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N. V. (Page 115.)

La Lanterne aux Parisiens.

Quels remercîments ne vous dois-je pas ? Vous m'avez rendu à jamais célèbre et bénie entre toutes les lanternes. Quest-ce que la lanterne de Sosie ou la lanterne de Diogène, en comparaison de moi : il cherchait un homme, et moi j'en ai trouvé deux cent mille. Dans une grande dispute avec ce Louis XIII, mon voisin, je l'ai obligé de convenir que je méritais, mieux que lui, le surnom de juste. Chaque jour, je jouis de l'extase de quelques voyageurs anglais, hollandais, ou des Pays-Bas, qui me contemplent avec admiration; je vois qu'ils ne peuvent revenir de leur surprise, qu'une lanterne ait fait plus en deux jours, que tous leurs héros en cent ans : alors, je ne me sens pas d'aise, et je m'étonne qu'ils ne m'entendent pas m'écrier: Je suis la reine des lanternes!

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Citoyen, je veux me rendre digne de l'honneur qu'on m'a fait, de me choisir. Le public se groupe et se renouvelle sans cesse autour de moi. Je n'ai pas perdu un mot de ce qui s'y est dit ; j'ai beaucoup observé, et je demande aussi la parole.

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Avant de venir aux reproches, que je voudrais bien n'avoir point à faire à la nation; d'abord, elle recevra de moi les compliments qui lui sont dus. Dans les dernières ordonnances, on remarque un style tout nouveau. Plus de Louis, par la grace de Dieu, plus de car tel est notre bon plaisir. Le roi fait encore à son armée l'honneur de lui écrire ; il demande aux soldats leur affection. Je n'aime pas qu'il la demande au nom de ses ancêtres ;

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et on voit bien que le libraire Blaisot ne lui a point remis d'exemplaires d'une certaine brochure où on a fait le portrait de ses pères. Au demeurant, la lettre est des plus polies. Le nouveau secrétaire connaît les bienséances, et ce style m'enchante........

L'illustre lanterne, après avoir un peu repris haleine, continue en ces termes:

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Il est temps que je mêle à ces éloges de justes plaintes. Combien de scélérats viennent de m'échapper! non que j'aime une justice trop expéditive : vous savez que j'ai donné des signes de mécontentement, lors de l'ascension de Foulon et Berthier; j'ai cassé deux fois le fatal lacet. J'étais bien convaincue de la trahison et des méfaits de ces deux coquins; mais le menuisier mettait trop de précipitation dans l'affaire : j'aurais voulu un interrogatoire et révélation des faits.

"Au lieu de constater ces faits, aveugles Parisiens peut-être aurez-vous laissé dépérir les preuves de la cons. piration tramée contre vous; et tandis qu'elle n'a prêté son ministère qu'à la justice et à la patrie qui le demandaient, vous déshonorez la lanterne : ma gloire passera, et je resterai souillée de meurtres dans la mémoire des siécles. Voyez comme le sieur Morande, dans son Courrier de l'Europe, et le gazetier de Leyde, m'ont déja calomniée. Je laisse aux lanternes de ce pays-là le soin de me venger, quoi que disent ces journalistes pensionnés......

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« La lanterne se 'doit à elle-même de publier ce que les bons citoyens se disaient depuis longtemps, à l'oreille, et ce qu'un journaliste patriote n'a pas craint d'imprimer: que petit à petit quelques membres des communes se laissaient gagner par des pensions, des projets de fortune, des caresses. Heureusement il y a les galeries, les galeries incorruptibles, toujours du côté des pa

triotes : elles représentent ces tribuns du peuple, qui assistaient, sur un banc, aux délibérations du sénat, et qui avaient le veto; elles représentent la capitale, et heureusement c'est sous les batteries de la capitale que se fait la constitution........

