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68. Si le système des récompenses est insuffisant pour assurer la protection des inventions et perfectionnements, il reste néanmoins un précieux auxiliaire d'encouragement (1). Encouragements donnés à titre de distinctions honorifiques par des prix, des médailles, qui recommanderont au public le produit perfectionné, encouragements donnés en espèces, dans l'espoir desquels. nos inventeurs n'hésiteront pas à faire les premières dépenses entraînées par leurs recherches (2). L'Etat ne peut malheureusement pas toujours disposer de capitaux pour fonder des prix avec attribution en espèces, si pareilles fondations n'existent pas aujourd'hui (et il est à souhaiter, qu'on ne promette pas à nos inventeurs des gratifications chimériques, ainsi qu'il en fut jadis pour l'inventeur de la meilleure machine à filer le lin), l'Etat, facilite les recherches du savant dont la découverte précède l'œuvre de l'inventeur. Dernièrement, il a créé, sous le nom de Caisse des recherches scientifiques (3), un établissement public ayant pour objet de faciliter, par des subventions, les progrès de la science; aux inventeurs de la photographie, Daguerre et Niepce, il accordait jadis, à titre de récompense nationale, une pension de 10.000 francs; plus récemment, les Chambres votèrent une pension

1. Montesquieu, dans l'Esprit des lois (lib. XIV, cap. X) disait déjà « qu'il serait bon de donner des prix aux ouvriers qui auraient porté le plus loin leur industrie. >>

2. MM. Demay, constructeurs maritimes à Dunbarton, ont ainsi institué un système de récompenses en faveur de leurs ouvriers qui leur suggèrent des perfectionnements de toute nature, pouvant réduire la production ou en diminuer les frais. Cf. sur ce système Propriété industrielle, bulletin de Berne, année 1894, p. 27.

3. Loi du 14 juillet 1901 (J. offic., 23 juillet 1901) mais cette caisse des recherches est créée dans le but de favoriser les travaux de

science pure.

annuelle et viagère de 25.000 francs à Pasteur. En conviant les industriels à des expositions, l'Etat assure des récompenses en décernant des médailles aux meilleurs produits, aux procédés de fabrication les plus perfectionnés; en même temps, la loi protège les titulaires de ces récompenses en punissant l'usurpation (1).

69. Reconnaissant l'utilité des concours professionnels et des expositions, les syndicats professionnels en ont organisé. L'Annuaire des Syndicats professionnels (année 1901) en mentionne 34 dans la statistique de 1900: 15 institués par les syndicats patronaux, 19 par les syndicats ouvriers.

70. L'invention a encore des Mécène qui la protègent, riches particuliers qui stimulent les efforts de nos inventeurs et perfectionneurs par des récompenses à la suite de concours. C'est la fondation Antony Pollok (2), prix

1. Avant la loi du 30 avril 1886, ces actes d'usurpation de mẻdailles et récompenses honorifiques n'étaient considérés que comme faits de concurrence déloyale, donnant lieu seulement à poursuite en dommages-intérêts en vertu de l'art. 1382 du Code civil; aujourd'hui ce sont des délits, donnant lieu à action pénale et action civile. Sur les lacunes de la loi du 30 avril 1886, Cf. Garbe, rapport au Congrès de la propriété industrielle de 1900, Compte rendu, p. 223.

2. M. A. Pollok, citoyen des Etats-Unis, était ingénieur-conseil en matière de propriété industrielle. Ses intéressantes communications au bulletin du bureau de Berne attestaient de sa haute compétence en matière de brevets. Victime du naufrage la Bourgogne, ses héritiers en sa mémoire ont fondé un prix de 100.000 francs à décerner à l'inventeur du meilleur appareil de sauvetage. Cette fondation a stimulé le zèle des ingénieurs et constructeurs maritimes du monde entier et l'on a vu des gens, qui n'étaient pas ingénieurs réaliser de remarquables perfectionnements. Nous n'en voulons comme exemple que celui de notre ami M. Eugène Ogez, constructeur maritime à Dunkerque, qui imagina un perfectionnement aux bossoirs d'embarcation, récompensé à l'exposition universelle de 1900.

