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M. le président. Personne de demande lire en entier, il aurait vu que notre proposi plus la parole?... tion ne concernait pas les paysans.

M. le rapporteur. Je demande la parole. (Mouvements divers.)

Plusieurs sénateurs. Aux voix !

Quelle idée se fait on donc des industriels et des commerçants français quand on les traite M. de Gavardie. Nous verrons cela tout en mineurs incapables d'user avec intelligence à l'heure. d'une liberté qui est pratiquée avec succès dans presque tous les pays du monde civilisé?

M. le rapporteur. Oh! non! non! alors M. Emile Labiche, rapporteur. Messieurs, je retire ce que je viens de répondre à M. de Gavardie. (Rires.)

vous allez au-devant de mon désir en m'indiquant que je ne dois pas développer ma réponse.

Je ne suivrai donc pas mon honorable collègue dans tous les développements qu'il a donnés aux considérations théoriques qu'il vous a exposées; à l'heure qu'il est, il me faudrait son talent et sa science pour m'imposer à l'attention du Sénat. Je me contenterai de dégager de son discours les quelques considérations pratiques qui m'ont paru se rapporter plus directement au projet de loi qui vous est soumis.

M. Marcel Barthe a défendu surtout sa thèse par des considérations humanitaires. Notre honorable collègue aime beaucoup les petits, les faibles, les malheureux; aussi la principale considération qui le rend hostile à la loi, c'est qu'il suppose qu'elle aura des conséquences fâcheuses pour ceux qui ont toutes ses sympathies.

Elle est faite, nous dit-il, dans l'intérêt des prêteurs et non des emprunteurs, or, comme tout son cœur est pour les emprunteurs, il pour notre proposition une hostilité irréconciliable.

Dût mon honorable collègue m'accuser de nouveau de naïveté, je lui demanderai la permission de lui répondre qu'il se trompe, et que la loi, loin d'être défavorable à ceux qui ont besoin d'emprunter, n'aura pour eux que

d'utiles résultats.

En effet, les prêteurs ont beaucoup moins besoin de la nouvelle loi que les emprunteurs. Voici pourquoi: Il existe deux classes de prêteurs ceux qui respectent la loi et ceux qui ne craignent pas de la tourner.

Ceux qui respectent la loi, pour faire de leurs capitaux un usage fructueux, pour les prêter au cours normal du marché, ne sont pas dans la nécessité de les prêter à des particuliers. Sans recourir aux prêts individuels, ils ont mille moyens d'obtenir de leurs capitaux un profit en rapport avec le taux normal du marché, fût-il, comme nous devons le supposer, au-dessus du taux légal.

Il leur suffit, en effet, d'aller à la Bourse, d'acheter des fonds d'Etat plus ou moins dépréciés, de faire des reports, de prêter souvent même au Gouvernement ou à des entreprises dont il ga. rantir la so'vabilité. Ainsi, ils obtiennent faci

lement, lorsque le taux du loyer des capitaux dépasse le taux fixé par la loi de 1807, un produit en rapport avec le cours du marché.

M. de Gavardie. Les paysans ne vont pas à la Bourse!

M. le rapporteur. Permettez, mon cher collègue, la question que nous traitons en ce moment est celle du taux de l'intérêt des emprunts en matière de commerce.

Si mon honorable collègue, qui a bien voulu - m'exprimer le regret d'avoir trouvé mon rapport trop court, m'avait fait l'honneur de le

J'avais l'honneur de dire tout à l'heure au Sénat qu'il y avait deux sortes de prêteurs, ceux qui respectent la loi et ceux qui ne la respectent pas ; que pour ceux qui la respectent, il ne leur est pas difficile de se procurer pour leurs capitaux un emploi en rapport avec le cours normal du marché, sans prêter en fraude de la loi aux particuliers qui excitent à bon droit les sympathies de l'honorable M.

Marcel Barthe.

Quant à ceux qui ne respectent pas la loi, je n'apprendrai rien à personne en disant qu'il y a bien des manières de la tourner et de passer au-dessus du taux légal saus s'exposer aux peines édictées par notre législation.

