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CHAMBRE DES DÉPUTÉS

SÉANCE DU MERCREDI 15 DÉCEMBRE 1886

=

SOMMAIRE. Procès-verbal; MM. de La Porte, Durand (Ille-et-Vilaine), Jametel, Barodet, Rapport, par M. Lombard, au nom du 7o bureau, sur l'élection du département des Hautes-Alpes. Adoption des conclusions du bureau et admission de M. Grimaud. = Excuses. Dépôt, par M. Brugère, d'un rapport fait au nom de la 8o commission d'intérêt local sur le projet de loi ayant pour objet l'augmentation du nombre des cantons de Lille (Nord). Dépôt et lecture, par M. Jules Roche, au nom de la commission du budget, d'un rapport sur le projet de loi portant ouverture, au ministre de la justice, sur le budget ordinaire de l'exercice 1886, d'un crédit supplémentaire au titre du service la justice. — Déclaration de l'urgence et adoption du projet de loi. = Question, adressée par M. Dellisse, à MM. les ministres des affaires étrangères et du commerce et de l'industrie et réponse de M. le ministre des affaires étrangères. Demande de transformation, par M. Laur, de la question de M. Dellisse en interpellation. - Demande de renvoi à un mois de la discussion : MM. le ministre des affaires étrangères Laur, Salis, Bourgeois (Jura). Rejet au scrutin. Discussion immédiate MM. Laur, Frédéric Passy. Dépôt, par M. Chevlilon, d'une proposition deloi relative aux conseils de préfecture.

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PRÉSIDENCE DE M. CHARLES FLOQUET

La séance est ouverte à quatre heures. M. Bovier-Lapierre, l'un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance

d'hier.

M. de La Porte. Messieurs, par suite d'une erreur difficile à expliquer, je suis porté au Journal officiel comme n'ayant pas pris pert au vote des crédits provisoires dont j'avais moi-même demandé une partie pour les colonies. Je tiens à rectifier cette erreur, quoique cela dût être inutile. Je tiens à dire égale. ment que j'ai voté le crédit demandé par le ministre de l'intérieur.

M. Eugène Durand. Je suis porté comme m'étant abstenu dans le scrutin d'hier sar la mise à l'ordre du jour de la présente séance de la discussion de la loi sur les céréales. C'est une erreur, j'ai voté « pour ».

M. Jametel. Je fais la même rectification que M. Darand. C'est par erreur que je figure au Journal officiel comme ayant voté « contre la mise à l'ordre du jour de la discussion de la loi sur les céréales; j'ai voté « pour ».

M. Barodet On m'a fait voter hier pour l'ajournement de l'article 8 relatif à l'intérêt des caisses d'épargne. Je déclare que, si j'avais été présent, j'aurais voté contre cet ajournement.

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MM. Grimaud, conseiller général, maire de
Saint-Bonnet..................... 13.238 voix.

Eazière, conseiller géné-
ral, maire de Gap..... 10.395

Soit une majorité de 2,843 voix en faveur de
M. Grimaud, qui, conformément aux chiffres
ci-dessus, a été proclamé député par la com-

M. le président. Il n'y a pas d'autres ob- mission de recensement. servations sur le procès-verbal ?...

Le procès-verbal est adopté.

C'est, messieurs, à votre septième bureau qu'a été renvoyé l'examen de cette élection.

Une seule protestation se trouve au dossier, Elle est à la date du 4 décembre et elle porte les cinq signatures de MM. Martin, conseiller général, Faure, conseiller d'arrondissement, Voltaire, premier adjoint an maire de Gap, Doux et Audemard, conseillers municipaux de la même ville, tous membres du comité qui recommandait la candidature de M. Euzière.

Si nous laissons de côté la partie la plus étendue de ce document dans laquelle il est question bien plus des opinions politiques des deux candidats que des opérations électorales elles-mêmes, nous trouvons que les auteurs de la protestation prétendent relever, à la charge de M. Grimaud ou de ses amis, divers actes de pression tels que dons, promesses d'argent, fausses nouvelles, bruits calomnieux, et enfin intervention active du clergé dans certaines communes. Mais tout cela n'est articulé que d'une manière vague et indéterminée, Aucune preuve n'est apportée à l'appui, et nous constatons que la protestation du 4 décembre n'a été accompagnée ni suivie d'aucun renseignement nouveau, d'aucune pièce authentique émanant des électeurs des communes dans lesquelles les actes incriminés auraient eu lieu.

