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éclatent. Qu'importe à la classe ouvrière que, dans les années de dépression économique, la rente du capitaliste diminue, que lui importe que le profit du patron soit abaissé, elle persiste à vouloir son salaire de vie, elle résiste à toute diminution de ce salaire, elle ne veut point participer aux risques d'une industrie à laquelle elle n'est appelée à donner aucune direction. Et dans la période de prospérité, où voit-on la classe patronale consentir à un partage des bénéfices augmentés, avec les ouvriers, et n'est-ce point par la lutte que le prolétariat essaie de conquérir cette amélioration de son sort, une plus grande part dans le profit? Les faits donnent un démenti à tous ceux qui prétendent qu'il y a solidarité entre l'industriel et les ouvriers, que tous deux sont intéressés au sort de l'industrie. Les rêves généreux de paix sociale s'évanouissent. L'histoire des grèves n'est qu'une des manifestations de cette lutte des classes dans la société actuelle

Ah! certes, si l'on compare d'une façon abstraite le nombre des grévistes par rapport à la totalité de la population ouvrière cette lutte n'apparaît point au premier abord. Sur les 4.844.000 salariés il n'y a pendant dix ans que 1.147.200grévistes, ce qui fait annuellement 23,75 pour 1000, et en défalquant même les 1.300.000 couturières travaillant presque toutes à domicile et parmi lesquelles une seule grève a éclaté, à peine 40 pour 1000.

Mais si nous examinons la proportion des grévistes,

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52,20 0

35 Indre...

36 Indre-et-Loire

37 Isère..

38 Jura.

2,01

34 Ille-et-Vilaine .. 22 91 40,98 27,57 19,91 153 85 77,74

6,48 6,26 2,43 20,66 0 73,15

3,46 5,67 12,19

26,94 13,28 5,091
10,32

1,57 36,39 13,51

39 Landes

5,16 22,63 4,16

6,27 28,35 33,35

1,58

3,05

0

62,66 1.06

0,90 0

10,62 0 30,36 0

(1) Tableau dressé d'après les documents publiés par l'Office du Travail. Statistique des grèves 1895, 1896, 1897, 1898, 1899 et 1900.

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Très peu de départements sont intacts, très peu n'ont pas été atteints par les grèves. Seuls les départements du Gers, du Lot, des Hautes-Alpes, du Cantal, de la Lozère, de la Manche, du Morbihan, des HautesPyrénées, du Tarn-et-Garonne, de la Vienne, c'est-àdire 10 départements sur86, en sont à peu près exempts. Partout ailleurs la lutte entre les deux classes se manifeste, sous une forme encore rudimentaire et peu saisissable là où la grande industrie s'introduit, ou, tout au moins, où les grandes usines, les grandes agglomérations ouvrières n'éxistent qu'en très petit nombre. Là au contraire où la grande industrie est puissante, où les usines, les agglomérations de salariés sont nombreuses, comme dans le Nord, le Pas-de-Calais, l'Allier, le Haut-Rhin. la Loire-Inférieure, la Haute-Saône, le département de Saône-et-Loire, dans la Somme, les Bouches-du-Rhône, etc., etc., la lutte est plus âpre, et la proportion des grévistes augmente annuellement par rapport à la population ouvrière; la guerre se succède pour ainsi dire sans trève, interrompue quelques instants par un armistice mais reprenant ensuite de plus belle. Et à mesure aussi que la grande industrie se développe, que la forme capitaliste de production s'introduit dans une contrée, peu à peu aussi se manifeste la lutte entre le patronat et la classe ouvrière. C'est ainsi que la proportion des grévistes a augmenté dans l'Ille-et-Vilaine (22,91 pour 1000 pour les années 1890 à 1895; 40,98 pour 1000 en 1896; 153,85 pour 1000 en 1899 et 77 pour 1000 en 1900.

De même dans les Pyrénées-Orientales: (19,61 pour

1000 pendant les années 1890 à 1895) 24,48 pour 1000 en 1896, 72,48 pour 1000 en 1898 et 84,63 pour 1000 en 1900. De même l'Ariège (31,73 pour 1000 de 1890 à 1895) 112,59 pour 1000 en 1897, 115,50 pour 1000 en 1900. Ainsi donc, d'une façon plus ou moins sensible le phénomène de lutte de classes se retrouve partout où ouvriers et patrons se trouvent face à face partout où les ouvriers peuvent se grouper et opposer leur nombre à l'influence patronale.

Toujours, tant que le régime capitaliste subsistera, les conflits éclateront entre capitalistes et prolétaires, toujours les travailleurs seront obligés de se soulever pour défendre leur salaire, pour augmenter leurs moyens d'existence, pour ramener à des proportions humaines l'accablante journée de labeur qui les écrase. Dans chaque industrie, et à mesure surtout qu'elle se développe, il y a un antagonisme essentiel qui oppose incessamment ceux qui sont les prolétaires sans propriété et sans garanties et ceux qui, possédant le capital ont, par là même, une maîtrise sur les prolétaires. Entre ces salariés et ces capitalistes il y a lutte permanente. Les salariés veulent réduire sans cesse au profit du salaire la part du dividende, et les capitalistes réduire les salaires au profit du dividende. Les salariés veulent conquérir une part croissante de liberté et de droits dans l'usine, les capitalistes ont intérêt à maintenir l'absolutisme patronal. Les salariés veulent réduire la journée du travail, les capitalistes ont intérêt à disposer sans contrôle et sans limite de la force ouvrière.

Et ainsi pendant que les travailleurs se grouperont,

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