En fait, les statistiques le prouvent, la légis lation contre l'usure n'a le plus souvent aucune sanction. Ce n'est guère qu'une prescription morale qui empêche les capitalistes scrupuleux de prêter leurs capitaux à des par scrupuleux de prêter leurs capitaux à des par

ticuliers.

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la voie du

La situation de ceux qui ont besoin d'emprunter n'est donc pas améliorée crédit leur est fermée auprès des capitalistes soucieux de respecter la loi, et ils n'ont d'autre ressource que de subir la loi d'autres capitalistes moins scrupuleux; ceux-ci, n'ayant pas à subir la concurrence des premiers, ont en réalité le monopole des prêts demandés par les emprunteurs pauvres et malheureux, de telle sorte qu'on peut dire qu'aujourd'hui les

restrictions de la loi actuelle sont favorables aux capitalistes peu scrupuleux.

Mais savez-vous quels sont ceux qui n'ont pas satisfaction? ce sont les emprunteurs auxquels vous vous intéressez avec raison.

Ceux-là se trouvent dans la nécessité de subir une de ces deux alternatives: ou bien de recourir aux usuriers qui n'ont plus à craindre la concurrence des capitaux honnêtes et qui savent bien leur faire payer, et souvent très cher, et le monopole que la loi leur attribue, et l'infraction qu'ils commettent, ou bien de ne pas emprunter du tout.......

M. Oudet. Et c'est ce qu'il y a de mieux à faire !

M. le rapporteur. Voilà une théorie qu'on serait bien étonné d'entendre dans les parlements étrangers! Comment! j'entends encore aujourd'hui l'honorable M. Oudet reinstrument dangereux, et que mettre des capinouveler cette affirmation que le crédit est un taux à la disposition des commerçants, des industriels et de tous ceux qui en ont besoin, c'est leur rendre un mauvais service! c'est les exposer à se ruiner! Autant dire que mettre un fusil perfectionné entre les mains de nos soldats, c'est les exposer à se blesser! Quand donc cessera-t-on de considérer comme des imprudents et des incapables dans la conduite de leurs affaires privées des citoyens que notre Constitution investit de tous les pouvoirs politiques?

En leur facilitant le crédit, nous cherchons à mettre entre leurs mains un instrument puissant de travail, et vous vous écriez: Prenez garde, si vous leur permettez d'emprunter, ils vont se ruiner!

Vous supposez donc que les Français ne sont capables d'emprunter que pour dissi per ? vous supposez qu'en règle générale les Français ne feront que des emprunts dits de consommation et non des emprunts destinés à la production?

En vérité, soutenir de pareilles doctrines ici, à cette tribune du Sénat, je dis que c'est calomnier la nation française. (Très bien ! très bien ! sur un grand nombre de bancs.)

m'être laissé entrainer ainsi par l'interruption Je vous demande pardon, messieurs, de de mon honorable collègue M. Oudet. Je me suis écarté de mon projet, qui était de suivre pas à pas les objections pratiques que j'ai cher. ché à dégager du discours de mon honorable ami, M. Marcel Barthe.

J'y reviens: D'après moi, la loi actuelle n'a, en pratique, que deux résultats: ou de constituer un monopole au profit des usuriers ou de mettre les personnes peu à l'aise, qui ont besoin d'emprunter, dans l'impossibilité de trouver les capitaux qui leur sont nécessaires, toutes les fois que sur le marché des capitaux le taux de l'intérêt est plus élevé que ie taux fixé par le législateur de 1807.

Les intentions de l'honorable M. Marcel Barthe sont excellentes. Il s'intéresse aux pauvres, aux malheureux; il veut mettre l'argent à la disposition des travailleurs au taux le plus faible; c'est très bien. Mais examinons ei les résultats répondront à vos vues: Comme vous n'obligez personne à prêter aux taux légal, votre prohibition de prêter au cours normal du marché n'est, en réalité, que l'interdiction du prêt, quand ce cours normal dépasse le taux légal. Or, enlever tout moyen de crédit à ceux qui en ont besoin, est-ce les protéger bien utilement ?

