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A MONSIEUR L'ABBE' DE LA ROCHE, A AUTEUIL.

J'AI parcouru, mon cher ami, le petit livre de poésies de M. Helvétius, dont vous m'avez fait cadeau. Le poëme sur le Bonheur m'a donné beaucoup de plaisir, et m'a faite ressouvenir d'une petite chanson à boire, que j'ai fait il y a quarante ans sur le même sujet, et qui avoit à-peu-près le même plan, et plusieurs des mêmes pensées, mais bien densement exprimées. La voici.

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Then let us get money, like bees lay up honey:

We'll build us new hives, and store each cell.

The sight of our treasure shall yield us great pleasure;
We'll count it, and chink it, and jingle it well.

Oh! no!

Not so!

Chorus.

For honest souls know,

Friends and a bottle still bear the bell.

Singer.

If this does not fit ye, let's govern the city,

In power is pleasure no tongue can tell ;

By crowds tho' you're teas'd, your pride shall be pleas'd,

And this can make Lucifer happy in hell!

Oh! no!

Not so!

Chorus.

For honest souls know,

Friends and a bottle still bear the bell.

Singer.

Then toss off your glasses, and scorn the dull asses,
Who, missing the kernel, still gnaw the shell;

What's love, rule, or riches? wise Solomon teaches,
They're vanity, vanity, vanity still.

That's true;

Chorus.

He knew ;

He'd tried them all through ;

Friends and a bottle still bore the bell.

C'est un chanteur, mon cher Abbé, qui exhorte ses compagnons de chercher le bonheur dans l'amour, dans les richesses, et dans le pouvoir. Ils répliquent, chantant ensemble, que le bonheur ne se trouve pas en aucunes de ces choses, et qu'on ne le trouve que dans les amis et le vin. A cette position, le chanteur enfin consent. La phrase "bear the bell,” signifie en François, remporter le prix.

J'ai souvent remarqué, en lisant les ouvrages de

M. Helvétius, que quoique nous étions nés élevés dans deux pays si éloignés l'un de l'autre; nous nous sommes rencontrés souvent dans les mêmes pensées; et c'est une réflexion bien flatteuse pour moi, que nous avons aimé les mêmes études, et autant que nous les avions connus, les mêmes amis,' et la même femme.2

Adieu! mon cher ami, &c.

B. F.

[Translation.]

TO THE ABBE de La Roche, at Auteuil.

I HAVE run over, my dear friend, the little book of poetry by M. Helvetius, with which you presented me. The poem on Happiness pleased me much, and brought to my recollection a little drinking song which I wrote forty ears ago upon the same subject, and which is nearly on the same plan, with many of the same thoughts, but very concisely expressed. It is as follows:

Singer.

Fair Venus calls, &c.

'Tis a singer, my dear Abbé, who exhorts his companions to seek happiness in love, in riches, and in power. They reply, singing together, that happiness is not to be found in any of these things; that it is only to be found in friends and wine. To this proposition the singer at length assents. The phrase “bear the bell,” answers to the French expression, “ obtain the prize."

'Mess. Voltaire, Hume, Turgot, Marmontel, d'Holbach, Le Roy, les Abbés Morellet et La Roche, &c. &c.

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I have often remarked, in reading the works of M. Helvetius, that although we were born and educated in two countries so remote from each other, we have often been inspired with the same thoughts; and it is a reflection very flattering to me, that we have not only loved the same studies, but, as far as we have mutually known them, the same friends,' and the same woman.2 Adieu! my dear friend, &c. B. F.

A MONSIEUR L'ABBE' MOrellet.

Passy le *****

Vous m'avez souvent égayé, mon très-cher ami, par vos excellentes chansons à boire; en échange, je désire vous édifier par quelques réflexions chrétiennes, morales, et philosophiques, sur le même sujet.

In vino veritas, dit le sage. La vérité est dans le vin. Avant Noé donc, les hommes n'ayant que de l'eau à boire, ne pouvoient trouver la vérité. Ainsi ils s'égarèrent, ils devinrent abominablement méchants, et ils furent justement exterminés par l'eau qu'ils aimoient à boire.

Ce bon-homme Noé ayant vu que par cette mauvaise boisson tous ses contemporains avoient péri, le prit en aversion; et Dieu, pour le désaltérer, créa la vigne, et lui révéla l'art d'en faire du vin.

'Messrs. Voltaire, Hume, Turgot, Marmontel, d'Holbach, Le Roy, the Abbés Morellet and La Roche, &c. &c.

2 Madame Helvetius.

Par l'aide de cette liqueur il découvrit maintes et maintes vérités : et depuis son temps, le mot " deviner" a été en usage; signifiant originairement découvrir par le moyen du VIN. du VIN. Ainsi le patriarche Joseph prétendoit deviner au moyen d'une coupe, ou verre de VIN:' liqueur qui a reçu ce nom pour marquer qu'elle n'étoit pas une invention humaine, mais divine (autre preuve de l'antiquité de la langue Françoise, contre M. Gibelin.) Aussi depuis ce temps, toutes les choses excellentes, même les Déités, ont été appelées divines ou divinités.

On parle de la conversion de l'eau en vin, à la nôce de Cana, comme d'un miracle. Mais cette conversion est faite tous les jours par la bonté de Dieu, sous nos yeux. Voilà l'eau qui tombe des cieux sur nos vignobles, et alors elle entre dans les racines des vignes pour-être changée en vin. Preuve constante que Dieu nous aime, et qu'il aime à nous voir heureux. Le miracle particulier a été fait seulement pour hâter l'opération dans une circonstance de besoin soudain, qui le demandoit.

Il est vrai que Dieu a aussi instruit les hommes à réduire le vin en eau. Mais quelle espèce d'eau ?

' L'orateur Romain, qui est bien counu par ses mauvaises poësies, d'être un buveur d'eau, confesse franchement, dans son livre De Divinatione, qu'il ne savoit pas deviner.—Quid futurum sit non divino.

2 Author of "Le Monde primitif comparé au Monde moderne."

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