non encore distribué mais qui a fait naître une série de perfectionnements aux appareils de sauvetage, bossoirs d'embarcation. Ce sont les fondations faites à la société d'encouragement pour l'Industrie nationale par de généreux donateurs. Citons le grand prix du marquis d'Argenteuil, attribué à l'auteur de la découverte la plus utile au perfectionnement de l'industrie française, principalement pour des objets dans lesquels la France n'aurait point encore atteint la supériorité sur l'industrie étrangère, soit quant à la qualité, soit quant aux prix des objets fabriqués, le prix fondé pour le perfectionnement de l'industrie cotonnière, le prix Thénard attribué à l'auteur du perfectionnement le plus important apporté au matériel des usines agricoles et des industries alimentaires, le prix biennal Meynot, à celui qui aura inventé ou perfectionné un instrument ou une machine propre à la moyenne ou à la petite culture, le grand prix de la Société à l'auteur de la découverte la plus utile à l'industrie française. En outre, la Société d'encouragement pour l'industrie nationale est encore la Providence des inventeurs sans fortune (1) l'inventeur pauvre pourra lui demander une allocation pour la prise d'un brevet ou le paiement d'une annuité, il trouvera toujours chez elle la protection et l'appui qu'elle est heureuse de donner à l'inventeur. Tous les ans, elle institue des concours avec attribution de prix, de médailles, aux auteurs d'inventions, de perfectionnements aux arts industriels, et la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, en protégeant l'industrie nationale, est par là même une

1. Mentionnons aussi la société la protection de l'intelligence, fondée le 5 novembre 1890, qui prête sans intérêt aux inventeurs.

Société d'encouragement aux efforts de nos inventeurs et perfectionneurs.

71. Rapidement, nous avons ainsi esquissé l'organisation des moyens par lesquels le perfectionnement industriel était favorisé. Nous avons reconnu, étant donné l'importance économique du perfectionnement, la nécessité d'une protection dans l'ordre de l'économie industrielle. C'est pour l'Etat, tout d'abord, le devoir d'assurer le régime de la liberté de l'industrie, qui seul activera la marche des perfectionnements, ainsi que le prouve notre histoire industrielle; c'est ensuite, pour l'Etat, le devoir de concourir au développement de l'esprit d'invention par la diffusion de l'enseignement technique et professionnel. Le positivisme prétend que nous sommes aujourd'hui à une époque scientifique. L'évolution de l'humanité aurait ainsi passé de la croyance à la science, mais la science ne reste pas stérile, et sitôt un principe scientifique a-t-il été découvert, qu'une application industrielle en est faite et qu'une invention ou un perfectionnement apparaît ! La science féconde l'invention, et il importe au premier chef, si nous voulons voir se perfectionner notre outillage industriel, que nos contremaîtres, nos ouvriers soient, non pas des savants, mais des gens qui observent, comprennent et raisonnent leur métier. C'est là une condition fondamentale, pensonsnous, de l'apparition de nouveaux perfectionnements, car le perfectionnement étant, sous toutes ses formes, une invention secondaire et dérivée, il ne faut point avoir du génie pour perfectionner, il suffit, en ayant l'esprit ouvert, d'observer, de comprendre et de raisonner. Il est ensuite nécessaire de stimuler les initiatives, d'encourager les recherches, de récompenser les efforts de ceux qui seront

à même de perfectionner on protège l'invention en l'encourageant, et nous avons pu constater combien ces encouragements étaient féconds pour l'invention et le perfectionnement. A ce titre, nous sommes convaincus de l'efficacité des concours, des expositions avec attribution de récompenses.

72. Avant tout, il importe que l'esprit public soit favorable à l'inventeur. On a trop souvent l'habitude en France de repousser l'inventeur, on s'effraye du perfectionnement et de la nouveauté. L'homme occupé à des recherches est avant tout considéré comme un rêveur et l'on accueille avec trop peu de faveur des résultats qui, au point de vue pratique, sont souvent loin d'avoir une valeur chimérique. Le capitaliste hésitera cependant à faire l'avance de ses capitaux, l'industriel craindra d'acheter un brevet sans valeur et reculera devant les frais de transformation de son outillage; l'opinion publique vient ainsi trop souvent malheureusement, décourager et énerver l'esprit d'invention. Cette tendance d'esprit est générale elle existe en Allemagne comme en France. Lorsque M. Auer de Welsbach eut inventé son système de lumière à incandescence par le gaz, un industriel célèbre du gaz était prêt, dit M. Auer, à parier avec n'importe qui, qu'en aucune ville on n'installerait mille becs dans une année. Tel autre répondit, comme on cherchait à exciter son intérêt en faveur de l'invention. « Je ne puis m'occuper de pareille chose, mon usine ne prend part qu'aux choses sérieuses » (1). La fortune du système Auer a heureusement démenti ces préjugés pessimistes, mais

1. Cité d'après le Journal für Gasbeleuchtung und Wasserversorgung par le Moniteur scientifique du Dr Quesneville « historique de l'invention de l'incandescence par le gaz » 1902.

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