Prenons un exemple: lorsque le gouverne. ment français empruntait, en 1871, au dessus du taux légal, croyez-vous que vous auriez trouvé des capitalistes qui auraient consenti à prêter à des particuliers au taux auquel le gouvernement ne trouvait pas prêteur?

Si la loi était observée, c'était l'interdiction

du crédit pour tous les particuliers; si la loi n'était pas observée, le prêteur était exposé à passer en police correctionnelle pour des actes dont le gouvernement donnait l'exemple.

Je suis donc fondé à dire qu'en maintenant les prescriptions de la loi de 1807, c'est surtout aux emprunteurs que l'on fait tort, car, en temps de crise, si la loi est observée, ils ne pourront trouver d'emprunts et pourront se voir privés des moyens d'action qui leur sont indispensables.

J'arrive maintenant, promptement à cause

al investigatio

de l'heure, à une dernière considération de | merce, des prescriptions qui ne sont plus ob- | lègue, comme je suis absolament convaincu mon honorable collègue.

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servées par la jurisprudence.

Pourquoi notre honorable collègue veut-il maintenir le statu quo?

En vue d'une protection absolument illagine qu'en frappant le loyer des capitaux soire des emprunteurs, notre collègue s'ima.

d'une loi de maximum, on arrivera à les mettre à bon compte à la disposition des petits et des faibles auxquels il s'intéresse !

Cette espérance ne serait réalisable que si, en refusant aux capitaux l'emploi rémunéraM. de Gavardie. La question vaut la peine teur que peut leur offrir le prêt à intérêts éled'être examinée.

M. le rapporteur. Il n'y a que trop longtemps qu'on l'examine et voilà bientôt dix ans qu'elle n'a cessé d'être à l'étude devant notre Parlement.

Je n'ai, du reste, ni le désir ni la prétention de dire sur la question tout ce qui peut être dit, je voudrais seulement rappeler ce que je crois absolument indispensable pour répondre

à mes honorables contradicteurs.

M. Marcel Barthe terminait tout à l'heure son discours en déclarant qu'il ne méconnaissait pas les résultats de l'expérience, mais, ajoutait-il, voyez l'Autriche, voyez la Hongrie, voyez l'Allemagne. Là au moins on trouve une législation qui réprime les abus que tolère votre projet !

Si mon honorable collègue avait bien voulu lire en entier le rapport de la commission dont il est le président, il y aurait vu qu'immédiatement après l'article qu'il nous a lu, nous en citions un autre, l'article 14, qui est

ainsi conçu :

« Art. 14. Quand il s'agit d'opérations commerciales où le créancier aussi bien que le preneur à crédit est un commerçant, les dispositions des articles précédents ne sont pas applicables... >

Par conséquent, la loi même qu'invoquait tout à l'heure mon honorable collègue suffit à réfuter le reproche qu'il nous adressait.

La loi autrichienne ne réprime pas les abus les plus caractérisés quand il s'agit d'un prêt commercial, et notre proposition ne concerne que les prêts en matière de commerce.

La critique qu'on nous adressait en nous opposant la loi de Hongrie est-elle mieux justifiée ?

vés sur particuliers, on leur refusait également les autres emplois à forte rémunération qu'ils peuvent trouver en temps de crise: emprunts d'Etat, entreprises garanties par l'Etat, fonds étrangers dont les arrérages sont d'autant plus élevés que les risques sont plus grands, reports, etc.

En un mot, notre honorable collègue est surtout frappé de considérations humani

taires.

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Mais à ce point de vue, ce qui est désirable pour l'argent l'est également, je ne dirai pas pour toutes les marchandises, afin de ne pas prolonger une question de mots; mais pour tous les capitaux, qu'il s'agisse de l'argent, capital par excellence puisqu'il procure tous les autres, ou qu'il s'agisse des autres capitaux, instruments de travail, terres, maisons, etc.

