Page images
PDF
EPUB

monopole du perfectionnement après la chute du brevet principal, il prend un brevet pour ce même perfectionnement, ce brevet n'est pas valable. Le perfectionnement a été divulgué, donc il ne peut plus être breveté; d'ailleurs, volontaire ou non, la publicité est destructive de la nouveauté (1). Contentons-nous de faire remarquer les résultats auxquels aboutit la doctrine contraire après avoir joui en fait du monopole de son perfectionnement, le breveté, à la veille de l'expiration de l'année d'exercice de son droit de préférence, prendrait un certificat pour ce perfectionnement divulgué ou mieux un brevet qui survivrait dans tous les cas au brevet principal. Cette

1. Cass., 9 mars 1883; S. 83. 1. 281 avec note de M. Ch. LyonCaen. Il est certain que la divulgation du changement, perfectionnement, addition n'existerait qu'autant qu'elle aurait été suffisante pour en rendre possible l'exécution. Rennes, 9 janvier 1865, S. 66. 2. 58; Cass., 12 janvier 1865; S. 65. 1. 99; Amiens, 29 mars 1865; s. Cass., S. 65. 1. 465; Cass., 9 juillet 1884; D. P. 85. 1. 19; Trib. Tours, 10 août 1887; Orléans, 29 juin 1893; Cass., 8 mai 1895; Droit industriel, 95-193; Trib. civ. Versailles, 2 février 1898; Droit industriel, 98-242. Il en serait ainsi en cas de publication dans les journaux, de mise en vente, de mise en exposition dans un concours un musée avant la prise du brevet. Cf. notamment : C. Bordeaux, 25 juin 1867, Pat. 68-281; Trib. corr. Seine, 8 janvier 1874, Pat. 74-62; Toulouse, 28 juin 1882; Pat. 82-279; Trib. civ. Mont-deMarsan, 3 novembre 1887, Droit industriel, 88-460; Trib. civ. Seine, 5 janvier 1889, Droit industriel, 89-177. De même, au cas de pièces démontées envoyées à un cessionnaire, Besançon, 25 mai 1881, S. 82. 2. 49. De simples essais ne sont pas par eux destructifs de nouveauté s'ils n'ont pour but que d'éprouver et vérifier l'utilité de l'invention ou du perfectionnement. Cass., 19 août 1853, S. 54. 1. 152; Bordeaux, 20 juin 1867, S. 68. 2. 221; Cass., 25 mai 1868, D. P. 68. 1. 442; Trib. Lyon, 26 juillet 1893; C. Lyon, 23 janvier 1895; Cass., 30 juin 1897, Droit industriel, 98-7; ainsi en cas d'expériences non publiques, Paris, 29 novembre 1882, Pat. 84-57 ; dans un atelier, Amiens, 14 mai 188i, Pat. 83-99; expériences destinées à l'expérimentation, Caen, 17 février 1887, S. 88. 1. 25.

solution est à la fois contraire à l'art. 31, contraire à l'équité nous croyons devoir la rejeter.

371. Nous pensons également que, le perfectionnnement étant divulgué par un tiers prenant un brevet à découvert, l'inventeur primitif ne pourrait revendiquer contre le tiers perfectionneur ce brevet, car il n'est pas valable. Nous n'admettrions d'exception à ce principe, que si l'inventeur primitif était lui-même l'auteur du changement, perfectionnement ou addition, à lui soustrait par vol ou abus de confiance par un tiers, s'empressant de prendre immédiatement un brevet. Dans cette seule hypothèse, il y a évidemment soustraction frauduleuse et le breveté revendique son œuvre personnelle. Dans tous les autres cas, admettre la revendication du breveté en vertu de l'art. 18, serait lui permettre de s'approprier le bien d'autrui.

§ III

Durée du droit de préférence

372. Durée du droit de préférence pendant un an. Point de départ de cette année. - 373. Ce délai d'un an est trop court.

372. Le droit de préférence de l'inventeur sur les tiers perfectionneurs pour les perfectionnements qu'il peut apporter à son invention existe aux termes de l'art. 18 pendant une année. Le point de départ de cette année semble ne pouvoir donner lieu à controverse; c'est du jour du dépôt de la demande du brevet principal que

le

délai d'un an commence à courir (1). Cependant, ce point de départ du délai n'étant pas spécifié, on a prétendu, en s'inspirant des travaux préparatoires (2) et du texte de l'art. 32 § 2 (3), que c'était seulement du jour de la signature du brevet, que commençait à courir le délai d'un an de l'art. 18. Unjugement déjà ancien du Tribunal d'Epernay s'est prononcé en faveur de cette opinion. (Trib. corr. Epernay, Journ. prop. ind. n° 150). L'argument tiré des travaux préparatoires est sans valeur : en effet, le projet de loi, conformément au décret du 25 janvier 1807 (4), proposait de faire courir la durée du brevet du jour de sa délivrance. Après discussion, l'article 8 vint décider que le privilège du brevet produirait ses effets à partir du jour du dépôt de la demande. Dans ces conditions, il faut admettre que le législateur de 1844, ayant oublié de préciser le point de départ du délai de l'art. 18, il faut s'en référer au principe de l'art. 8 et non à la discussion de l'art. 18 pour déterminer ce point de départ quant au texte de l'art. 32, l'erreur de rédaction

1. Sic Pouillet, Traité, n° 174; Mainié, Traité, n° 1002; Bédarrides, Traité, n° 256; Dalloz, J.-G. mot brevet, n° 422; suppl. : n 156.

