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Introd. à se former un parti populaire, ou plutôt encore le parti populaire songeait à s'étayer de lui, tant qu'il croirait en avoir besoin.

La reine et sa société étaient à la tête de ce que l'on pouvait appeler le parti de la cour, celui qui agissait au nom du roi, qui voulait conserver l'état des choses, et agrandir l'autorité royale des dépouilles de tous les ordres et de tous les partis. Ces hommes de cour étaient trop légers et trop inconséquents pour avoir un plan combiné, ou même un but fixe; ils agissaient comme ils vivaient, au jour et au moment : sans force pour créer les événements, ils ne faisaient que les tourner à leur profit, ou tâcher de les appliquer à leurs vues; n'ayant autour d'eux que des courtisans, des protégés, des flatteurs, des intrigants adroits, n'éprouvant jamais de contradictions dans leurs conseils secrets, ils n'en prévoyaient aucune au dehors; toujours étonnés quand l'événement les démentait, ils en étaient quittes pour ne pouvoir ni concevoir ni

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croire ce qui arrivait : un nouveau plan d succédait à un plan manqué; on se reposait sur la réussite, on s'amusait, on jouait, on dormait. Si quelques hommes sages voulaient essayer de porter le flambeau de la raison au milieu de ces cercles brillants, il y pâlissait comme devant l'éclat d'un feu d'artifice.

Les hommes sages qui voulaient les sauver, les hommes à talents qui se dévouaient ou se vendaient à eux, se perdaient également à leur service, et, sans prendre de crédit parmi eux, perdaient la popularité qui aurait pu leur être utile: aussi, lorsque les dangers devinrent personnels et pressants, la fuite fut la seule ressource des chefs et de leurs conseillers, n'ayant su, ni se préparer au combat, ni l'éviter.

Les princes, frères du roi, faisaient corps avec le parti de la cour, mais ils avaient chacun le leur, qui étudiait les événements pour s'y faire une place: en attendant, ils payaient de leur présence, se réservant

Introd.

1787-88. d'agir pour leur propre compte, selon le temps et les événements. Orléans seul avait un parti qui méritait ce nom : ne gardant aucun ménagement avec la cour, livré sans réserve au systême populaire, se déclarant hautement, il ne lui a manqué, pour réussir, des qualités personnelles, et cette moralité dans les principes et dans la conduite sans laquelle un chef de parti n'obtient jamais la considération dont il ne peut se passer.

que

Tous ces partis alors naissants, et n'osant encore se produire et s'avouer, sont nécessaires à connaître et à signaler d'avance : ils donnent la clef des événements qu'ils. occasionnèrent, et qui les développeront dans la suite. Il s'en joignit successivement quelques autres, mais qui n'en furent que les subdivisions ou des branches : l'étranger, et surtout le gouvernement anglais, qui dès-lors préparait et montait les ressorts qu'il fit jouer dans la suite, se contentait alors d'observer: les partis, n'étant

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pas encore ouvertement aux prises, se ba- Introd. lançaient dans l'ombre et le silence : il fallait qu'un des partis fût affaibli, pour qu'on pût lui offrir du secours; le lui retirer, dès qu'il en aurait fait usage, pour le reporter au parti vaincu; les abattre et les relever successivement ainsi l'un par l'autre, et laisser au temps le soin d'amener les circonstances, dont le moindre avantage serait la ruine d'une puissance voisine et rivale.

et

C'est cette politique, trop commune qui dirigea toujours les mouvements de l'étranger, et qui, aigrie par les revers, se porta à des excès de barbarie que le droit des gens ne peut admettre, que la politique la moins scrupuleuse ne peut avouer, que l'état de guerre ne peut excuser. L'Angleterre, sans doute, avait des tes récentes à venger : la liberté de l'Amérique anglaise avait été achevée par le cabinet de Versailles, et c'est peut-être à cette époque qu'il faut faire remonter l'origine de l'esprit de liberté, et ensuite de

per

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Introd. l'esprit révolutionnaire en France. Toute la jeunesse qui avait eu sous les yeux le spectacle d'une grande nation conquérant sa liberté, rapporta un esprit d'indépendance et un grand desir d'imitation : la jeunesse de la cour s'y était fait remarquer par cette ardeur qui a toujours été de caractère national; aussi ce fut de la cour même que vinrent les exemples de dévouement populaire. La mode pour quelques-uns, pour d'autres des ressentiments personnels, aidèrent à cette détermination; mais le grand nombre obéit au seul sentiment du bien public, à sa propre opinion, et même la cour ne fut point contraire à cette démarche. Songeant toujours à se servir des états, et se flattant de les diriger à son gré, on ne fut pas fâché de voir une portion de la noblesse se réunir au tiers-état : on espéra tirer parti de leur influence; et peut-être eût-elle été utile, si les vues eussent été saines, et si les autres partis n'eussent réussi à effacer un crédit qui leur faisait ombrage.

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