Or, la théorie d'intérêt social défendue par notre honorable collègue devrait l'amener logiquement à édicter une série de dispositions défendant de dépasser un certain taux de location. (Oh! oh!)

Si le moyen préconisé par M. Marcel Barthe pour assurer les bas prix du capital-argent pouvait donner les résultats qu'il attend, pourquoi ne pas le généraliser? (Rires.)

Prenons pour exemple les maisons d'habitation.

L'élévation des loyers des maisons n'est-elle Il suffit pour y répondre de reproduire une pas une cause de gêne pour beaucoup de méautre citation de notre rapport.

En aucun cas, la loi • n'est applicable aux opérations commerciales dans lesquelles le crédité qui les conclut est un commerçant patenté. »

Si M. le président de la commission, avec lequel nous avons eu le plaisir d'étudier ces questions depuis 1882, avait bien voulu alors nous proposer le système qui paraissait avoir ses préférences, c'est-à-dire la liberté comme en Autriche, il est probable que nous aurions accueilli avec empressement sa proposition, dans le cas où nous aurions pu espérer la voir accueillie par le Parlement.

Quant à présent, la réforme que nous de. mandons est bien plus modeste.

Nous nous contentons de supprimer dans la législation, et seulement en matière de com

nages?

S'il est désirable d'avoir de l'argent à intérêt faible, il n'est pas moins désirable d'avoir des logements à loyer peu élevé.

Pourquoi, pour atteindre ce résultat, ne pas mettre un maximum sur le loyer du capitalmaison, comme sur le loyer du capital-argent?

Si la théorie appliquée aux prêts d'argent donnait les résultats qu'on suppose, en la généralisant elle devrait amener de même l'abaisse. ment des loyers.

Mais l'expérience a prononcé. Les lois de maximum ne sauraient prévaloir contre la nature des choses. Quand on veut faire violence aux capitaux, ils se dérobent.

Je termine: tout en rendant justice aux excellentes intentions de mon honorable col

que les dispositions qu'il nous propose iraient absolument contre le but qu'il a en vue, je vous demande de ne pas adopter l'amende. ment qu'il soumet au Sénat. (Très bien ! très bien sur divers bancs.)

M. de Gavardie. Je demande la parole. Voix nombreuses. A jeudi!

M. le président. On demande le renvoi de la discussion à jeudi ? (Oui! oui!)

Il n'y a pas d'opposition ?...
La discussion est renvoyée à jeudi.

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MM. Allou. Ancel. Andigné (général marquis d'). Arbel. Arnaudeau (général). Audiffret-Pasquier (duc d'). Audren de Kerdrel. Barbedette. Barbey. Bardoux. Barne. Barthe (Marcel). Barthélemy-Saint-Hilaire. Batbie. Bazille (Gaston). Beauchamp (de). Béral. Bẻrenger. Bergeon. Berlet. Berthelot. Billot (général). Blanc (Xavier). Blavier. Bocher. Bondy (comte de). Bouteille. Brémond d'Ars (général marquis de). Brossard. Bruel. Brun (Charles).

Cabanes (Joseph). Cabanes (Léon). Callen. Calmon. Campenon (général). Canrobert (maréchal). Carné (marquis de). Carnot. Carquet. Casabianca (de). Chabron (général de). met. Challemel-Lacour. Chantemille.

don.

ChalaChar

Charton (Edouard). Chaumontel. Chesnelong. Chiris. Clamageran. Claris. Claude. Clément (Léon). Combes. Combescure (Clẻment). Corbon. Cordelet. Corne. Cornil. Cornulier (comte de). Cornulier-Lucinière (comte de). Couturier. Cuvinot.

Dauphinot. Deffis (général).

Delbreil. Del

sol. Demiautte. Demôle. Denis (Gustave).

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Gailly. Garrisson. Gaudineau. Gaudy. Gavardie (de). Gayot (Emile) (Aube). Gent. George. Girault. Gouin. Goujon. Goutay. Gresley (général). Grévy (général). Griffe.

