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DE FRANCE,

DEPUIS

LA REVOLUTION DE 1789.

INTRODUCTION.

Evénements de 1787 et 88.

1787-88.

LES révolutions sont des crises politiques Introd aussi inévitables dans l'ordre moral des sociétés, que le sont les révolutions physiques dans l'arrangement matériel de l'univers la maturité des choses produit les unes et les autres; et les gouvernements, comme le globe terrestre, reçoivent des secousses dont leurs fondements sont ébranlés, lorsque les causes ont mûri au point de produire leurs effets.

Ces causes ne sont guères plus connues l'une que l'autre ; celui qui veut attribuer Tome I.

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Introd. telle révolution politique à l'ambition de tel homme ou à l'opinion de tel parti, donue ses conjectures pour des causes, ainsi que le naturaliste qui veut expliquer le

tremblement de terre de Lisbonne. Le feu souterrain qui la renversa s'était peut-être allumé, vingt siécles avant l'événement, à deux mille lieues de distance : les foyers révolutionnaires qui ébranlent les nations ont brûlé lentement depuis des siècles, et le moment de l'explosion n'est que celui où l'incendie interne est arrivé au point de moindre résistance extérieure.

Il faudrait remonter à la fin du règue de Louis XV, pour marquer les premiers symptômes des mécontentements publics qui commencèrent la fermentation; il faudrait remonter à la fin du règne de Louis XIV, ensuite au temps de la Fronde et de la Ligue, et plus haut aux troubles de Paris où le chaperon rouge jouait le même rôle que le bonnet rouge en 93; aux jacqueries, aux maillotins; ensuite, comme le ferment

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révolutionnaire est composé du méconten- Introd. tement des peuples et de leurs lumières acquises, il faudrait, du siécle de la philoso1 phie dogmatique de Jean-Jacques, de Voltaire, de Montesquieu, remonter aux siècles de la renaissance des lettres. Les causes premières nous sont inconnues, ou toujours trop éloignées pour les lier aux causes secondes, celles-ci nous suffisent dans la pratique, en politique comme en physique. La marche progressive des révolutions est en raison composée de la force des peuples ét de la faiblesse des gouvernements; cette balance, dont l'équilibre forme les systêmes politiques durables, est dérangée sitôt qu'un des bassins acquiert la prépondérance.

Tel était l'état des choses à l'avénement de Louis XVI: tout tendait à la dissolution; l'immoralité de la fin du règne précédent, le poids des impôts, la lutte des corps judiciaires contre l'autorité régnante, lutte toujours à l'avantage des parlements, parce qu'ils ne cédaient qu'à des coups d'autorité

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. qui appelaient sur eux l'intérêt public, et qui, à la fois, prouvaient leur insuffisance: on en vint bientôt à sentir leur incompétence. La légèreté d'une cour frivole, la dissipation des esprits et des finances, contrastaient vainement avec le caractère tranquille, et avec les vues ou plutôt le desir d'économie que témoignait le maître: on le laissait donner l'exemple qu'il n'exigeait pas que l'on suivît; l'insouciance de ces formes d'étiquette, dont la vraie grandeur peut seule se passer, avait amené la familiarité des courtisans, et bientôt la ville apprit d'eux à ne respecter plus guères ca que la cour ne respectait plus. Louis XVI n'était vu que comme un père de famille qui blâme tout, et qui laisse tout faire autour de lui: toujours assez éclairé dans le choix de ses ministres, et toujours trop faible pour les soutenir, l'intrigue se débarrassait bientôt des personnages embarrassants, et leur substituait des personnages complaisants et féconds en ressources fiuau

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justifica

cières Enfin, il arriva ce qui arrive dans Introd une maison mal réglée : l'intendant vint Pièces annoncer qu'il n'y avait plus ni argent ni tives (1). crédit; et tout son travail se borna à prouver qu'il s'en fallait d'environ 50 millions par an que la recette pût fournir à la dé

pense.

Deux moyens se présentaient, diminuer l'une et augmenter l'autre ; et chacun avait ses inconvénients: on était las de traiter avec les parlements pour l'enregistrement de nouveaux impôts; ils se faisaient valoir et demandaient les états-généraux, qu'ils craignaient trop pour espérer de les obtenir; la cour les menaçait des états-généraux, espérant aussi qu'ils feraient tout plutôt que de les obtenir. Ce mot d'états-généraux, répété par les deux partis, accoutuma peu à peu à y croire; et, sans projet de les donner d'une part, sans projet de les obtenir de l'autre, le cri public s'éleva tout à coup; et aucun des contendants n'osant plus se dédire, les états-généraux furent

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