D'autre part, il n'est pas sans intérêt de faire remarquer à la Chambre que les communes de Saint Bonnet, Chorges, Crevoux et Ville. Vallouise, les seules citées par M. Martin et ses co-signataires comme ayant été le théâtre de faits repréhensibles, comptent en totalité 1,278 électeurs inscrits, sur lesquels M. Grimand a obtenu 715 suffrages seulement et que

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même en additionnant ces 715 suffrages aux 10,395 obtenus par M. Euzières, la majorité ne serait pas déplacée.

Dans ces conditions nous estimons qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter à cette unique protesta tion, ni même de recourir à l'enquête à laquelle concluent subsidiairement ses auteurs, et qui aurait pour seul résultat de renvoyer à une autre session le vote de la Chambre sur une élection qui ne paraît pas sérieusement

et utilement contestable.

En conséquence votre septième bureau, à l'unanimité, vous propose de valider l'élection de M. Grimaud.

(Les conclusions du septième bureau sont mises aux voix et adoptées.-M. Grimaud est admis.)

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DÉPÔT DU RAPPORT SUR UN PROJET DE LOI
PORTANT OUVERTURE DE CRÉDIT AU MI-
NISTRE DE LA JUSTICE ET ADOPTION DU
PROJET

augmentation des charges budgétaires, puis que le gouvernement beylical doit rembourser tous les frais du personnel de la justice fran çaise en Tunisie. En conséquence, nous vous proposons d'y donner votre sanction.

PROJET DE LOI

« Art. 1o. — Il est ouvert au ministre de la justice sur l'exercice 1886, en addition aux crédits accordés par la loi de finances du 8 août 1885, un crédit supplémentaire de 7,027 fr., applicable au chapitre 15: « Personnel de la justice française en Tanisie. » « Art. 2. — Il sera pourvu au crédit supplémentaire ci-dessus au moyen des ressources générales du budget ordinaire de l'exercice 1886. A cet effet, les prévisions de recettes de cet exercice, déterminées par la loi de finances précitée sont augmentées d'une somme de 7,027 fr., au titre des produits divers du budget: Remboursement par le gouvernement beylical des frais du personnel de la justice française en Tanisie. »

La commission du budget, d'accord avec le Gouvernement, demande l'urgence en faveur de ce projet de loi et sa discussion imme

diate.

M. le président. M. Jules Rocbe, au nom de la commission du budget, dépose sur le bureau de la Chambre un projet de loi ayant pour objet d'ouvrir au ministre de la justice, sur le budget ordinaire de l'exercice 1886, un M. le président. La parole est à M. Jules crédit supplémentaire au titre du service de la Roche. (Bruit de conversations.)

Veuillez faire silence, messieurs, tout à l'heure vous réclamerez, en disant que vous n'avez pas entendu et que vous ne savez pas ce dont il s'agit.

Attendez qu'on veuille bien vous écouter, monsieur Roche.

M. Jules Roche, rapporteur. Messieurs, en vertu de la faculté que lui laisse la loi du 12 août 1876, dans les cas d'urgence, le Gou vernement a présenté un projet de loi spécial portant ouverture au ministre de la justice d'un crédit supplémentaire de 7,027 fr., sur l'exercice 1886, au titre du service de la justice (chapitre 15. Personnel de la justice française en Tunisie.)

Ce crédit est nécessaire pour payer le trai. tement des magistrats récemment installés dans les places créées au tribunal de Tanis par le crédit du 19 juillet 1886, savoir:

justice.

Au nom de la commission, et d'accord avec
le Gouvernement, il demande à la Chambre
de vouloir bien déclarer l'urgence de ce projet
et de procéder à sa discussion immédiate.
Je consulte la Chambre sur la déclaration
d'urgence.

(L'urgence, mise aux voix, est déclarée.)
M. le président. Je mets aux voix la
question de savoir si la Chambre entend pro-
céder immédiatement à la discussion.

(La Chambre, consultée, décide que la dis-
cussion aura lieu immédiatement.)

M. le président. Personne ne demande
la parole pour la discussion générale?...
Je consulte la Chambre pour savoir si elle
veut passer à la discussion des articles.

M. Ganivet. De quoi s'agit-il? Nous n'en
savons rien. On n'a pas entendu.

M. le président. Je prévoyais cette réclamation. J'étais certain, comme je le disais 1 vice-président à 10,000 fr., à partir du 3.138 90 à la Chambre tout à l'heure, qu'au moment 8 septembre..... où je la consulterais on me dirait qu'on ne sa2.511 11 vait pas ce dont il s'agissait; aussi je l'avais priée d'écouter la lecture, mais on n'a pas tenu compte de mon observation.

1 juge à 8,000 fr., à partir du 8 septembre...