Rampont. Ravignan (baron de). Rémusat
(Paul de). Rigal. Robert (général). Robert de
Massy.
Roger (Dordogne). Roger-Marvaise.
Rozière (de). Rubillard.

de). Cazot (Jules). Chadois (colonel de). Chavassieu. Cordier.

Dauphin. Deschanel. Dide. Donnot. Dufay. Dumon.

Eymard-Duvernay.

Feray. Foucher de Careil. Fresneau.

Garrigat. Girot-Pouzol. Goguet. Grandperret. Grévy (Albert). Guichard (Jules) (Yonne). Halgan (Emmanuel). Halna du Fretay. Hébrard (Adrien). Hébrard (Jacques). Honnoré. Hugot (Côte-d'Or). Huguet (A.). Humbert. Jaureguiberry (amiral). John Lemoinne Krantz.

Lacombe. Lades-Gout. Lafond de Saint-Mur Saint-Pierre (vicomte de). Saint-Vallier | baron). Laporte. Laurent-Pichat. Le Blond. Guiffrey (Georges). Guillemaut (général). Gui- (comte de). Saisy (Hervé de). Scheurer-Kest- Le Cherbonnier. Le Monnier. Le Provost de not. Guyot. Guyot-Lavaline. ner. Schoelcher. Sébire. Simon (Jules). Soubigou. Soustre.

Isaac. Issartier (Henri).

Jacques.

bard.

Jaurès (amiral). Jean Macé.

Jo

Kiener. Kolb-Bernard. Labiche (Emile). Labiche (Jules). LacaveLaplagne. La Caze (Louis). Ladmirault (général de). Lafayette (Edmond de). Lagache (Célestin). Lalanne (Léon). Lareinty (baron de). La Sicotière (de). Lavalley. Lavrignais (de). Le Bastard. Lecointe (général). Le Guay (baron). Le Guen. Lenoël (Emile). Libert. Lizot. Lorgeril (vicomte de). Loubet. Lur-Saluces (comte Henri de).

Magniez. Magnin. Maleville (marquis de). Malézieux. Marcère (de). Marion. Marquis. Martel. Martin (Georges). Massé. Massiet du

Tenaille-Saligny. Testelin. Tézenas. Thurel.
Tirard. Tolain. Tréville (comte de.) Tribert.
Vallée (Oscar de). Velten. Verninac (de).
Véron (amiral). Viellard-Migeon.
Viellard-Migeon. Vigarosy.
Vissaguet. Voisins-Lavernière (de).
Wallon.

N'ONT PAS PRIS PART AU VOTE:

MM. Andlau (général comte d'). Angle-Beaumanoir (marquis de l'). Arago (Emmanuel). Baragnon (Louis-Numa). Bozérian. Brun (Lucien). Buffet.

Caduc. Camparan. Carayon La Tour (Joseph

Launay. Le Royer. Luro.

Marcou. Meinadier (colonel). Mercier. Michaax. Monneraye (comte de La). Munier. Osmoy (comte d').

Pajot. Parent (Savoie). Parry. Péronne. Plantié.

Raismes de). Renault (Léon).

(Théophile).

Roussel

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Procès-verbal.

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SOMMAIRE. Discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, ayant pour objet d'ouvrir au ministre de l'intérieur, sur l'exercice 1885, un crédit supplémentaire de 70,000 fr. pour secours aux réfugiés étrangers. Adoption, au scrutin, du projet de loi. = Dépôt, par M. de Marcère, du rapport sur deux projets de lois, adoptés par la Chambre des députés, portant approbation : le 1", de l'acte général de la conférence de Berlin ; le 2°, d'une convention et d'une convention additionnelle conclues, le 5 février 1885, entre le Gouvernement de la République française et l'association internationale du Congo, pour la délimitation de leurs possessions respectives. Suite de la 2o délibération sur la proposition de loi, adoptée par la Chambre des députés, relative au taux de l'intérêt de l'argent. Suite de la discussion de l'amendement de M. Marcel Barthe: MM. de Gavardie, Marcel Barthe, Emile Labiche, rapporteur. Rejet, au scrutin, de l'article 2 du contre-projet de M. Marcel Barthe. Amendement de M. Bozérian: MM. Bozérian, le rapporteur, le baron de Lareinty, le président. Renvoi du contreprojet de M. Bozérian à la commission. Ajournement de la suite de la discussion. =1" délibération sur la proposition de loi, adoptée par la Chambre des députés, relative aux délégués mineurs : MM. Paris, le président. = Article 1". Amendement de MM. Paris et Blavier : MM. Paris, le président. Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance. Incident MM. le président, le baron de Lareinty. = Règlement de l'ordre du jour. - Renvoi de la prochaine séance à samedi.

