paroles. Tu auras alors partagé ma Croix; tu auras imité la bonté qui me faisait pardonner les injures et les cruautés de mes bourreaux.

Si tu renonces à l'amitié, aux conversations des hommes, au bien-être et aux consolations d'ici-bas, autant qu'on le peut dans cette vie, ce renoncement et cette privation remplaceront le délaissement où j'étais sur le Calvaire, lorsque tous les miens m'avaient abandonné.

Si par amour pour moi tu t'affranchis des affections inutiles, surtout de celles qui pourraient t'éloigner de mon service, tu me seras agréable comme saint Jean, mon disciple bien-aimé, qui m'était fidèle au pied de la Croix. En conservant ton cœur pur et libre de tout attachement terrestre, tu vêtiras, tu couvriras ma nudité. Mais surtout, dans les violences et les attaques de ton prochain, au milieu des persécutions et des injures, ne te défends pas, ne résiste pas, sois silencieux comme un agneau, supporte tout avec mansuétude et douceur; que ton cœur, tes paroles, ton visage respirent la douceur et la paix. Tâche de triompher par ton humilité de la dureté et de la malice de tes ennemis.

C'est ainsi que tu porteras en toi l'image fidèle de ma mort; c'est ainsi qu'en gravant dans ton âme ma

douloureuse Passion, qu'en la méditant, en la rappelant dans tes prières, en l'imitant dans tes actions, tu te conformeras à mes souffrances et à la fidélité de ma chaste Mère et de mon bien-aimé disciple.

Le Disciple. - O toute-puissante Sagesse, gravez dans mon esprit et dans mon corps, que je le veuille ou que je ne le veuille pas, une image véritable de votre mort, afin que je rende gloire à votre saint nom.

XXII

Quel fut le but de notre Seigneur Jésus-Christ sur la Croix.

LE DISCIPLE.O douce Sagesse ! ma Souveraine et ma Maîtresse, entretenez-moi maintenant de ce qui se passait dans votre cœur et dans votre àme. Faites-moi connaître votre état intérieur sur la Croix. Sans doute que vous receviez des consolations du Ciel, et que vous étiez fortifié comme le furent les martyrs au milieu de leurs tourments. L'assistance de votre Père céleste a dû rendre plus supportable votre supplice.

LA SAGESSE. -Les peines de mon corps étaient bien grandes, mais combien plus douloureuses ont été les afflictions de mon âme ! Dans la partie supérieure de mon être je contemplais l'essence divine, comme je la contemple maintenant dans le paradis; mais toutes les puissances et les facultés inférieures de mon âme étaient plongées dans la désolation et l'abandon :

j'étais réduit à des angoisses que personne n'a éprouvées et n'éprouvera jamais mon corps suspendu à la Croix était couvert de plaies, d'où s'échappait mon sang; mes yeux étaient gonflés de larmes, et mes membres disloqués; les horreurs de la mort m'environnaient; je ne recevais aucun secours du Ciel et de la terre, et je criais d'une voix lamentable: Mon Dieu! mon Dieu! pourquoi m'avez-vous abandonné? Cependant ma volonté était inébranlable, et parfaitement unie à la Justice divine qui me frappait.

Lorsque mon sang fut presque tout répandu et que les forces m'abandonnèrent dans l'agonie, j'éprouvai une soif brûlante qui me fit dire : J'ai soif; mais j'avais encore plus soif de souffrir et de sauver les âmes. Lorsque j'eus accompli tout ce qui était nécessaire à la rédemption des hommes, je déclarai que tout était consommé. J'avais été ainsi obéissant jusqu'à la mort de la Croix; je remis mon esprit entre les mains de mon Père, et je me séparai de mon corps. Après ma mort, j'eus le côté droit percé d'un coup de lance, et il en sortit des flots de sang et une source d'eau vive. Voilà, mon ami, tout ce que j'ai souffert pour réparer tes fautes et celles de mes élus; c'est le sacrifice efficace de mon sang innocent qui t'a racheté et délivré de la mort éternelle.

LE DISCIPLE.-0 très-douce Sagesse, que rendrai-je à votre Majesté pour tant d'amour? et quelles actions de grâces vous offrirai-je pour votre douloureuse Passion? Si j'avais la force de Samson, la sagesse de Salomon et les richesses de tous les rois, je les consacrerais à votre louange et à votre service, mais je ne puis rien; je ne

suis rien, et pourtant je voudrais vous témoigner ma reconnaissance.

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LA SAGESSE. Toutes les langues des anges ne suffiraient pas pour me louer, et tous les cœurs des hommes ne pourraient me remercier de la plus petite affliction que j'ai soufferte pour eux.

LE DISCIPLE. Je vivrai donc sans jamais m'acquitter. Enseignez-moi de grâce ce que je puis faire pour vous plaire et vous servir.

LA SAGESSE. Tiens toujours les yeux fixés sur ma Croix, et grave dans ton esprit, en y compatissant, les tourments les plus cruels de ma Passion. Lorsqu'il t'arrivera de souffrir, supporte-le en union avec moi; si dans tes afflictions je ne te console pas, et je te laisse dans la sécheresse et l'abattement, comme je l'étais sur le Calvaire, garde-toi bien de chercher des consolations humaines, mais pousse vers Dieu des gémissements et des soupirs, abandonne-toi, pour m'imiter, à la volonté de ton père céleste; et plus tu seras torturé à l'extérieur et délaissé à l'intérieur, plus tu seras cher à Dieu, et plus tu approcheras de ma ressemblance sur la Croix: c'est ainsi que j'éprouve mes plus chers amis.

Lorsque tu auras un grand désir de secours et de consolation, fais-toi violence et renonces-y, afin d'avoir dans ta soif la langue abreuvée de fiel et de vinaigre; sois toujours altéré du salut des âmes, et travailles-y avec ardeur pendant toute ta vie; obéis avec empressement à tes supérieurs, conserve ton âme détachée de toute jouissance, et remets-la entre les mains de Dicu comme au moment de ton dernier soupir. Tu seras ainsi

te

uni à ma Croix; mais par-dessus tout, apprends à cacher dans mon côté ouvert et dans la blessure que l'amour a faite à mon cœur ; je te laverai avec l'eau qui en découle, je t'y décorerai de la pourpre de mon sang, je m'attacherai à toi par des liens indissolubles, et mon esprit s'unira au tien d'une union éternelle.

XXIII

Règles sommaires de la vie spirituelle.

LE DISCIPLE. Très-haute Sagesse, l'empire du monde me rendrait moins heureux que je ne le suis en entendant vos admirables leçons; mais dites - moi, je vous en conjure, ce que je dois faire surtout, pour éviter le mal et arriver à la perfection.

LA SAGESSE. Écoute en peu de mots la règle d'une vie pure et parfaite. Tiens-toi séparé et éloigné des hommes; affranchis-toi des images et du courant des choses terrestres et humaines; délivre-toi de tout ce qui peut troubler le cœur, captiver l'affection et jeter dans les peines et les inquiétudes du monde, de la chair et de la nature. Élève ton esprit à une contemplation sainte où je serai l'objet perpétuel de tes pensées. Que tous tes autres exercices spirituels, les veilles, les jeûnes, la pauvreté, les austérités de la vie, les mortifications du corps et des sens, soient dirigés vers ce but; ne les pratique qu'autant qu'ils peuvent t'aider et t'exciter à la présence de Dieu. C'est ainsi que tu arriveras à une

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