1 juge-suppléant à 2,400 fr., à partir du 22 septembre.... ✦ commis-greffier à 3,000 fr., å partir du 5 octobre.... Total........

660. 716 67 7.026 68

en chiffres ronds 7,027 fr., montant du crédit supplémentaire demandé.

Ce projet de loi spécial se justifie donc par l'urgente nécessité de pourvoir à ces nouvelles dépenses pour les derniers mois de l'année 1886. Il n'en résulte point, d'ailleurs, une

M. Ganivet. Je n'ai pas entendu un seul mot de la lecture que vient de faire M. Jules Roche.

M. le président. Je le regrette. Du reste, messieurs, si vous voulez vous donnez la peine d'écouter les articles, vous verrez qu'il n'y a dans le projet aucune charge pour le budget.

M. Keller. Voilà l'inconvénient des déclarations d'urgence. Il faudrait avoir toujours

des rapports imprimés qu'on pût lire avant de les discuter.

M. le rapporteur. Il y a une recette correspondant à la dépense.

M. le président Il s'agit de l'ouverture d un crédit supplémentaire destiné à compléter le traitement de divers membres de la magistrature en Tanisie, et dont le montant est remboursé par le gouvernement beylical. Je donne lecture de l'article 1:

« Art. 1o. - Il est ouvert au ministre de la justice sur l'exercice 1886, en addition aux crédits accordés par la loi de finances du 8 août 1885, un crédit supplémentaire de 7,027 fr., applicable au chapitre 15: Personnel de la justice française en Tanisie. » (L'article 1or est mis aux voix et adopté.) < Art. 2. Il sera pourvu au crédit supplémentaire ci-dessus au moyen des ressources générales du budget ordinaire de l'exercice 1886. A cet effet, les prévisions de recettes de cet exercice, déterminées par la loi de finances précitée sont augmentées d'une somme de 7,027 fr., au titre des produits divers du bud. get: Remboursement par le gouvernement beylical des frais du personnel de la justice française en Tunisie. » — (Adopté.)

Il est procédé, sur l'ensemble du projet de loi, au scrutin dont le dépouillement donne le résultat suivant :

Nombre des votants......
Majorité absolue....

Pour l'adoption....... 477
Contre....
0

La Chambre des députés a adopté.

477

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QUESTION ADRESSÉE A M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET A M LE MINISTER DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE.

M. le président. La parole est M. à Dellisse pour une question qu'il désire adresser à M. le ministre des affaires étrangères, et à M. le ministre du commerce.

M. Dellisse. Messieurs, depuis près de six mois que le rapport de la commission d'initiative concernant la dénonciation du traité franco-italien se trouve déposé, nous n'avons cessé de solliciter de la Chambre une discussion, dont l'urgence me paraft difficile à con

tester en ce moment.

Nous avions pensé que l'article 18 du traité franco-italien nous imposait non seulement le droit mais le devoir de rechercher quelles avaient été les conséquences de ce traité, de voir si les avantages considérables concédés en 1881 avaient donné les résultats attendus, d'examiner si en présence de la révolution économique qui se manifeste dans le monde entier, il n'y avait pas lieu de modifier le régime exceptionnel qui existe avec l'Italie et réagit, grâce au traité de Francfort, sur nos relations avec les autres pays.

Mais vous savez, messieurs, dans quelle situation nous nous sommes trouvés : des interpellations successives, la discussion de la loi sur l'enseignement primaire, la discussion du budget, les instances de M. de Freycinet

pour attendre que la convention de navigation, sur la réalisation de laquelle on comp. tait, se trouvât accomplie -convention qui, du reste, n'a pas abouti-toutes ces mesures, ces situations différentes que nous n'avons pas été maîtres de modifier, nous ont amenés jus qu'à ce jour à des ajournements successifs; mais aujourd'hui, en présence de cette prorogation dont on parle de tous côtés, je crois qu'il est indispensable que nous sauvegardions la situation du commerce, de l'agriculture et de l'industrie, qui se trouve forcément menacée par le traité de 1881. (Très bien ! très bien à droite.)

J'ai donc l'honneur de demander à M. le ministre des affaires étrangères de vouloir bien répondre à la double question que je lui pose en ce moment.

en moyenne, pendant la période de 1872 à
1878, de 348 millions, se sont élevées en 1882 à
361 millions; en 1883, à 427 millions; en 1884,
à 368 millions.

M. Maurice Rouvier. Il faudrait décom.
poser ces chiffres pour que la Chambre pût
apprécier l'exactitude du fait et sût que ce
sont les denrées alimentaires et les matières
premières qui ont causé cette augmentation.

nement a perdu aujourd'hui une grande parti de son importance.