PRÉSIDENCE DE M. LE ROYER

Le séance est ouverte à deux heures. M. Barbey, l'un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance du 1er décembre.

Le procès-verbal est adopté.

ADOPTION D'UN PROJET DE LOI PORTANT OU-
VERTURE D'UN CRÉDIT AU MINISTRE DE L'IN-
TÉRIEUR

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par la Chambre des députés, ayant pour objet d'ouvrir au ministre de l'intérieur, sur l'exercice 1885, un crédit supplémentaire de 70,000 fr. pour secours aux réfugiés étrangers. Quelqu'un demande-t-il la parole pour la discussion générale ?...

Je consulte le Sénat sur la question de savoir s'il entend passer à la discussion de l'article unique du projet de loi.

Il n'y a pas d'opposition ?...
Je donne lecture de l'article unique.

« Il est ouvert au budget du ministère de l'intérieur un crédit supplémentaire de 70,000 francs, à inscrire au chapitre 46 (Secours aux réfugiés étrangers) de l'exercice 1885.

des ressources générales du budget de cet
exercice. >

Il va être procédé au scrutin.

(Le scrutin a lieu. MM. les secrétaires opèrent le dépouillement des votes.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

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SUITE DE LA 2o DÉLIBÉRATION SUR LA PRO-
POSITION DE LOI RELATIVE AU TAUX DE
L'INTÉRÊT DE L'ARGENT

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la 2o délibération sur la proposition de loi, adoptée par la Chambre des députés, relative au taux de l'intérêt de l'argent.

La parole est à M. de Gavardie.

M. de Gavardie. Nous ne sommes pas en nombre, monsieur le président.

M. le président. Le bureau trouve que le Sénat est en nombre pour délibérer.

M. de Gavardie. Messieurs, dans une

M. le président. La parole est à M. de question de cette nature, il y a toujours des Marcère pour le dépôt d'un rapport.

M. de Marcère. J'ai l'honneur de déposer sur le bureau du Sénat un rapport fait au nom de la commission chargée d'examiner deux projets de lois, adoptés par la Chambre des députés portant approbation: le 1er, de l'acte général de la conférence de Berlin, et le 2o, d'une convention et d'une convention additionnelle conclues, le 5 février 1885, entre le Gouvernement de la République française et l'association internationale du Congo, pour la délimitation de leurs possessions respec

M. le président. Le rapport sera imprimé

« Il sera pourvu à cette dépense au moy en et distribué.

arguments nouveaux à présenter; véritablement, permettez-moi d'exprimer le regret que nous ne soyons pas encore en nombre.

Si j'avais en face de moi M. le ministre de l'intérieur, il y aurait bien un moyen d'attendre que nous soyons en nombre.

Un sénateur. Il est au Sénat.

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sieurs jours, il a donc eu le temps de prendre lorsqu'on cite de grandes autorités comme
ses renseignements.
celle des livres inspirés, comme celle de Bos-
suet et de tous les grands hommes qui se sont
occupés de cette question, on peut bien met.
tre ces grands témoignages en comparaison
avec l'opinion de M. Truellé. C'est un très
joli nom de législateur, da reste, que celui de
M. Truelle... (Réclamations nombreuses.)

M. le président. Monsieur de Gavardie, vous savez bien qu'aux termes du règlement, pour poser une question, il faut avoir l'agrément du ministre auquel on veut poser cette question.

