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ques persécutions, ils se troublent, s'impatientent, murmurent, deviennent tristes, et montrent leur peu de mortification. Leur malheur est dans un amourpropre désordonné, par lequel le démon les pousse secrètement à écouter la nature et leur volonté; et ils ne s'en aperçoivent pas.

DU CINQUIÈME DEGRÉ

Le degré du cinquième rocher est celui de ceux qui, dans tous leurs exercices, leurs actions et leurs relations, renoncent à leur propre volonté, et se confient entièrement au bon plaisir de Dieu. Mais comme cette vie est nouvelle pour eux, et que l'habitude ne les a pas encore affermis dans la pratique de la mortification, ils s'avancent timidement, au hasard, se laissant aller à l'inconstance, renonçant quelquefois à leur volonté, et recevant avec joie les obscurités de l'adversité; quelquefois, au contraire, hésitant et craignant que les ténèbres des contrariétés ne les enveloppent au point de les faire tomber dans l'impatience, ainsi qu'il est dit dans David: « Et j'ai dit: Peut-être les ténèbres me ren<< verseront, et la nuit sera ma lumière dans mes dé«lices (1). » Ceux qui seront fermes dans le dépouillement de leur volonté, et que l'adversité trouvera humbles et fidèles, recevront de grandes lumières dans le chemin de la perfection.

(1) Et dixi: Forsitan tenebræ conculcabunt me; et nox illuminatio mea in deliciis meis. (Ps. cxxxviii, 11.)

DU SIXIÈME DEGRÉ

Dans le degré du sixième rocher se trouvent ceux qui ont renoncé énergiquement et parfaitement à toute propriété, et qui veulent persévérer dans leur abandon en Dieu. Ils sont éclairés d'une lumière supérieure, et comprennent que tout ce qui peut leur arriver de bien et de mal durant la vie tourne au profit de leur âme dans les desseins paternels de la Providence; ils disent, dans leur confiance: « Le Seigneur est ma lumière et <«< mon salut, qui craindrais-je ? le Seigneur est le << protecteur de ma vie, qu'est-ce qui me fera trem« bler (1)? »

Cependant, parce qu'ils recherchent et demandent à Dieu les douceurs spirituelles pour supporter plus facilement leurs épreuves, ils servent Dieu avec une certaine propriété d'eux-mêmes; et souvent ils sont troublés dans leur intérieur, lorsqu'ils n'obtiennent pas les consolations célestes qu'ils désirent. Ce désir n'est pas coupable, mais il est une ombre, une imperfection dans cette lumière pure et simple du renoncement parfait qui nous fait aimer le bon plaisir de Dieu dans la privation de sa grâce comme dans son abondance; parce qu'au fond de leur cœur ils ne sont pas complétement détachés, ils n'avancent pas dans la vertu autant qu'ils pourraient le faire, et ils ne s'aperçoivent pas des

(1) Dominus illuminatio mea, et salus mea, quem timebo? Dominus protector vitæ meæ, a quo trepidabo? (Ps. xxvi, 1.)

secrètes et subtiles inclinations de la nature, qui se cherche toujours elle-même.

DU SEPTIÈME DEGRÉ

Le septième degré est celui de ceux qui sont indifférents à tout, qui reçoivent avec une égale joie les consolations et les afflictions, et n'ont d'autre désir que d'obéir à la volonté divine; l'âme fidèle suit avec amour la Croix, comme l'ombre suit le corps, et elle peut dire « Je me suis assise à l'ombre de celui que j'aime, « et son fruit est doux à mon palais (1). » Dieu prodigue les dons spirituels et les grâces supérieures à ceux qui vivent ainsi dans la paix du pur amour; ils aiment la lumière comme les ténèbres, la nuit comme le jour, les peines comme les consolations, et ils peuvent dire avec David: « Vous n'avez pas obscurci les ténèbres, et <«< la nuit est claire comme le jour. Vous êtes toujours <«<le même dans l'obscurité et la lumière (2).