En effet, devant le parlement italien, M. le comte de Robilant, répondant à une interpellation, a déclaré formellement l'intention de dénoncer le traité de commerce qui lie la France et l'Italie. Il a annoncé en même temps l'intention de dénoncer le traité de commerce à l'Autriche et enfin d'établir une connexité entre la négociation du traité de navigation et la négociation du traité de commerce avec la France.

Il y a donc bien là, messieurs, un ensemble de politique économique qui dénote une réso lution ferme du gouvernement italien... Un membre à droite. Que nous subissons ! M. le ministre des affaires étrangères.

M. Dellisse. J'entends l'observation de l'honorable M. Rouvier et je tiens à lui faire remarquer que nous avons déposé une proposition uniquement pour avoir l'occasion de donner à la Chambre tous les éclaircissements nécessaires. Elle n'avait d'autre but que de permettre la nomination d'une commission qui aurait pu se procurer dans les ministères, là où il nous est difficile d'avoir tous les renseigne-Ainsi, nous avons la certitude morale que nous serons saisis d'une demande de dél'aments que nous désirons, tous les éclaircissements nécessaires à une discussion approfon- nonciation. die, tous les documents de nature à éclairer la Chambre. C'est uniquement pour cela que nous avons demandé la prise en considération, que nous réclamons depuis si longtemps. (Approbation à droite.)

Je lui demande s'il est exact, comme on annoncé, que le Gouvernement ait reçu l'avis officiel du gouvernement italien que le traité de 1881 était dénoncé.

Si, comme je le pense, cet avis officiel ne lui est pas encore parvenu, je demande quelle sera l'attitude du gouvernement français, dans le cas où la Chambre ne pourrait pas statuer avant son départ, puisqu'on nous parle de prorogation, et que, d'un instant à l'autre, ceux qui pensent que nous pourrions encore d'ici à la fin de décembre, conduire utilement l'étude de quelques affaires, peuvent se heurter à un décret de clôture... (Très bien ! très bien ! sur les mêmes bancs); je demande, disje, dans le cas où la Chambre n'aurait pas le temps de statuer et dans le cas où par suite d'un revirement du gouvernement italien, ou d'un changement de ministère, puisque nous avons pu souvent le constater, les ministères ne sont pas éternels... (On rit.)

Un membre à gauche. Même en monarchie!

M. Dellisse. ...je demande quelle sera l'attitude du gouvernement français, si, au 31 décembre 1886, le jour même où échoit la date définitive de la dénonciation, l'Italie n'avait pas encore dénoncé le traité.

Telle est la demande que je pose, et je crois qu'elle a une importance capitale. Pour vous en convaincre, je vous demanderai la permis sion de vous citer deux chiffres seulement : ceux des importations et ceux des exportations.

Les exportations qui, de 1872 à 1878, étaient en moyenne de 213 millions en chiffres ronds—sont tombées en 1882 à 200 millions, en 1883 à 176 millions, en 1884 à 171 millions.

Voilà pour les exportations de France en Italie.

Au contraire, les importations d'Italie en France...

M. Emmanuel Arène. D'où viennent ces chiffres?

M. Dellisse. Ce sont les chiffres relevés dans la statistique officielle, mon cher collègue; je crois qu'ils ne sont pas discutables; je les ai trouvés dans le résumé général de la statistique, à la bibliothèque de la Chambre.

Au contraire, les importations qui étaient

Dans ces conditions la Chambre aurait pu
statuer en connaissance de cause; la commis
sion lui aurait apporté des chiffres qu'il n'au-
rait pas été permis de discuter et dont l'au-
thenticité aurait été reconnue. Malheureuse -
ment, la Chambre n'a pas voulu faire droit à
cette réclamation: nous nous trouvons donc
acculés à une date qui ne peut pas être reculée;
nous ne pouvons pas aller au delà du 31 dé-
cembre pour dénoncer le traité.

Un membre à gauche. C'est une erreur.
M. Dellisse. Il est parfaitement exact que
le traité, s'il est dénoncé, ne cessera pas
d'avoir ses effets au 1er janvier prochain: il ne
cessera d'avoir ses effets qu'au 1er janvier 1888.

La Chambre peut donc être rassurée d'une
façon complète à cet égard et ne pas craindre
que du jour au lendemain nous nous trouvions
eans traité avec l'Italie. Le traité qui existe,
en admettant qu'il soit dénoncé au 31 décembre
prochain, continuera ses effets jusqu'au 31 dé
cembre 1887. Par conséquent, pendant cette
période, on pourra négocier un autre traité,
on ne se trouvera pas dans une situation que
certains d'entre nous peuvent craindre de voir
se produire. (Très bien! très bien ! à droite.)

