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2° Distinction entre les héritiers et les successeurs
dits à titre irrégulier.

Aussi bien que la distinction entre la confusion et la séparation des patrimoines, les distinctions établies entre les différentes catégories de successeurs, et basées sur l'idée de continuation de la personne et de la transmission du patrimoine, doivent être ramenées, selon nous, à des distinctions de fait purement empiriques, les unes dépourvues dans leur principe de tout fondement objectif, comme les distinctions entre les héritiers et les successeurs irréguliers, les autres, comme les distinctions. établies entre les successeurs dits à titre universel, et ceux dits à titre particulier, basées sur des considérations d'équité pratique toutes relatives, et sur l'interprétation de la volonté du défunt. De même, la transmission de dettes par cession d'actif entre vifs doit être regardée, à notre avis, non pas comme une hérésie juridique contredisant l'idée classique d'universalité, mais comme un simple changement dans les conditions légales du crédit, et une libre faculté législative.

Pas plus les unes que les autres, les dispositions tradi tionnelles sur tous ces points n'ont de fondement théorique nécessaire, parce qu'elles ne correspondent à rien d'essentiel dans la transmission des dettes. Encore une fois, il n'y a que cela qui compte, et tant que cela n'entre pas en jeu, il ne peut s'agir que d'erreurs ou de réglementation pratique.

Cela est facile à vérifier dans le détail.

Nous n'avons pas à nous appesantir sur l'inanité du principe de la distinction des successeurs à la personne et des successeurs aux biens, puisque toute notre critique s'est donné pour tâche de montrer précisément l'inanité de la succession à la personne. Il est bien évident qu'il ne devrait exister que des successeurs aux biens. Tel est le principe. A côté de lui, des obligations spéciales, comme celles de l'inventaire, de l'emploi du mobilier, de la caution, imposées à certains successeurs dits irréguliers, ont des motifs purement concrets; ce sont des procédés pratiques destinés à parer à certaines éventualités de fait, telles que l'apparition d'un héritier préférable. Elles ne se réfèrent en aucune manière au fond du droit, et n'ont sur lui aucune influence. La transmission de l'hérédité, actif et passif, a ses raisons profondes, et très simples, que nous connaissons, et que rien ne peut changer. La dette suit son gage. L'on est tenu pour ce que l'on recueille. Nous ne connaissons pas d'autre évangile.

3° Distinction entre les successeurs dits à titre particulier, et ceux dils à titre universel.

Il faut prendre garde seulement que la distinction de l'universel et du particulier n'y fasse rentrer l'idée personnelle, avec la tentation de la continuation de la personne. Il convient, pour s'en préserver, de dépouiller l'idée d'universalité de l'équivoque qu'elle contient.

Nous avons vu les analyses de l'idée du patrimoine confondre cette notion avec celle d'universalité, dans la désignation d'une entité intellectuelle, indépendante des biens qui la composent, et réunissant dans son abstraction l'actif et le passif. Telle est l'idée qui sert de principe à la transmission personnelle : il faut bien recueillir cette entité, et il n'y a que la continuation de la personne qui le permette.... Qu'est-ce donc que l'on pourra garder de l'idée « universelle » dans la succession aux biens, sans y admettre de principe contradictoire qui la ruine; ou plutôt qu'y a-t-il donc de réel, au fond, sous cette idée dont nous avons montré la formation artificielle ? L'examen d'une distinction traditionnelle va nous aider à résoudre cette difficulté.

Il s'agit d'une sous-distinction établie entre les successeurs aux biens, entre l'Etat souverain recueillant une succession en déshérence en vertu de son droit de police, et les autres successeurs aux biens. L'étiquette générique de successeur aux biens s'applique aussi bien aux uns qu'à l'autre. Et cependant vient la distinction... les uns sont des successeurs universels, appelés au tout, recueillant l'universalité; l'autre est un successeur à titre particulier, et il ne recueille que des épaves isolées. Quelle va donc être la conséquence de la distinction? Les dettes disparaîtront-elles, faute d'objet, dans le second cas? Mais n'est-ce pas la négation de succession aux biens? Et si elles subsistent, alors, quelle différence à établir entre les deux hypothèses?... Séparation au lieu de con

fusion des patrimoines ?... Mais nous avons vu qu'il y avait là une distinction vaine, et que le choix était théoriquement indifférent. Qu'est-ce donc enfin que cette discussion? Elle tend à établir deux sortes de successions aux biens; n'est-ce pas contradictoire? Et, par définition, n'y eut-il pas qu'une seule de possible?...

En réalité, on a laissé rentrer l'idée personnelle dans la succession aux biens, avec l'idée d'universalité, et l'on applique aux non-continuateurs du patrimoine les critérium de la succession au patrimoine - irrésistible suggestion atavique. — Il faudrait pourtant s'en débarrasser. Ou bien la succession aux biens ne veut rien dire, ou bien l'État, recueillant à titre particulier une succession en déshérence, en vertu de son droit de police, est obligé, comme tel, aux dettes, jusqu'à concurrence de la valeur de ce qu'il recueille.

Les dettes portent sur les biens, suivent leur gage, suivent leur objet. Cela suffit pour qu'il en soit tenu; les autres successeurs aux biens n'ont pas d'autre raison de l'être aussi; et qu'importe, alors, que leur titre soit différent? Que vaut cette distinction de l'universel et du particulier... si elle ne vaut rien d'une manière absolue, de telle sorte qu'il y ait des cas où il soit absolument indifférent de savoir si un successeur, suivant la terminologie classique, est à titre universel, ou bien s'il est à titre particulier?

La question contient la réponse: si la distinction n'a pas une valeur absolue, elle a une valeur relative. et si

elle n'a rien à faire quand chacun des titres est isolé, quand il n'y a que des successeurs universels, ou que des successeurs à titre particulier, appelés à la succession, elle prend toute son utilité, quand les deux titres se trouvent en présence. Ils entrent alors en concours, et la hiérarchie qui est entre eux règle l'ordre de l'obligation aux dettes.

Le titre universel passe avant le titre particulier, voilà tout le sens de la distinction : l'attribution d'une priorité dans l'acquittement d'une charge.

Il reste à montrer que cette attribution n'est qu'une faculté légale accordée à la volonté testamentaire, sur le fondement de la plus élémentaire équité.

Les dettes portant sur l'ensemble de la fortune, il semblerait qu'à la mort du titulaire de cette fortune, chaque parcelle en dût être tenue proportionnellement à son importance, et que chaque ayant droit dût en supporter la charge sur le pied de l'égalité. Mais, en définitive, il n'y a là rien de nécessaire; et, pourvu qu'ils trouvent dans le gage de quoi remplir leur droit, peu importe aux créanciers, qui, en définitive, sont les seuls qui, dans la question, aient voix autorisée, par qui, et de quoi ils seront payés.

De là, la faculté laissée au testateur de soustraire un certain nombre de ses biens à l'impôt de la dette. Jusqu'à concurrence, dans son actif, du montant total de ses dettes, il peut y faire échapper autant d'entre eux qu'il le voudra. Libre à lui, jusqu'à cette limite, de faire des

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