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passages sublimes sur les causes de la Passion de Jésus-Christ, et sur la nécessité et le bonheur de la partager.

Le Traité de l'union de l'âme avec Dieu est moins étendu que le Livre de la Sagesse éternelle, mais il est aussi remarquable par son onction et par la clarté avec laquelle sont exposées les vérités les plus élevées et les plus substantielles de la religion.

Le Colloque des neuf rochers explique, sous une forme allégorique, les rapports des créatures raisonnables avec la source unique de l'être et de la vie. Le tableau des vices du monde est d'une grande énergie. Nous n'avons pas cru devoir retrancher les reproches faits au clergé d'alors, parce que ces reproches, qui ne sont pas applicables au clergé de notre époque, montrent que l'Église n'a jamais accepté le relâchement de ses ministres, et qu'il vaut mieux pour elle les injustices de la liberté que les séductions de la richesse et de la puissance.

Quelques discours et quelques lettres de Suso complètent ses œuvres et font connaître et admirer davantage la beauté de son âme.

Quoique nous ayons apporté tout le soin possible. à cette traduction, nous sommes loin de croire qu'elle ne laisse rien à désirer, surtout sous le rapport de l'érudition. Notre but étant de faire une œuvre pieuse plutôt que savante, nous avons simplement suivi le texte italien publié par le Père De Nente

en 1663 (1), sur celui de Surius, et nous en avons adopté la disposition et les changements justifiés par la différence d'époque et de nation. Nous trouvons que l'ouvrage y gagne, et il a de plus le précieux avantage d'avoir été imprimé à Rome, avec l'approbation du maître du sacré Palais.

Les œuvres du bienheureux Suso ont été composées en allemand; quelques-unes cependant ont été aussi écrites en latin par l'auteur, comme on en a la preuve dans le prologue de son principal ouvrage, l'Horologium Sapientiæ æternæ. Ces œuvres se répandirent rapidement dans l'Europe, et des traductions en furent faites dans toutes les langues. La Bibliothèque nationale possède une traduction en vers français du Livre de la Sagesse éternelle, faite, en 1389, par un religieux de Saint-François. Les éditions les plus estimées sont celles d'Augsbourg, par Antoine Sorgen, en 1482, et par Jean Othmar, en 1512. Nous possédons une édition gothique de l'Horologium, imprimée à Cologne parsles Frères Prêcheurs eux-mêmes, et datée du 7 septembre 1509. Pour toutes les indications bibliographiques des œuvres de Suso, nous renvoyons à la notice étendue des Pères Quétif et Echard (1), et à la préface de la dernière édition allemande, publiée en 1829 et en

(1) Vita et opera spirituali del beato Enrico Susone, religioso estatico dell' ordine di S. Domenico. 1 vol. in-4o, Rome, 1663.

(1) Scriptores ordinis Prædicatorum, 1 vol., p. 656,

richie d'une remarquable introduction sur la Mystique, par le célèbre J. Gorres (1).

Nous offrons avec bonheur notre travail à nos frères. Puisse-t-il leur être doux et profitable, comme il l'a été à nous-même. Il y a, nous l'espérons, dans ce volume, des pages dont Dieu se servira pour consoler et réjouir bien des âmes. Nous saluons ces âmes dans la charité de Notre-Seigneur, et nous recommandons à leurs prières les développements de l'Ordre des Frères-Prêcheurs en France.

(1) Suso's Leben und Schriften, herausgegeben von M. Diepenbrock Regensburg, 1829.

VIE

DU

BIENHEUREUX HENRI SUSO

I

Des premières années du bienheureux Suso, et des tentations
qu'il éprouva au commencement de sa conversion.

Il y a maintenant au ciel un bienheureux que vit naître autrefois l'Allemagne. Dieu l'appela dès son enfance à l'état religieux, et le revêtit, à l'âge de treize ans, dans la ville de Constance, de l'habit du glorieux père saint Dominique. L'Église le nomma frère Henri, et le monde Suso.

Les commencements de son noviciat furent éloignés de la perfection religieuse; sa piété fut faible d'abord, son cœur s'abandonna aux futilités de la terre; il ne s'appliqua point à éviter les petites fautes, et à pratiquer les règles de son Ordre, quoiqu'il évitât pourtant les péchés plus graves et tout ce qui pouvait ternir la réputation d'un religieux. Il persévéra dans sa dissipation et ses négligences jusqu'à l'âge de dix-huit ans.

La divine Sagesse l'éclaira alors, et le conduisit merveilleusement des ténèbres de son imperfection à la grande lumière de la vérité. Pendant ces cinq années d'un noviciat peu exemplaire, Dieu, qui l'avait choisi pour l'élever à un haut degré de sainteté, ne l'abandonna jamais; il l'assista et le sauva en troublant miséricordieusement son âme. Il n'y avait pas de paix et de tranquillité pour Suso toutes les fois qu'il se laissait trop captiver par les affections de famille, par la société de ses amis ou par les plaisirs et les jouissances matérielles. Il sentait alors qu'il devait chercher quelque chose qui calmât mieux les besoins de son cœur; ce trouble intérieur, ce dégoût continuel, ces pénibles remords le tourmentèrent jusqu'à ce que Dieu, dans sa bonté, visita le silence de sa cellule et blessa si amoureusement son cœur, qu'il le détacha de toutes ses anciennes habitudes et de toutes les créatures. Frère Henri, vaincu par cette force mystérieuse et toute-puissante, sentit enfin son âme heureuse et tranquille.

Sa vie fut dès lors changée, et ses compagnons, qui ne savaient pas la cause de cette différence, l'expliquaient de mille manières, sans découvrir la vérité. Comme ce saint jeune homme, touché de la grâce divine, se sentait fortement porté à fuir tous les obstacles qui pouvaient l'éloigner de Dieu, et voulait se détacher violemment de toutes les créatures, le démon lui livra un grand combat et s'efforça de lui faire abandonner la sainte résolution qu'il prenait de laisser le monde et de se vaincre lui-même: aussi les tentations vinrent-elles l'assaillir, et l'ennemi de nos âmes s'achar

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