Page images
PDF
EPUB

d'une taxe annuelle de cent francs, si, au contraire, il peut garantir le changement de forme à titre de dessin ou modèle de fabrique (1), la protection durera au choix de l'inventeur, une, trois ou cinq années ou sera même perpétuelle (art. 18). Quant à la taxe, elle sera dans ce cas, beaucoup moins lourde que celle d'un brevet, puisqu'aux termes de l'article 19 de la loi du 18 mars 1806, en déposant son échantillon, le fabricant acquittera entre les mains du receveur de la commune une indemnité qui sera réglée par le Conseil des prud'hommes et ne pourra excéder un franc pour chacune des années pendant lesquelles il voudra conserver la propriété exclusive de son dessin et sera de dix francs pour la propriété perpétuelle.

137. Le criterium, pour distinguer si un changement de forme doit être protégé par la loi de 1844 ou par celle de 1806, est de rechercher la nature du résultat obtenu par l'inventeur. Si ce résultat est un résultat industriel, la loi de 1844 est seule applicable; si au contraire le changement de forme n'a pour effet que d'embellir l'objet, sans aboutir à un résultat industriel, la protection est celle de la loi de 1806 (2). Si, enfin le

1. Bien que la loi de 1806 ne parle que des dessins, il est constant en doctrine et en jurisprudence que les modèles de fabrique, qui sont des dessins de fabrique en relief, sont protégés au même titre. Pouillet, Dessins, no 28 ; Vaunois, Dessins, no 68; Ducreux, Dessins, no 25; Cass, 25 novembre 1881, Pat. 82-134; Cass., 21 mai 1884, Pat. 85-56.

2. Voir dans Vaunois, Dessins, no 63, espèces nombreuses où la loi de 1806 a été déclarée inapplicable, notamment Cass., Ch. civ., 10 mars 1858, Pat. 58-133, décidant que la propriété d'une lanternephare, dont les dispositions intérieures sont combinées de manière. à obtenir un grossissement et une plus forte projection de lumière, ne peut être protégée que par un brevet d'invention et non par un dépôt au Conseil des prud'hommes.

changement de forme donne à la fois à l'objet un aspect nouveau, en produisant en même temps un résultat industriel, l'inventeur pourra réclamer la protection, tant de la loi de 1844 que celle de la loi de 1806.

158. En Allemagne, les changements de forme qui n'ont pour effet que de donner au produit une valeur pratique particulière sans être d'un mérite suffisant pour être jugés dignes d'un brevet par le Patentamt, peuvent être protégés comme modèle d'utilité (Gebrau chsmuster). La loi allemande du 1er juin 1891, protège en effet à titre de modèles d'utilités ces petites inventions secondaires, où souvent, par un simple changement de forme, l'inventeur arrive à augmenter l'utilisation de l'invention. D'après l'article 1er de cette loi sont « protégés comme modèles d'utilité, les modèles d'instruments de travail ou d'objets destinés à un usage pratique (Gebrauchsgegenstanden), ou de leurs parties, si par une nouvelle configuration, une nouvelle disposition ou un nouveau mécanisme (Vorrichtung), ils doivent servir à un travail ou à un usage pratique (Gebrauchszweck). » La protection est accordée pour trois ans, sauf prolongation possible pour une même période de temps et l'invention n'est pas soumise à l'examen préalable. En 1892, 8.456 modèles d'utilité ont été enregistrés, en 1900, le chiffre s'est élevé à 18.220. Si le changement de forme est indépendant de l'usage pratique de l'invention, il peut être protégé par la loi du 11 janvier 1876 sur les dessins et modèles.

159. Il en est des changements de dimensions et proportions comme des changements de forme en principe ils ne sont pas brevetables (1), sauf lorsqu'ils aboutis

1. Cf. jurisprudence, Pouillet, Traité, no 68.

sent à un résultat industriel marqué par un avantage appréciable. Il en sera ainsi notamment de proportions nouvelles données aux tubes des instruments de musique en cuivre, quand ces nouvelles proportions amèneront des modifications des sons obtenus (Cass., 9 fév. 1853, D. P. 53. 1.94, S. 53. 1. 193, Pat. 57.209). De mème encore, les changements de dimensions et proportions seront brevetables lorsqu'ils seront accompagnés de modification de forme, de fonctions ou de mécanisme (notamment Cass. req., 3 août 1858, D. P. 58. 1. 369, Cass., 31 juillet 1871, S. 71. 1. 55).

160. Quant aux changements de matière, lorsqu'il s'agit d'une simple substitution de matière à une autre, ne produisant aucun résultat industriel, évidemment il n'y a pas invention. Chacun sait bien, par exemple, que le fer est plus solide que le bois, celui donc qui ne fait que substituer le fer au bois dans la construction des échalas, ne fait pas une invention brevetable (Rouen, 22 mars 1878, Pat. 1882-24) (1). Au contraire la substitution du fer au bois pour la fabrication de porte-bouteilles sera brevetable, si l'usage de ce métal permet de faciliter le démontage et le transport de ces objets (Bordeaux, 11 mars 1861. Propriété Indust. n° 161) (2).