Eh bien, je demande à M. le ministre du commerce ou à M. le ministre des affaires étrangères de vouloir bien nous dire dans quelle situation le Gouvernement entend se placer si, le 31 décembre, nous n'avons pas eu le temps, par suite d'une prorogation que je redoute en ce moment, d'étudier la question à fond, ou si, par suite de la chute, non prévue assurément, mais possible, du ministère italien, d'un changement dans les idées ou d'une circonstance quelconque, le traité n'avait pas été dénoncé par l'Italie. (Applaudissements à droite.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Flourens, ministre des affaires étrangères. Messieurs, la double question que l'ho norable M. Dellisse vient de poser au Gouver

Je dois répondre néanmoins à l'honorable M. Dellisse que la dénonciation n'a pas encore été adressée au Gouvernement français.

Reste la seconde question. L'honorable M. Dellisse demande au Gouvernement ce qu'il fera si, vers le 31 décembre, à l'époque de l'expiration du délai, il n'était pas en présence de la dénonciation annoncée.

Vous comprendrez tous, messieurs, que je ne puis pas engager d'une manière définitive la liberté du Gouvernement en présence des négociations qui peuvent intervenir. (Marques d'approbation à gauche.)

Si je venais ici, à la tribune, déclarer que le Gouvernement dénoncera le traité, je dénoncerais par là même le traité au nom du Gouvernement. Nous changerions la situation, qui est en France.

ce moment-ci favorable à la

Il est incontestable que, pour le traité avec l'Italie, la situation qui nous est actuellement faite est la plus favorable. Il faut nous conserver le rôle de défendeurs, ne pas prendre une initiative absolument inutile, ne pas nous don⚫ ner l'apparence défavorable de vouloir marcher sur le terrain des représailles. Il faut, en un mot, ne pas traiter les questious si délicates que nous avons à examiner en nous plaçant sur le terrain des susceptibilités internationales.

Nous n'avons donc qu'à attendre l'exécution des résolutions du gouvernement italien.

Mais je ne veux pas me dérober à la question qui m'est posée. Ce que je puis dire, c'est que la pensée du Gouvernement n'est pas de laisser échapper les occasions qui peuvent se présenter d'entrer dans un examen nouveau des intérêts de l'agriculture et du commerce français qui peuvent se trouver engagés dans les différents traités commerciaux. (Vifs applaudissements sur divers bancs à gauche et au centre.)

M. le président. La parole est à M. Dellisse.

M. Dellisse. Messieurs, je remercie M. le ministre des affaires étrangères d'avoir bien vonlu répondre à ma première question. Mais, en ce qui concerne la seconde, je crois que la réponse qui vient de nous être faite signifie

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Le 10 décembre dernier, M. le comte de Robilant, interpellé par un député, indiquait très nettement et très catégoriquement quelle serait la ligne de conduite suivie par le gou. sernement italien. Je ne sais pas pourquoi, en ce moment, le gouvernement français ne pourrait pas agir de même. (Très bien! très bien! à droite.)

A gauche, On vous l'a expliqué.

M. Dellisse. On ne saurait au dehors voir là aucune hostilité, on ne peut craindre ici de soulever aucune susceptibilité; il y a simplement en présence deux individus qui ont fait un traité, qui examinent ce traité...

A droite. C'est une question économique ! M. Dellisse....qui recherchent dans quelles conditions il s'est produit et quelles ont été ses conséquences au point de vue des affaires du pays. Eh bien, il appartient au gouvernement français, comme au gouvernement italien, de dire : Le traité nous est favorable

on il nous est défavorable. S'il est défavora ble, nous devons le dénoncer immédiatement; si, au contraire, il nous est favorable, puisque l'Italie déclare qu'elle veut le dénoncer, rien n'empêche de faire connaître dès aujourd'hui la résolution que l'on entend prendre en France. (Très bien très bien à droite.)

Quant à la situation en elle-même, je crois, qu'elle mérite d'être établie nettement aujour d'hui à cette tribune. Les agriculteurs, les commerçants et les industriels qui souffrent en ce moment, vous ne pouvez pas le nier, tout le monde le sait et se trouve d'accord sur ce point dans cette Chambre, les indus

triels, les commerçants et les agriculteurs attendent avec impatience le résultat des dễlibérations du Gouvernement! ils s'inquiètent et se préoccupent à juste titre de la solution, et je ne saurais admettre, quant à moi, que nous ne puissions avoir de réponse du gou vernement français, alors que les Italiens sont absolument fixés et que nous sommes seuls à ignorer ce qui va se passer tout à l'heure. (Applaudissements à droite)

Plusieurs membres à droite. Le Gouvernement ne répond pas?