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Grâce à cette sainte indifférence, ils ne perdent jamais la tranquillité de l'âme. Dans les grâces intérieures, ils reçoivent les dons de Dieu avec humilité, et s'avancent toujours vers la perfection; leur mémoire s'enrichit de pensées profondes et admirables; leur intelligence s'éclaire de vérités lumineuses, et leur volonté s'enflamme des ardeurs du divin amour. Mais comme toute abon

(1) Sub umbra illius quem desideraveram, sedi; et fructus ejus dulcis gutturi meo. (Cant., II, 3.)

(2) Quia tenebræ non obscurabuntur a te, et nox sicut dies illuminabitur; sicut tenebræ, ita et lumen ejus. (Ps. cxxxvIII, 12.)

dance est un danger, surtout quand on n'est pas sur ses gardes, ils sont exposés souvent à des illusions, parce qu'ils se reposent dans ces faveurs célestes et qu'ils s'attachent trop au bonheur de ces visites, ne s'appliquant pas à examiner s'ils usent des dons divins avec assez de prudence. C'est ce défaut de prudence dans les grâces du Ciel qui les empêche d'arriver au terme de la perfection.

DU HUITIEME DEGRÉ

Le huitième degré est atteint par les hommes qui se sont abandonnés sincèrement au bon plaisir de Dieu pour le temps et pour l'éternité; ils n'ont aucune propriété, aucun attachement aux créatures, ni même aux dons de Dieu, et s'ils possèdent des biens temporels, ils conservent autant de liberté que s'ils ne les avaient pas; ils vivent également libres au milieu des dons célestes; ils les reçoivent sans orgueil, et restent aussi humbles s'ils ne les recevaient pas.

que

Aussi Dieu les visite par ses illuminations cachées; il leur révèle, au moyen de formes et d'images, des secrets et des choses admirables; mais ces faveurs sont sujettes à des illusions, et sont accordées quelquefois aux imparfaits. Ils vivent, il est vrai, morts à eux-mêmes; ils sont élevés à cette sublime connaissance qui est appelée la contemplation de Dieu dans l'obscurité. Ils ne parviennent pas à cette suprême révélation, à cette vue sans intermédiaire, sans nuages, parce qu'ils ne reçoivent pas encore les communications divines avec

assez de détachement; ils demandent ce qui leur manque et ce qu'ils désirent; ils ne sont pas les mêmes, quand ils jouissent de la lumière divine, ou qu'ils en sont privés; ils aiment beaucoup plus la recevoir que la perdre.

Ils ont une recherche d'eux-mêmes qu'ils n'aperçoivent pas; ils devraient vivre aussi détachés de ces grâces que s'ils ne les avaient jamais reçues; ils devraient admirer seulement la générosité et la bonté de Dieu, et le remercier humblement de ce qu'il a daigné accorder de si grandes faveurs à des vers de terre si méprisables. Ils devraient non-seulement consentir à être privés de ces dons, mais encore s'offrir au plus dur abandon et aux épreuves les plus pénibles. Toutes ces révélations ne sont pas la vie parfaite; elles la facilitent seulement, et montrent les soins de la Providence qui nourrit les âmes et les appelle à la perfection. Voici à quel point doit être vaincue et détruite dans les serviteurs de Dieu toute propriété d'eux-mêmes, afin d'arriver à la vie contemplative et parfaite.

DU DERNIER DEGRÉ

Le dernier degré est celui des parfaits, qui vivent sans cesse dans la plus haute contemplation, et qui brûlent de désirs et d'amour pour Dieu, auquel ils ont sacrifié, par la mortification, leur chair, leur sang et tout leur être. Il semble qu'ils ont à peine conservé les forces physiques nécessaires à l'activité et à l'ardeur de leur esprit; et parce que la ferveur les domine, les

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