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Je ne suis qu'une lanterne, mais je confondrais en deux mots ces grands défenseurs du veto; Mounier, Clermont-Tonnerre, Lally, Thouret, Maury, Treilhard, d'Entraigues, etc., en faveur de ce monstrueux et absurde veto, qui ferait de la première nation de l'univers et de vingt-quatre millions d'hommes, un peuple ridicule d'enfants, sous la férule d'un maître d'école; ils ne savent que s'appuyer des cahiers des provinces. Ils ne prennent pas garde qu'il n'est pas un seul de ces cahiers, qui, en même temps qu'il accorde le veto, ne renferme quelques articles contradictoires et destructifs de ce veto. Par exemple, toutes les provinces ont voté impérativement une nouvelle constitution; donc elles ont déclaré implicitement que nul n'avait le droit de s'opposer à cette constitution. Toutes les provinces ont voté impérativement la répartition égale des impôts, l'extinction des priviléges pécuniaires, etc. Donc, par ce mandat impératif, elles ont déclaré indirectement que nulle puissance n'avait le droit de dire veto, et de maintenir l'ancien usage.

N. VI. (Page 132.)

Repas des gardes-du-corps.

Il est des faits historiques dont les détails constatés sont la propriété exclusive du temps; lui seul les donne exacts, et le devancer serait seulement se mettre à sa

place sans la remplir. Il a été impossible de trouver sur ce fait plus curieux qu'important, aucun détail plus circonstancié et plus authentique que ce qui a été imprimé dans le temps, et qui ne serait ici qu'une répétition surabondante.

L'intention bien connue d'un côté était de rallier une force armée; l'intention opposée fut de se servir de cette fausse démarche pour porter les choses à l'excès. Chacun ajouta dans ses récits tout ce qui pouvait le plus favoriser ou excuser ses intentions et ses démarches.

N.. VII. (Page 135.)

Discours de Maillard, prononcé dans la séance du 5 octobre 1789.

A peine M. Target finissait de parler, qu'une députation d'un très-grand nombre de citoyennes de Paris, déja arrivées à Versailles, se présente à la barre. M. Maillard est à leur tête et porte la parole.

Maillard. Nous sommes venus à Versailles, pour demander du pain, et en même temps pour faire punir les gardes du corps, qui ont insulté la cocarde patriotique. Les aristocrates veulent nous faire périr de faim. Aujourd'hui même, on a envoyé à un meunier un billet de deux cents francs, en l'invitant à ne pas moudre, et en lui promettant de lui envoyer la même somme 2 chaque semaine.

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et de

L'assemblée pousse un cri d'indignation toutes les parties de la salle on lui dit : nommęz. Maillard. Je ne puis nommer ni les dénoncés,ni les

dénonciateurs, parce qu'ils me sont également inconnus; mais trois personnes que j'ai rencontrées, le matin, dans une voiture de la cour, m'ont appris qu'un curé devait dénoncer ce crime à l'assemblée nationale.

Une voix s'élève alors à la barre et désigne M. l'archevêque de Paris.

L'assemblée entière s'empresse de répondre que ce prélat est incapable d'une pareille atrocité.

Maillard. Je vous supplie, pour ramener la paix, calmer l'effervessence générale et prévenir des malheurs, d'envoyer une députation à messieurs les gardes du corps, pour les engager à prendre la cocarde nationale, et à faire réparation de l'injure qu'ils ont faite à cette même cocarde.

Plusieurs membres s'écrient que les bruits répandus sur les gardes du roi, sont calomnieux.

Quelques expressions peu mesurées, échappées à l'orateur,lui attirent alors une injonction du président, de se contenir dans le respect qu'il doit à l'assemblée nationale. Le président ajoute que tous ceux qui veulent être citoyens, peuvent l'être de leur plein gré, et qu'on n'a pas le droit de forcer les volontés.

Maillard. Il n'est personne qui ne doive s'honorer de ce titre ; et s'il est dans cette diète auguste quelque membre qui puisse s'en croire déshonoré, il doit en être exclus sur le champ.

Toute la salle retentit d'applaudissements, et une foule de voix répète : oui, oui, tous doivent l'être ; nous sommes tous citoyens.

Au même instant, on apporte à Maillard une cocarde nationale, de la part des gardes du corps; il la montre aux femmes, comme un gage de leurs dispositions pacifiques, et toutes s'écrient, vive le roi! vivent les gardes du corps!

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