M. le ministre des affaires étrangères

se lève de son banc.

Sur divers bancs à gauche et au centre. Non! non! Ne répondez pas !

M. le président. L'incident est clos... A droite. Comment! le Gouvernement ne répond pas ?... (Bruit.)

M. Emmanuel Arène. Nous trouvons dans son silence la réponse suffisante.

M. le président. L'incident est clos... (Réclamations à droite.)

M. Jolibois, Et la lumière n'est pas faite M. le président. Je ne puis pourtant pas dire autre chose... (Assentiment au centre et à gauche.

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M. le président. Monsieur Laur, je n'ai pas le don de deviner vos intentions. Vous m'avez dit tout à l'heure que si les réponses ne vous satisfaisaient pas, vous demanderiez à transformer en interpellation la question de M. Dellisse... (Bruit.)

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M. Francis Laur. Messieurs, la Chambre me permettra de ne pas trouver sérieuse la réponse que vient de me faire M. le ministre des affaires étrangères... (Très bien ! à droite) à proM. Francis Laur. C'est précisément ce pos d'un traité qu'il sait fort bien devoir ex. que je veux faire... pirer le 31 décembre, et je proteste de la façon la plus énergique contre cette simple réponse qui a pour conséquence d'interdire une interpellation de la part d'un membre de cette Assemblée, en proposant de la renvoyer à un moment où elle n'aura aucune raison d'être. (Applaudissements à droite.)

M. le président. Je ne suis pas dans votre pensée pour savoir si les réponses ne vous sa

tisfont pas.

M. Francis Laur. Les réponses ne me satisfont pas, et c'est pour cela que je me lève et demande la parole, monsieur le président... A droite. Parlez! parlez !

A gauche. Non ! non!

M. le président. Monsieur Laur, je vous ai regardé pendant quelques minutes, vous n'avez rien dit, et c'est après que j'ai clos l'incident que vous demandez la parole! Je ne pouvais deviner vos intentions. (Bruit.)

M. Francis Laur. Pardon, monsieur le président, je me suis levé, mais vous n'avez pas attendu que j'aie pa demander la parole. A droite. Parlez ! parlez!

M. le président. M. Laur demande à transformer en interpellation la question de M. Dellisse sur le traité franco-italien...

Au centre et à gauche. A un mois !
A droite. Parlez ! parlez !

M. Francis Laur. Permettez, messieurs... (Interruptions.)

M. le président. Monsieur Laur, vous n'avez pas la parole sur le fond en ce mo. ment. Vous demandez à transformer la question en interpellation, c'est-à-dire à faire une interpellation.

La Chambre est maîtresse ou de décider qu'elle transforme immédiatement la question en interpellation ou de fixer un autre jour pour l'interpellation...

M. Francis Laur. Mais il faut bien que j'expose à la Chambre les motifs pour lesquels je désire transformer la question en interpel

lation.

M. le président, Pour le moment, vous n'avez rien à exposer. Vous faites une demande d'interpellation, vous ne pouvez vous expliquer sur le fond avant que la Chambre vous ait donné un jour, autrement ce serait aborder l'interpellation elle même.

M. Francis Laur. Je veux seulement in diquer à la Chambre les raisons pour lesquelles je désire interpeller.

Messieurs, je dis que jamais sujet aussi important, aussi grave, ne s'est présenté à vos délibérations que celui de la dénonciation da traité franco italien; je dis qu'au point de vue même qui vous touche, au point de vue électoral... (Exclamations sur un grand nom• bre de bancs), je dis qu'à ce point de vue, il n'en est pas un d'entre nous qui, lorsque la question de la revision des traités de commerce s'est

présentée, n'ait recueilli de la part de ceux qui l'écoutaient des applaudissements nourris, toutes les fois qu'il a dit: Nous saisirons toutes les occasions possibles de reviser les traités qui lient la France aux autres nations, au point de vue commercial. (Très bien ! très bien à droite.)

Je dis qu'il serait mauvais, devant le pays tout entier, que la Chambre, dans une question semblable, esquivât la discussion par la petite porte, c'est-à dire par l'interpellation renvoyée indéfiniment, et que l'on pût dire que la première question d'affaires importante: qui s'est présentée à nous, nous l'avons éliminée par une sorte de question préalable. (Interruptions.)

