Page images
PDF
EPUB

où la nécessité de tout dire, comme de tout faire à la fois et à la hâte, obligeait à négliger les formes, pour ne s'occuper que du fond des sujets, il était inévitable que le Dictionnaire s'augmentât de volume en perdant souvent de sa pureté : il a cependant fallu se servir du Dictionnaire courant, sous peine de parler une autre langue, et de manquer ainsi un trait de la ressemblance.

pas

Les nuances même ont été tranchantes; la langue de la convention ne fut la même que celle de la première assemblée : on ne s'occupa plus de pureté de style ni de l'élégance d'expression; et de plus, les mêmes orateurs n'eurent pas le même idiome à la tribune législative et à la tribune des jacobins. Il y a telle période de la révolution où la langue devint aussi, dure, barbare et féroce, et l'historien est obligé d'y forcer son style, comme un compositeur adapte sa musique aux paroles.

Il arrivera quelquefois que plusieurs pièces seront jointes sous le même chiffre de renvoi,

quoique n'appartenant pas précisément au même événement; alors le rapprochement, l'à-propos, la convenance, sont dans le rapport de circonstances semblables.

JUSTIFICATIVE S.

INTRODUCTION.

N°. I. ( Page 5.

Fragments du discours de Calonne aux notables, en 1787.

N

En général, l'économie d'un ministre des finances peut exister sous deux formes si différentes, qu'on pourrait dire que ce sont deux sortes d'économie.

L'une qui frappe tous les yeux par des dehors sévères, qui s'annonce par des refus éclatants et durement prononcés, qui affiche la rigueur sur les moindres objets, afin de décourager la foule des demandeurs. C'est une apparence imposante qui ne prouve rien pour la réalité, mais qui fait beaucoup pour l'opinion: elle a le double avantage d'écarter l'importune cupidité, et de tranquilliser l'inquiète ignorance.

L'autre, qui tient au devoir plutôt qu'au caractère, peut faire plus en se montrant moins; stricte et réservée pour tout ce qui a quelque importance, elle n'affecte pas l'austérité pour ce qui n'en a aucune; elle laisse parler de ce qu'elle accorde, et ne parle pas de ce qu'elle épargne; parce qu'on la voit accessible aux demandes, on ne veut pas croire qu'elle en rejette la plus grande partie; parce qu'elle tâche d'adoucir l'amertume des

refus, on la juge incapable de refuser; parce qu'elle n'a pas l'utile et commode réputation d'inflexibilité, on lui refuse celle d'une sage retenue; et souvent, tandis que, par une application assidue à tous les détails d'une immense gestion, elle préserve les finances des abus les plus funestes, et des impérities les plus ruineuses, elle semble se calomnier elle-même par un extérieur de facilité que l'envie de nuire a bientôt transformé en profusion.

Mais, qu'importe l'apparence, si la réalité est incontestable? Persuadera-t-on que les libéralités sont devenues excessives, lorsqu'il est constaté par le compte effectif de l'année dernière, que les pensions qui s'élevaient notoirement à 28 millions ne montent plus qu'à environ 26, et qu'elles continueront nécessairement de décroitre, chaque année, par l'exécution du réglement, que sa majesté à rendu le 8 mai 1785? Refusera-t-on de reconnaître que, dans un royaume comme la France, la plus certaine, la plus grande des économies consiste à ne pas faire de fausses opérations; qu'une seule méprise en administration, une spéculation erronée, un emprunt mal calculé, un mouvement rétrograde, coûtent infiniment plus au trésor public, sans qu'on le sache, que les dépensés ostensibles dont on parle le plus, et que le titre d'administrateur économe est plutôt dû à celui dont on ne peut citer aucune opération manquée, qu'à celui qui ne s'attacherait qu'à des épargnes souvent illusoires et toujours plus avantageuses au ministre qui s'en fait un mérite, qu'à l'État dont l'utile splendeur est incompatible avec une puérile parcimonie....

Ces comptes, dressés sous deux points de vue, l'un, pour l'année 1787, l'autre, pour une année ordinaire, présentent une balance très-correcte des recettes et dé

penses annuelles; je les ai remis au roi, appuyés de soixante-trois états particuliers qui donnent les détails de tous les articles ; et sa majesté, qui a bien voulu en faire une étude approfondie avec l'application qu'elle ne refuse jamais à ce qui la mérite, est à présent plus instruite que qui que ce soit ne peut l'être dans son royaume de la véritable situation de ses finances.

Les résultats de cette connaissance n'ont pu lui paraître ni douteux ni satisfaisants.

Je dois l'avouer, et je n'ai eu garde d'en rien dégui-ser, le déficit annuel est très-considérable : j'en ai fait voir au roi l'origine, les progrès et les causes.

Son origine est fort ancienne. Le déficit, en France, existe depuis des siécles : ce système, en bouleversant les fortunes des particuliers, devait du moins rétablir le niveau dans les finances de l'Etat; ce but a été manqué, et même, sous l'administration économique du cardinal de Fleury, on ne l'a point atteint. Ce n'est pas l'opinion commune, mais c'est la vérité, et il est constaté par un travail fait au trésor royal sur les comptes de ce ministère, que, pendant sa durée, le déficit a toujours subsisté.

Ses progrès sont devenus effrayants sous le dernier règne. Ce déficit passait 74 millions, quand l'abbé Terray fut appelé à l'administration des finances; il était encore de 40 quand il en sortit. Cependant, par le mémoire qu'il remit au roi en 1774, accompagné d'un état des recettes et dépenses pour la même année, il n'avait porté le déficit annuel qu'à 27,800,000 liv.; mais il est reconnu et prouvé, par le compte effectif de cette même année, qu'en réalité il était alors de 40,200,000 liv.

Vers la fin de cette séance, Lafayette proposa formellement la convocation d'une Assemblée nationale. Le comte d'Artois, sur

<

« EelmineJätka »