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La plus grande perfection à laquelle nous puissions tendre en cette vie est certainement de nous souvenir continuellement de lui, de penser à lui, d'en parler souvent et de nous nourrir de sa vérité; de soupirer après lui, de tout faire pour lui, et de n'avoir d'autre intention que de plaire à lui seul.

Que nos regards soient donc sans cesse fixés sur Dieu; que notre cœur écoute ses exhortations, et que tout notre esprit, tout notre être s'applique, s'attache amoureusement à lui. Quand nous avons le malheur de l'offenser, apaisons-le par la prière; quand il nous éprouve par les douleurs, supportons-les avec résignation; quand il se cache, cherchons-le et ne nous reposons pas avant de l'avoir trouvé ; et quand nous l'aurons trouvé, étreignons-le si fortement, que toujours, dans l'action et dans le repos, dans les repas et dans le travail, le nom de Jésus brille sur notre cœur comme un bijou précieux; que notre bouche, que notre langue, que notre voix ne s'occupent que de Jésus. Pensons-y avec tant d'ardeur lorsque nous sommes éveillés, que nous y songions encore pendant notre sommeil, et que nous puissions dire avec le saint Prophète : « O Dieu éternel! ô très-douce Sagesse! que vous êtes délicieux à l'âme qui vous cherche et qui ne soupire qu'après vous ! >>

Croyez-le bien, ma fille, ce souvenir et cette prière continuelle de Jésus est le couronnement de tous les exercices spirituels, et c'est vers ce but que doivent tendre tous nos efforts. Les bienheureux, dans le Ciel, font-ils autre chose que de contempler Dieu, l'aimer

et le louer toujours? Ainsi donc, plus amoureusement nous fixons dans nos cœurs Jésus, qui est l'éternelle Sagesse, plus nous le contemplons et l'embrassons de toutes les puissances de notre âme, plus aussi nous en jouirons délicieusement en cette vie et en l'autre. Que le souvenir de saint Paul nous encourage et nous anime. Ce saint apôtre portait si fortement gravé dans les entrailles de son affection le nom de son divin Maître, qu'au moment de son supplice, sa tête, séparée du tronc, prononça encore trois fois le nom de JESUS. Et saint Ignace martyr, lorsque les bourreaux lui demandaient pourquoi il prononçait sans cesse le nom de Jésus: « C'est, répondit-il, que je l'ai gravé en lettres d'or sur mon cœur. » On vit après sa mort qu'il disait la vérité.

Je termine ici ma lettre, et, puisque vous me demandez, ma bien douce fille, que je pose ma main sur l'endroit de ma poitrine où j'ai gravé le nom de Jésus dans ma chair, et que je vous bénisse avant de mourir, je ne veux pas vous refuser cette consolation. Ainsi, plein de confiance en la miséricorde de Jésus-Christ, je place ma main sur ma poitrine, et après y avoir imprimé la marque que Jésus y a laissée, je vous bénis, vous et tous mes enfants spirituels qui seront dévoués à Jésus et à Marie. - Adieu.

CONSEILS DU BIENHEUREUX SUSO A SA FILLE SPIRITUELLE

ÉLISABETH STAEGlin (1).

Le bienheureux Suso eut pour fille spirituelle une religieuse dominicaine, nommée Élisabeth Staeglin. Elle habitait un couvent cloîtré d'Allemagne; sa vic extérieure était sainte, et la beauté de son âme ressemblait à celle des anges. Elle s'était donnée si parfaitement à Dieu, qu'elle s'était détachée tout à coup des choses inutiles et des vanités qui empêchent les hommes de faire leur salut. Elle mettait tous ses soins à étudier les choses spirituelles pour mieux atteindre l'unique objet de ses désirs. Si elle apprenait quelques vérités profitables à son âme, elle les notait avec soin, imitant l'abeille diligente qui retire de beaucoup de fleurs la douceur de son miel.