Perfectionnements

161. La loi n'a pas prévu toutes les formes que pouvait revêtir le perfectionnement et relativement à la brevetabilité, elle s'est bornée à déclarer brevetable l'appli

1. Décisions contraires à la brevetabilité; Mainié, Traité, no 609 à 628; Pouillet, Traité, no 71 et 71 bis.

2. Décisions favorables à la brevetabilité; Pouillet, Traité, no 70.

cation nouvelle de moyens connus pour l'obtention d'un résultat ou d'un produit industriel. Le plus souvent, le perfectionnement sera obtenu par la combinaison ou le groupement d'éléments connus, tantôt il consistera en une simplification, tantôt en une juxtaposition d'éléments

connus.

162. La combinaison de moyens connus constitue une application nouvelle, en ce sens que si chacun des moyens employés est déjà connu, la réunion de ces moyens est nouvelle. Il s'ensuit que l'appréciation de la nouveauté de l'invention doit porter non sur chacun des éléments en particulier, mais sur la nouveauté de l'ensemble. Si les éléments sont groupés dans un nouveau rapport, ayant pour effet de donner un résultat se différentiant de ceux précédemment obtenus, il y a combinaison brevetable (1). Ainsi que le dit M. Mainié, associer des moyens connus, les combiner, c'est inventer, du moment qu'un résultat industriel est produit.

La combinaison est donc brevetable, lorsqu'elle constitue une application nouvelle de moyens connus pour l'obtention d'un résultat ou d'un produit industriel, et sans qu'il y ait lieu de tenir compte de l'importance ou du mérite plus ou moins grand du résultat obtenu (2).

1. La combinaison pour être brevetable n'a donc pas besoin d'aboutir à une modification essentielle du résultat ou du produit obtenu ainsi que semblerait à tort le décider un arrêt de la Cour de cassation du 22 avril 1859; Pat., 59-241.

2. Notamment Cass., 19 décembre 1895, S. 96. 1. 204, D. P. 96. 1. 165, avec le rapport de M. le conseiller Sallantin. Cf. jurisprudence rapportée dans les traités de M. Pouillet, Traité, nos 47 à 55; Mainié, nos 426 à 510. Sur la brevetabilité de la combinaison, voir intéressant article dans le Bulletin du bureau de Berne, année 1889, 5. 29. 49. — En Allemagne, toute combinaison qualitativement nouvelle est brevetable alors même qu'il paraîtrait que cette

163. L'appréciation de la nouveauté de la combinaison est souverainement appréciée par les juges du fait. Le juge, avons-nous dit, doit apprécier l'ensemble de la combinaison, sinon en substituant à l'examen de l'ensemble la discussion d'éléments séparés, le juge violerait la loi du brevet et l'arrêt serait susceptible de cassation (Cass., 6 avril 1861, Pat. 61-112, Cass. ; 10 février 1883, D. P., 83. 1. 432).

Néanmoins, s'il est interdit au juge de décomposer les éléments de l'invention, c'est seulement dans le cas où, par suite de cet examen partiel, il dénaturerait le caractère de l'invention mais s'il ne substitue pas une autre invention à celle qui forme le brevet, il ne commet aucune irrégularité (C. Paris, 8 février 1894; Cass., 11 janvier 1895, Pat. 95-76).

164. Il arrive qu'un inventeur, sans combiner ni réunir intimement divers éléments, ne fait que les juxta

par

combinaison était dans l'air et pouvait être trouvée sans peine (Décision du Patentamt, 15 nov. 1888, Patentblatt, 1889, 59); Kohler, Patentrechliche, p. 29 et suiv. Le brevet de combinaison est appelé en Allemagne, Kombinationpatent. Ainsi décidé que la combinaison de divers éléments déjà connus pour la production d'un résultat nouveau est une invention. Reichsgericht, 3 juillet 1880 (Patentblatt, 1880, no 36, 153). Une invention de combinaison a lieu seulement quand, la combinaison d'éléments connus, on a fait faire un progrès au domaine technique et industriel (Décision du Reichsgericht, 9 décembre 1889; Patentblatt, 1890, no 18, 19, 20, p. 167 et suiv., 181 et suiv., 197 et suiv.). - De l'effet que plusieurs inventions sont réunies dans un seul brevet, il ne s'ensuit pas qu'il s'agisse d'un Kombinationpatent, ce dernier a seulement lieu quand les différentes innovations se soutiennent les unes les autres pour la formation d'une création solidaire formant un tout (Décision du Reichsgericht, 2 janvier 1896, Blatt f. Pat. Must. und Zeichenw, 2o année, p. 112). Voir sur l'invention de combinaison (Kombinationer findung) et sur le brevet de combinaison (Kombinationpatent), Bonnet, op. cit., no 82

et nos 151 et suivants.

Verley

10

« EelmineJätka »