M. de Gavardie. J'ai quelque raison de croire que M. le ministre ne refusera pas son agrément.

M. le président. Vous avez la parole sur la proposition de loi relative au taux de l'intérêt de l'argent, il y a assez de sénateurs présents pour que vous puissiez commencer votre discussion.

M. de Gavardie. Quand il s'agira de vo· ter, il y aura des arguments qui ne viendront pas à l'esprit de ceux qui voteront.

Enfin, messieurs, je me soumets et je recommande de plus en plus cette discussion à

votre bienveillante attention.

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M. le président. Vous voyez, monsieur de Gavardie, la désapprobation que vous soulevez dans le Sénat.

A gauche. C'est inconvenant!

M. de Gavardie. Enfin, autrefois, on avait plus de liberté à la tribune.

M. le président. La liberté de la tribune ne peut aller jusqu'à l'abus.

M. de Gavardie. Véritablement, messieurs, je ne sais pas ce qu'il faut dire, s'il n'est pas permis de dire que l'autorité des grands hommes que je rappelle est plus considérable que celle de M. Truelle... (Bruit à gauche.) Enfin, je n'insiste pas.

La presse — je parle toujours d'une certaine partie de la presse me fait dire cette chose singulière, cette chose qui est véritablement phénoménale: « Je ne verrais pas d'inconvénient à ce que l'usure fut permise à l'égard des étrangers. »

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Comment se fait-il donc, messieurs, qu'on ne s'adresse pas actuellement à ces prêteurs sérieux et honnêtes? Pourquoi va-t-on trouver des usuriers? Et quelle influence pent Il y a dans l'opinion, des illusions et des égare avoir la loi nouvelle sur la situation? Com. ments singuliers. Nous avons une presse qui est ment! les prêteurs, les détenteurs de capicertainement - au moins quelquefois — inteltaux honnêtes et sérieux prêtent à 9 p. 100, ligente; mais, dans cette question, elle fait et ils ne sont pas satisfaits! Aujourd'hui, en preuve-je parle en général, il y a toujours effet, quand on s'adresse à des banquiers, surdes exceptions-elle fait preuve d'une ignotout à des banquiers de province, on ne trouve rance qui dépasse toutes les limites; non seude l'argent qu'à 8 et 9 p. 100 ! Si je comlement d'une ignorance, mais d'une véritable....... Si j'avais dít cela, messieurs, j'aurais dit une mets une erreur, je ne demande pas mieux je ne voudrais pas aller jusqu'au bout de ma sottise. J'ai dit, au contraire, une chose bien qué d'être redressŐ • on ne trouve, dis-je, de pensée; je me borné à dire qu'elle ne dis- simple et qui répond précisément au principal l'argent qu'à 8 ou 9 p. 100 parce que, outre les cute pas sérieusement une question comme argument qui est invoqué dans toutes les dis-6 p. 100, il y a les droits de commission et les celle-là, Je me suis permis de citer les plus cussions depuis un certain nombre d'années. droits accessoires. Et cela n'est pas suffisant? grandes autorités qui soient dans le monde, mais Nous sommes, nous dit-on, dans un état d'in- Dites-moi ce que va faire votre loi nouvelle? nous sommes arrivés aujourd'hui à un abaís-fériorité vis-à-vis de l'étranger. Je réponds: Elle va favoriser les prêteurs cupides; n'étant sement intellectuel tellement considérable, que plus arrêtés par rien, par aucune considération cela a prêté à des ricanements que je pourrais légale, ils vont prêter à 7 et 8 p. 100, tout déclarer être souverainement indécents. Il paen continuant à percevoir les droits accesraît que des hommes que, dans sa langue harsoires. die, Bossuet appelait des grands hommes, ces hommes-là n'ont plus d'autorité aujourd'hui, et que MM. Lherbette, Limperani et Truelle sont des autorités beaucoup plus décisives. J'avais, en effet, oublié M. Truelle... M. Emile Labiche, rapporteur. Et Tur

got.