Elle reçut surtout de grandes lumières du bienheureux Suso, qui lui apprit comment il s'était renoncé et attaché lui-même à Dieu. Il l'éclaira et la dirigea dans les commencements de sa vie spirituelle. Élisabeth recevait des communications divines qui la troublaient et la charmaient à la fois, et elle demandait à son

(1) Nous joignons aux lettres de Suso les conseils qu'il donnait à sa fille spirituelle Élisabeth Staeglin. C'est cette religieuse dominicaine qui a écrit la Vie du Bienheureux, d'après ses pieuses confidences. Les passages qui la regardent ont été retranchés de l'édition italienne, parce qu'ils nuisaient à l'unité du récit. Nous les donnons d'après les Bollandistes. Rien ne nous semble plus touchant que cette affection pure et sainte, cette adoption en présence des anges, ces entretiens sur la Croix, et ces chants poétiques que le bienheureux Suso compose, et que la sœur Élisabeth Staeglin met en vers.

directeur de vouloir bien l'entretenir de ces sublimes matières. Celui-ci lui répondit :

«Ma fille, si c'est par ambition ou curiosité que vous me demandez que je vous parle de ces choses élevées, afin d'en pouvoir parler vous-même, je vous dirai en peu de mots qu'il ne faut pas trop vous en réjouir, car elles vous exposent à tomber dans de graves erreurs. La sainteté et la perfection ne consistent pas dans de belles paroles, mais dans de bonnes actions. Si vous me questionnez seulement pour rendre votre vie plus parfaite, suivez mes conseils, mettez de côté les hautes spéculations, et demandez des choses plus simples et plus utiles. Vous êtes, il me semble, encore bien jeune, bien peu avancée dans la vie religieuse; il vaudrait mieux pour vous et pour celles qui vous ressemblent, apprendre les principes de la vie active', et connaître de bons et salutaires exemples: savoir comment tels ou tels amis de Dieu se sont d'abord convertis et se sont exercés sur la vie et la Passion de notre Seigneur Jésus-Christ; comment ils ont été sans cesse éprouvés, et comment ils ont agi à l'extérieur et à l'intérieur; si Dieu les a conduits par les douceurs, ou par les sécheresses; enfin, quand et comment ils se sont délivrés des formes et des images sensibles. C'est par ces enseignements que l'âme qui commence est excitée à la perfection et dirigée dans les choses du salut. Dieu peut, il est vrai, lui apprendre tout en un instant, mais il ne le fait pas ordinairement, et ce sont les épreuves, les peines et les combats qui doivent nous instruire. »

Élisabeth lui écrivit alors:

« Mon Père, ce ne sont pas de hautes et sublimes paroles que je désire, c'est une vie sainte et pure, et je suis fermement résolue à faire tous mes efforts pour y parvenir, quels que soient les difficultés et les ennuis que j'y rencontre; les privations, les souffrances, la mort même ne sauraient m'arrêter. Mon Père, que la faiblesse de ma nature ne vous épouvante pas. Tout ce que vous me commanderez, quelque pénible que ce soit, je n'en serai pas effrayée, parce que j'espère en la grâce divine. Commencez d'abord par les petites choses, et menez-moi peu à peu jusqu'aux grandes, comme le maître d'école qui enseigne aux enfants ce qui convient à l'enfance, et leur donne ensuite des leçons de plus en plus sérieuses, jusqu'à ce qu'ils deviennent savants eux-mêmes. Je veux vous demander une grâce que je vous conjure de ne pas me refuser, j'en ai besoin pour me conduire et me soutenir dans les épreuves qui m'attendent. On dit que le pélican, vaincu par son amour, se blesse lui-même et nourrit ses petits avec son sang. Faites de même, nourrissez votre pauvre et misérable petite fille de vos saintes instructions, et ne les prenez qu'en vous-même. Cette nourriture soutiendra mieux mon âme altérée, parce qu'elle goûtera mieux ce que vous aurez appris par expérience. »>

Le bienheureux Suso répondit:

<< Ma fille, il y a peu de temps que vous m'avez communiqué les hautes et sublimes pensées que vous aviez recueillies dans les beaux écrits du docteur Ec

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