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hommes doués de conscience et poursuivant des buts déterminés; rien ne se fait sans conscience et sans but voulu.

«Nonobstant les buts consciemment poursuivis par les individus, c'est le hasard qui paraît régner dans les phénomènes. L'enchevêtrement des innombrables volontés et actions individuelles, crée un état de choses qui est de tout point analogue à celui qui règne dans la nature inconsciente. Le monde semble livré au hasard, mais quand on examine l'ensemble on y trouve quelque chose de mécanique analogue à celui qu'on trouve dans le monde physique. >>

A examiner seulement quelques grèves, on peut croire qu'elles ne sont dues qu'à des influences politiques, on peut les attribuer au rôle de certaines individualités, mais si l'on envisage leur ensemble, on s'aperçoit bien vite que c'est à des causes économiques profondes qu'elles se rattachent.

Dégager les règles de ce « phénomène de grève », rechercher les causes qui le déterminent et les effets qui en résultent, tel est le but que nous nous sommes proposé en nous plaçant sur le terrain exclusif des faits.

S'il nous est arrivé parfois de manifester nos sympathies, de crier notre foi en l'avènement de la classe ouvrière, nous aurons, malgré tout, fait ceuvre scientifique.

Nous aurons prouvé que, quel que soit son désir de

(1) F. ENGELS. Fenerbach, traduit dans l'Ere nouvelle, mai 1894 ; page 14.

s'abstraire, de se mettre au-dessus des querelles, l'homme soit par atavisme, soit par son éducation, ses amitiés ou son milieu, se rallie à un parti dont il embrasse, par suite, les amours ou les haines.

HISTORIQUE

La législation

Pour étudier l'histoire du droit de coalition nous nous reporterons à la Révolution française et à la législation de la période intermédiaire. De cette époque seulement, en effet, procède le mouvement ouvrier moderne. En ruinant et brisant à jamais le régime féodal, les routines et les barrières innombrables dans lesquelles il « entravait et immobilisait la vie économique du pays, « en balayant, pour toujours, tout ce droit médieval et monarchique qui, par les privilèges qu'il consacrait, « humiliait la bourgoisie propriétaire, marchande et financière en un même temps qu'il énervait son énergie, » en portant en un mot, à la puissance économique et politique, le Tiers-Etat remplaçant désormais la Noblesse et le Clergé devenus parasitaires, la Révolution a créé, si l'on peut ainsi parler, le monde moderne.

Dès ce jour la société capitaliste est fondée. La grande industrie et le grand commerce, « aventureux et hardi », vont pouvoir se développer librement, exalter les activités, multiplier les richesses. Par cela.

même aussi le Prolétariat va grandir, la scission se produire dans le Tiers-Etat, la classe ouvrière comme classe ayant nettement conscience d'elle-même apparaître. Les premiers coups de tonnerre de la Révolution «venant frapper d'épouvante les hauts pouvoirs dorés » avaient éveillé l'espérance ouvrière. Dans la Société en formation, il y aura certainement plus d'équité, semble-t-il, pour ceux qui n'ont pour vivre que leurs bras à offrir, et, puisque la propriété cessant d'appartenir aux oisifs, aux privilégiés de la naissance, va aller à ceux qui produisent, à ceux dont l'initiative augmente la prospérité de la Nation, certainement aussi, les salaires des artisans, des travailleurs manuels vont être plus justement établis, plus proportionnés aux besoins et aux nécessités de la vie.

Certes les compagnons, les ouvriers n'ont pas encore un programme défini, leur idéal économique n'est point nettement distinct de celui de la bourgeoisie, l'idée socialiste n'a pu encore pénétrer dans leurs esprits; c'est surtout un sentiment, un désir de justice qui les anime

Tout au début déjà, après la prise de la Bastille et tandis que l'Assemblée discute sur le droit de veto à accorder au Roi, une agitation ouvrière se mêle à l'agitation générale des esprits. Les ouvriers étaientils obligés par la hausse du pain de demander une augmentation de salaire, ou bien l'ébranlement général suscitait-il leurs revendications, écrit M. Jaurès qui a noté dans son Histoire socialiste le mouvement de cette époque, je ne sais, mais il semble que de tous

côtés les ouvriers réclament (1). « Le 18 août, MM. les garçons tailleurs sont assemblés sur un gazon en face du Louvre, au nombre de trois mille environ, et pour que personne ne s'introduisit parmi eux ils ont adopté un signe particulier, c'est de montrer le doigt journellement mutilé par les coups d'aiguille. Voici ce qu'ils demandent: 1° qu'il leur soit accordé 40 sous par jour dans toutes les saisons; 2o que les marchands fripiers n'aient plus la liberté de faire des habits neufs, car l'un de ces marchands a proposé dernièrement de n'exiger pour la confection de chaque habit complet de la garde nationale, que la somme de quatre livres 10 sous >>.

Le même jour, « les garçons perruquiers de la capitale s'assemblèrent aux Champs-Elysées. L'objet de leur réunion était de faire cesser un abus vexatoire. Lorsqu'un garçon perruquier veut obtenir une place, il est obligé de se pourvoir au bureau de la communauté d'une carte ou billet qu'il paie vingt sous; en outre il se trouve contraint d'accorder trois ou six livres de gratification au clerc de ce même bureau, lequel, à son gré, donne ou refuse des places. Ils demandent l'abolition de ces abus. »>

«Peu de jours après MM. les garçons cordonniers de la capitale se sont assemblés aux Champs-Elysées et il a été décidé que ceux qui feraient une paire de souliers au-dessous du prix convenu seraient de droit exclus du royaume. »

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(1) JAURÈS, Histoire socialiste la Constituante et la Légis lative, pages 330 et suivantes.

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