M. le président. Ce sont là des personnalités qui ne sont pas convenables, permettez moi de vous le dire, monsieur de Gavardie. M. le rapporteur. Monsieur de Gavardie, vous oubliez Turgot !

M. de Gavardie, Messieurs, des personnalités, je ne sais pas où M. le président en voit. Je dis que l'autorité de Moïse, par exemple, est moins grande que celle de M. Truelle. Je ne fais pas, je crois, en disant cela, injure à M. Truelle.

M. le président. Opposez les motifs de Moïse à ceux de M, Truelle; mais ne parlez pas de M. Truelle dans les termes que vous avez employés.

M. de Gavardie. Mais, monsieur le président, je ne fais aucune injure à M. Truelle.

M. le président. M. Truelle est un homme de conscience qui a cru faire son devoir comme vous croyez faire le vôtre; laissez donc, je vous en prie, sa personnalité en dehors du débat et bornez-vous à discuter ses motifs.

M. de Gavardie. Mais, monsieur le président, je n'attaque pas M. Truelle. Je dis que

non, et par une raison bien simple, c'est que
dans les pays où le taux de l'intérêt est libre,
les Français sont parfaitement libres de con-
tracter comme les étrangers; la loi commer-
ciale ne les atteint pas; la loi de 1850 les
atteint encore moins. Par conséquent votre
argument tombe; et quant à ce mot d'usure, il
est singulièrement détourné de son sens pri-
mitif.

Je ne vois pas ce qu'on peut objecter à cela. On a dit: C'est chose immorale que de laisser la jurisprudence en désaccord avec la loi Geci est grave, messieurs. Comment! la jurisprudence française serait uns jurisprudence immorale ? Y a-t-on bien songé ? S'est-il produit un mou· vement d'opinion contre cette jurisprudence immorale? Messieurs, qu'a fait la jurisprudence? Elle a dit qu'en dehors de l'intérêt légal ou conventionnel à 6 p. 100 en matière de commerce, pour ne parler que des matières de commerce, il serait permis aur banquiers et autres détenteurs de capitaux de percevoir des bénéfices accessoires. Eh bien, mais, qu'est ce qu'il y a 18 d'iflégitime ?

Quand Moïse et je reviens à Moïse (Ex-❘ clamations à gauche.) — mais ouf, messieurs; j'y reviens précisémem parce que dans ce temps de légèreté et d'ignorance, il n'est plus permis de citer ceux que Bossuet appelait des grands hommes, même en les considérant au point de vue purement humain. Ce mot d'asure alors ne voulait pas dire qu'on avait le droit d'écraser les étrangers, par des intérêts absolument hors de proportion avec le péril ou le profit. Non! non! s'il n'était pas permis, Un particulier commerçant prête à 6 p. 100; ainsi que le disait la loi de Moïse, de prêter à mais ce particulier commerçant peut ne pas intérêt, a simple intérêt, de frère frère, il avoir de grands bureaux; il arrive souvent était permis de prendre des intérêts, mais non qu'il n'a pas un personnel nombreux, dés căpas de prendre des intérêts usuraires, comme pitaux répandus sur tous les points d'un on l'entend aujourd'hui, à l'égard des étran- pays; il n'a pas les frais considérables qu'ont gers. La loi de Dieu est toujours bonne aux les banquiers dans les conditions que je rapyeux de la justice, même à l'égard des étran-pelle; il est donc parfaitement legitime qu'au gers, car ce n'est pas comme dans les fausses démocraties, où on parle toujours du peuple et où on l'écrase.

Jamais, en effet, les droits du peuple ne sont plus sacrifiés que sous l'empire de la démocratie.

Voilà pourquoi les textes inspirés dont je parlais rappellent ces mots touchints : « Qué

taux normal de l'intérêt s'ajoute la rémunération des dépenses extraordinaires qui incombent au banquier.

Seulement, la jurisprudence a reconnu que, lorsque ces accessoires dépasseraient la limite convenable et honnête, l'usure apparaîtrait et qu'il y auraît lieu à restitution.

Voila, messieurs, la vérité, la vérité légale

« EelmineJätka »