2. M. Delespaul ayant fait remarquer que l'article 18 manquait de clarté proposait de le rédiger ainsi « pendant un an à dater du jour de la signature du brevet ». Le ministre ayant répondu qu'il en était ainsi, M. Delespaul se déclara satisfait du moment qu'il ne pouvait y avoir d'équivoque. Moniteur universel, no du 16 avril 1844 (séance du lundi 15 avril 1844).

3. L'art. 32 déclare en effet déchu le breveté qui n'exploite pas son invention dans le délai de deux ans, à dater du jour de la signature du brevet.

4. Décret impérial du 25 janvier 1807 fixant l'époque à laquelle commencent à courir les années de jouissance des brevets d'invention de perfectionnement et d'importation. C'est seulement du jour de l'expédition du décret suivant le certificat de demande que la jouissance du brevet devenait définitive.

est évidente (1) et cette inconséquence s'explique encore par le changement apporté à l'art. 8. Du jour du dépôt de la demande se produisent les effets du brevet et de ce jour court le droit de préférence consacré au profit du breveté (2).

373. Ce délai d'un an à partir du jour du dépôt de la demande, pendant lequel l'inventeur prime les tiers perfectionneurs, nous semble bien court. Créé pour laisser à l'inventeur le temps de compléter son invention, en lui réservant le bénéfice des perfectionnements qu'il pourrait faire de concurrence avec un tiers, la protection qu'il accorde à l'inventeur est trop restreinte dans la durée. Des réformes out en conséquence été proposées pour allonger ce délai et le porter soit à dix huit mois, soit à deux ans. Déjà, en 1858, le projet de loi relatif aux brevets d'invention élaboré par le Conseil d'Etat portait sa durée à 18 mois (3). Plus récemment au congrès de la propriété industrielle tenu à Paris en 1878. M. Chapelle dans un projet de revision de la loi des brevets d'inven

1. Le projet de loi portant modification de l'art. 32 adopté à la Chambre des députés à la séance du 27 janvier 1902 et devenu la loi du 7 avril 1902, ne rectifie pas cette erreur. Le breveté est déchu, s'il n'exploite pas son invention ou découverte dans le délai de deux ans à date de la signature du brevet. (Journal officiel du 28 janvier 1972 et 9 avril 1902).

2. La loi norvégienne du 16 juin 1885 (art. 4) est beaucoup plus explicite le droit de préférence qu'elle établit au profit du breveté court, dit cet article, du jour de la demande du brevet.

3. L'art.9 de ce projet était, en effet, ainsi conçu : « Toute personne peut prendre un brevet pour changement, perfectionnement ou addition à une découverte déjà brevetée.

Néanmoins, pendant les 18 mois qui suivent la demande du breveté principal, la nouvelle demande du breveté ou de ses ayants droit obtient la préférence.

Jusqu'à l'expiration de ce délai, les demandes faites par les tiers demeurent déposées sous cachet au ministère du commerce. »

tion (1) exposait, dans des réflexions très justes, la rigueur de la brièveté du délai d'un an réservé à l'inventeur pour la priorité de ses perfectionnements et demandait en conséquence « au nom de la justice et de l'intérêt public » qu'il fut porté à deux ans. « Cette priorité, disait-il, devrait en bonne justice être accordée aux inventeurs brevetés pendant un délai de deux années, car il leur faut véritablement ce temps là pour s'occuper de façon utile de perfectionnements toujours subordonnés à une grande tranquillité d'esprit et à une absence de parti pris, deux conditions impossibles à trouver dans un cerveau encore bouillant des efforts et de la fatigue des premiers recherches ». Nous ajoutons qu'en dehors de la fatigue de l'esprit, l'inventeur aura à peine eu le temps nécessaire au bout d'un an d'expérimenter son invention, car souvent un intervalle assez long s'écoule entre la prise du brevet et le moment de l'exploitation. Le législateur, qui prononce la déchéance contre le breveté, s'il n'a pas mis son brevet en exploitation dans le délai de deux ans, aurait dû également réserver à l'inventeur pendant le même délai la priorité de ses perfectionnements.

1. V. Compte rendu du Congrès de la propriété industrielle, déjà cité (annexe no 26, p. 563).

« EelmineJätka »