Page images
PDF
EPUB

pour principe, et, comme créatures, elles le reconnaissent pour Créateur.

LE DISCIPLE. L'essence de la créature est-elle

plus noble et plus élevée en Dieu qu'en elle-même ? LA SAGESSE. L'essence de la créature en Dieu

n'est pas créature. La création est plus utile à la créature que l'essence qu'elle avait en Dieu, car la créature ne se confond plus éternellement avec Dieu; mais Dieu, par la création, ordonne divinement toutes les créatures; elles regardent naturellement leur principe, et comme elles sortent de Dieu, elles retournent à Dieu.

LE DISCIPLE. - D'où naissent donc, Seigneur, le péché, l'iniquité, l'enfer, le purgatoire, les démons, si toute créature vient de Dieu et retourne à Dieu ?

[ocr errors]

LA SAGESSE. La créature intelligente et raisonnable devait revenir à Dieu son principe; mais elle resta en elle-même par un acte insensé de son orgueilleuse volonté : de là les démons, l'enfer et toute malice.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

sorti de Dieu pour retourner à Dieu et pour reconquérir sa félicité perdue?

[ocr errors]

LA SAGESSE. Son moyen est Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, qui, par sa dignité incompréhen

sible et par l'efficacité de sa Passion et de sa mort, a fondé les mérites des saints, et est devenu le chef de l'Église. Celui qui veut retourner à Dieu et devenir le fils du Père éternel, doit se quitter lui-même et se convertir entièrement en Jésus-Christ, afin d'arriver à l'union béatifique de la gloire.

[ocr errors]

LE DISCIPLE. Et quelle est cette conversion parfaite en Dieu Jésus-Christ?

par

-

LA SAGESSE. Écoute bien ce que je vais dire: L'homme devait habiter dans son centre, qui est Dieu; il en est sorti par un amour exclusif de lui-même et des créatures; il a ainsi usurpé ce qui était au Créateur. Il s'est ravi lui-même à Dieu dans son aveuglement, et il s'est répandu criminellement dans les créatures; aussi, pour se rendre à Dieu, il doit: 1° se pénétrer du néant de son essence, qui, séparée de la vertu toutepuissante de Dieu, n'est absolument rien; 2° considérer sa nature produite et conservée dans l'être de Dieu, mais malheureusement souillée par sa propre malice; et cela, afin de la ramener à Dieu après l'avoir domptée et purifiée; 3° se relever par une haine généreuse de soi-même; se détacher de la multiplicité des amours créés; se renoncer parfaitement et s'abandonner à Dieu et à son bon plaisir en toute chose, dans la joie comme dans la souffrance, dans le travail comme dans le repos.

Ce renoncement doit être fait de manière à ne jamais se reprendre à Dieu, à être si étroitement uni d'esprit à Jésus-Christ, qu'on puisse voir et faire tout en lui et par lui, et qu'on puisse dire avec saint Paul: « Je

« vis, mais ce n'est plus moi, c'est Jésus-Christ qui << vit en moi (1). »

C'est là ce que veut dire le renoncement de soimême en Dieu; ainsi donc, laisse-toi, abandonne-toi toi-même, non pour détruire et anéantir ta nature, mais pour t'en ôter la propriété et te mépriser souverainement par amour de Dieu : c'est ainsi que tu deviendras heureux.

LE DISCIPLE. - Comment cela, Seigneur?

LA SAGESSE.- Parce que tu goûteras les délices du paradis et que tu jouiras, non pas en réalité, mais par ressemblance, de la félicité suprême des saints, qui sont tellement à Dieu, qu'ils ne pensent jamais à eux

mêmes.

LE DISCIPLE.

ciel?

-

Quel est l'état des saints dans le

LA SAGESSE. - C'est une ivresse divine et ineffable: de même que l'homme ivre s'oublie et n'est plus maître de lui-même, de même les saints s'abandonnent tellement à Dieu, qu'ils perdent en lui toute propriété; qu'ils ne peuvent plus se reprendre; qu'ils vivent avec Dieu, transformés pour toujours en Dieu, comme une goutte de vin qui, jetée dans l'Océan, perd son goût, sa couleur, et se confond avec l'immensité qui la reçoit. LE DISCIPLE. Les saints perdent donc en Dieu. leur nature et leur essence?

-

LA SAGESSE. - Non, mais en Dieu ils ne ressentent aucun désir humain; ils perdent complétement

(1) Vivo autem, jam non ego, vivit vero in me Christus. (Gal., 11, 20.)

l'usage de leur volonté: ils sont abîmés dans la volonté divine, et ne peuvent vouloir que ce que Dieu veut. Leur nature et leur essence restent les mêmes; mais elles revêtent une autre forme, une autre gloire, une autre vertu; car ils sont unis à l'essence divine, et deviennent une même chose avec elle, non par nature, mais par grâce. Une lumière ineffable et une vertu toute-puissante leur font vouloir ce que Dieu veut. Ces dons précieux sont accordés à tous les bienheureux en récompense de leur renoncement parfait et de leur abandon total en Dieu.

LE DISCIPLE.O mon Jésus, ce renoncement est plus admirable qu'imitable. Qui peut ici-bas ne jamais penser à soi et rester indifférent à la prospérité comme au malheur? Il est trop difficile, dans cette vie mortelle, d'aimer purement pour Dieu, sans ressentir la moindre inclination propre, et sans jamais consulter sa

volonté.

LA SAGESSE. Je ne t'appelle point au renoncement des saints, que vous ne pouvez pas même comprendre, parce que les nécessités et les imperfections de la nature vous en empêchent : mais apprends du moins que le renoncement de mes vrais serviteurs est une imitation de celui des saints du paradis. J'ai, parmi mes élus, des âmes pieuses qui vivent dans un oubli complet du monde et d'elles-mêmes, et qui conservent leur vertu stable, immuable, et, pour ainsi dire, éternelle comme Dieu. Elles sont déjà par la grâce transformées dans l'image et dans l'unité de leur principe, et comme Dieu ne peut agir pour d'autres que pour lui, elles ne

pensent, elles n'aiment, elles ne veulent d'autre chose que Dieu et son bon plaisir. Cet état d'union et de renoncement est complet dans le paradis, mais sur terre il se rencontre parmi mes plus fervents adorateurs à des degrés différents, selon les trésors de ma grâce.

XXXI

En quoi consiste le véritable renoncement.

LE DISCIPLE. Dites-moi, éternelle Sagesse, comment souffrent et meurent vos serviteurs qui sur la terre se renoncent parfaitement en Dieu. Je suis persuadé qu'ils mènent une vie très-pure, qu'ils observent les conseils de l'Évangile, et qu'ils tendent toujours à ce qui est le plus parfait.

LA SAGESSE. On ne peut se renoncer en Dieu que par l'observation complète de la loi et par une très-grande pureté de cœur. Car celui qui s'aime et qui aime les créatures, n'a pas la pureté de mon amour et ne pourra jamais renoncer à sa volonté. Mais mes serviteurs vivent toujours de la manière la plus parfaite, détachés d'eux-mêmes au dedans et au dehors, et libres de toute propriété de corps et d'esprit. Dans les épreuves, ils sont tellement forts et constants, qu'ils méprisent la souffrance et qu'ils ne la comptent pour rien. Ils sont tellement bien disposés à la mort, que non-seulement ils la reçoivent avec soumission des mains de Dieu, mais qu'ils l'aiment, qu'ils la désirent plus que tous les trésors du monde, et qu'ils ne vou

« EelmineJätka »