M. Allain-Targé. Nous n'avons ni rapport ni documents!

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M. le président, Monsieur Laur, vous ne pouvez pas dire à vos collègues qu'ils seraient obligés de résigner leur mandat dans le cas où ils ne voudraient pas vous entendre. (On rit.) M. Francis Lanr. M. le président, fort spirituellement, me fait remarquer... M. le président. Ce sont des arguments M. Francis Laur. Eh bien, je parle sur qu'on n'emploie pas ordinairement à la trila fixation du jour...

A droite. Parlez sur la fixation du jour ! M. le président Vous avez le droit de parler au sujet de la fixation du jour.

M, le président. Vous en avez le droit, mais je demande d'abord au Gouvernement Nouvelles réclamations à droite.) I quel est son avis sur cette fixation.

bune. (Marques d'assentiment.)

M. Francis Laur, Permettez, monsieur le président. J'ai fait remarquer à mes collègues qu'il s'agissait d'une question d'affaires et non

pas de celui qui était à la tribune et je le maintiens.

Je persiste à dire qu'en m'empêchant de parler sur une question d'affaires, ce n'est pas ma personnalité que vous mettez en cause, c'est celle même de la Chambre. (Approbation à droite.)

Messieurs, je ne veux pas prolonger ce débat; je prétends qu'en ce moment l'Italie est absolument indécise, et j'ai là des renseignements, des chiffres qui prouvent, absolument indécise sur le point de savoir si elle dénoncera ou si elle ne dénoncera pas le traité. J'estime qu'il serait d'un poids énorme dans les résolutions du gouvernement italien de savoir si véritablement la France a l'intention d'avoir une politique économique ou si elle a l'intention de se laisser aller, comme nous en donnons l'exemple en ce moment, aux hasards des événements. (Très bien! très bien! à droite.)

La question est plus haute, messieurs, c'est une question d'orientation économique du pays. (Très bien ! très bien !) Actuellement, vous n'avez pas du Sénat le projet des douzièmes qui vous inquiète; vous auriez parfaitement devant vous le temps nécessaire d'entendre quelques explications; vous n'avez donc réellement pas de motif plausible pour repousser la discussion.

Je ne suis pas le seul à revendiquer ce droit à la discussion, vous avez encore un de nos collègues habitant un département du Midi, l'Hérault, qui demande sur cette question du vin à interpeller le Gouvernement.

M. Salis. Je n'ai pas dit cela ! Je demande la parole.

M. Francis Laur. Je l'ai lu dans les journaux, mon cher collègue, et vous m'en avez manifesté vous-même l'intention. Je dis qu'en ce moment tous les départements du Midi sont intéressés à la question des vins. (Bruit.)

Messieurs, je ne veux pas abuser de la tri bane. J'ai fini. Je me borne simplement à constater que, sur la première question d'affaires importante qui se présente à elle, la Chambre a refusé la discussion. (Mouvements divers.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Flourens, ministre des affaires étran· gères. Messieurs, je voudrais seulement dire à la Chambre que le Gouvernement est absolument à sa disposition et que sur la question qui avait été posée tout à l'heure par M. Dellisse, il ne peut que s'en référer à la déclaration que j'ai faite précédemment en son nom, qu'il ne peut pas s'engager davantage. (Très bien! très bien ! à gauche. Exclamations à droite.)

M. le président. La parole est à M. Salis.

M. Salis. Je n'ai que deux mots à dire. Je n'ai pas autorisé mon honorable collègue M. Laur à parler en mon nom au sujet de l'interpellation qu'il a cru devoir soumettre à la Chambre. Il est vrai que j'avais eu l'honneur d'adresser hier une lettre à M. le minis. tre du commerce, pour le prier de m'accorder un instant afin de développer cette grave ques

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Peut-être l'Italie, et vous savez bien quels sont les sentiments de nos voisins qui sont très près de leurs intérêts ne manquera pas de voir dans la dénonciation par la France du traité de commerce franco-italien une at

teinte portée à ses intérêts; et alors il pourrait bien se faire que très habiles, très experts dans l'art de la diplomatie subtile, ils ne cher chassent à tirer parti de nos hésitations. Je n'en veux pour preuve que le discours de l'honorable M. Robilant, ministre des affaires étrangères à la chambre italienne et qui contient pour nous de précieux renseignements. J'avais donc eu l'honneur d'adresser une demande à M. le ministre du commerce pour le prier de me fixer une date pour la position de ma question, mais je déclare maintenant que les explications qui ont été fournies par M. le ministre des affaires étrangères m'ont, sinon pleinement rassuré, du moins donné la conviction qu'il a déjà compris la situation grave qui était faite à la France par le Gouvernement italien... (Mouvements divers) et qu'il saurait y porter remède en temps utile. M. Camille Pelletan. Très bien !

A droite. Vous n'êtes pas difficile! Il n'a rien dit!

Voix à gauche. Et il a bien fait. Quelques membres. Mais c'est l'interpellation elle-même !

M. le président. Mais, monsieur Salis, vous ne pouvez pas continuer dans cette voie! Tout le monde veut interpeller sans que la Chambre ait fixé le moment de l'interpellation.

M. Salis. Monsieur le président, j'ai été mis en cause. Permettez-moi d'indiquer, très brièvement d'ailleurs, les sentiments qui m'ont déterminé à parler ainsi.

J'estime que, après les explications fournies par M. le ministre des affaires étrangères, j'ai pu croire et j'ai pu comprendre qu'il avait assez le souci des intérêts français pour ne pas se laisser jouer par nos voisins les Italiens. (Applaudissements sur plusieurs bancs à gauche. -Exclamations ironiques à droite.)

M. Bourgeois (Jura). Je demande la parole.

M. le président. Je vais consulter la Chambre sur la fixation proposée par M. le ministre des affaires étrangères.

M. Bourgeois (Jura) se présente à la tribune.

A gauche. Parlez! parlez !

gères, vous aurez la parole; sinon, je ne puis vous l'accorder.

M. Bourgeois (Jura). Je demande la parole pour combatire la fixation proposée par

M. le ministre.

Sur divers bancs. Parlez! parlez! - Aux voix !

M. le président. M. Bourgeois conteste le renvoi à un mois. Je lui donne la parole et je le prie de se renfermer dans la discussion de cette question.

M. Bourgeois (Jura). Je prie la Chambre de vouloir bien m'accorder une minute de bienveillante attention.

M. le ministre des affaires étrangères vient, messieurs, de vous demander de reporter à un mois...

A gauche. Nous l'avons demandé avant lui.

M. Bourgeois (Jura). ... là discussion d'anè interpellation sur la dénonciation du traité existant entre la France et l'Italie. Ajourner à un mois cette discussion, c'est ne pas vouloir discuter... (Très bien! très bien! sur divers bancs. Interruptions) attendu que les délais pressent et qu'à fin décembre nous ne serons plus en mesure de discuter; d'autre part, vous avez l'intention de vous ajourner très prochainement.

Il s'agit donc de savoir si oui ou non, en demandant le renvoi à un mois, M. le ministre a entendu échapper à la question. Il nous a dit, il est vrai, il y a un instant, qu'il était à la disposition de la Chambre. Je prends acte de ces paroles et je vous prie, messieurs, de ne pas retourner devant vos électeurs avant d'avoir discuté cette question qui est d'une importance capitale. (Bruit.)

Je sais bien que nous venons tous d'être plus ou moins absorbés par des questions purement politiques, mais on ne saurait oublier qu'il y a là une question d'une importance grave et qui doit être discutée à fond. La Chambre en est saisie dépuis le mois de mars dernier, et nous serions coupables vis-à-vis de l'agriculture et de l'industrie si nous ne l'approfondissions pas. (Très bien! très bien! à droite. Aux voix ! à gauche.)

On nous a dit que l'on ne voudrait pas pa. raître user de représailles vis-à-vis de l'Italie. A droite. C'est l'Italie qui a commencé ! M. Emmanuel Arène. Que proposezVous ?

M. Bourgeois (Jura). Je propose que l'on discute la question.

Je ferai remarquer à la Chambre qu'il ne

M. le président. Sur quoi voulez-vous peut y avoir là aucune espèce de représailles, parler, monsieur Bourgeois ?

M. Bourgeois (Jura). Je veux répondre aux paroles que vient de prononcer M. le ministre.

M. le président. Il ne s'agit pas de répondre aux paroles de M. le ministre. Il s'agit de la fixation du jour de l'interpellation, et je ne laisserai pas introduire l'interpellation ellemême dans ce débat d'ordre du jour. (Très bien! très bien !)

attendu que nous avons, comme l'Italie, le plus grand intérêt à discuter une question de cette gravité. Vous ne pouvez perdre de vue, messieurs, que l'agriculture, l'industrie, le commerce, le travail, en un mot, font la richesse d'un pays, et que l'on ne doit, pour aucune espèce de considérations politiques, refuser de discuter tout ce qui touche à ces éléments de la prospérité nationale. (Applaudissements sur divers bancs.)

Si vous voulez contester le renvoi à un mois J'insiste donc pour que l'on discute imméque propose M. le ministre des affaires étran-diatement la grave question du traité existant

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