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l'accusé ? Lisez, si vous voulez vous en convainere, le nouvel ouvrage de M. Servan sur la paix ; c'est un philosophe, celui-là.

PÈRE G***.

Ah! miséricorde, pays; je ne lis rien de tout ça. Mais c'est dans vot'cœur que vous d'vriez lire. Rappelez-vous donc seulement l'histoire à ce M. Malouet, accusé cheu nous par mon confrère G***. Eh bien! fallait former un tribunal pour le juger, et mettre leux joli M. G*** pour président; ça aurait fait d'belle besogne, et le bon Dieu se s'rait accommnodé de ça. Oh! sarpeguiene, comme i m'ont fait malade à cette siancelà; j'étais tenté de faire le sacrifice de ma perruque, et de la leu jeter à la tête. Et puis, quant à votre monsieur philosophe, on m'a dit comça qu'il y a trois mois, il écrivait à Mounier tout le contraire, et qu'il change d'opinions comme de chemises, et qu'il voulait six ordres en France depuis que j'nous étions délivrés de trois, où il y avait trop de deux, n'en parlons plus.

M. ***.

Eh bien, père G***, consolez-vous; je crois bien que nous aurons un tribunal comme vous dites; mais surtout point de veto sur nos décrets.

PÈRE G***.

Vous v'nez encore m'embrelificoter avec vot' veto, avec du latin où j'nentendons goutte. T'nez, voisin, réfléchissez donc que quand i voudraient faire queuques gueuseries de décrets, i n'auraient qu'à s'entendre deux cents enragés quand i gnia qu'eux à la salle, ou que j'sommes allez dîner, et puis le porter tout d'suite au roi; et puis, s'il n'accepte pas, manigancer encore,

lui faire faire une ptite promenade de quatre lieues. Non, il faut que partout il gni ait des controleux. Un aut chambre n'arrêtera pas ce qui s'ra ben fait, elle n'arrêtera que le chicotin; et puis, sans aller par trentesix chemins, m'est avis que les lois doivent se fricasser comme notre omelette. Nous aut'peuple, j'sommes la friture; les grands, les riches, les nobles sont les œufs et les fines herbes. Quand j'sommes tous seuls, je crions, je bouillonons, je prenons feu, j'allons par dessus les bords; pan, on flanque les œufs dans la sauce, ça ne crie plus, ça se fond l'un dans l'autre, ça vous prend une couleur ben dorée, ben appétissante; stila qui tient la queue de la poêle n'a pu qu'un p'tit coup à donner, et puis c'est un morceau de roi. Si la friture et la liaison manquent; eh bien! le maître Jacques les jette et en recommence une autre avec de nouveaux inguerdiens, jusqu'à c'qu'on en fasse une bonne. Qu'en pensez-vous, monsieur le chevalier ?

LE CHE V. L A ROCHE.

Une fricassée nationale, v'la le mot. A la santé de la fricassée nationale.

PÈRE G***, s'animant.

Eh ben! puisque tout est national à présent, depuis la cocarde jusqu'aux boucles, et qu'il y aura toujours des riches et des savants tant que l'monde s'ra monde, faisons-en une bonne fois pour toutes une aristocratie nationale, et puis n'en parlons plus.

LE CHE V. LA ROCHE.

N'en parlons plus, n'en parlons plus!..

M. ***.

Je crois, père G***, que vous vous êtes laissé gagner par le clergé. On m'avait dit déja que vous n'aviez pas été de l'avis de la suppression des dixmes; que vous vous étiez laissé dire que M. Duport n'avait plaidé contre elles aussi vigoureusement, que parce qu'il venait d'acheter une terre à vingt lieues de Paris, et que les dixmes annullées étaient pour lui un objet de dix mille livres de rente. Je vous soupçonne un peu aristocratę.

PERE G***.

V'la comme on en dit toujours pu qui gni en a. J'ai dit com❜ça qu'il était jusse que ceux-là qui avaient toute la peine, en eussions le salaire ; je parlais de not' bon curé, à qui aucune ordonnance de l'assemblée ne m'empêchera pas d'aller quand je l'voudrai faire présent d'un tierçon de eidre et d'un sequier de blé noir pour soutenir c'pauvre cher homme, Ses visites à not ménagère et à nos enfants valent ben celles du médeçin pourquoi en serais-je plus oublieux? Oh mais! pour les grosses dixmes de ces gros fainians que je ne voyons jamais, qui restions là à Paris à faire des soupers qui durent jusqu'à cinq heures du matin, dont les grands vicaires nous font des procès qui n'ont ni père ni mère, oh! pour celles-là, bernique, compère.

Le père G*** était un bon et digne cultivateur de Bretagne, mais ne connaissant pas parfaitement ce que c'était que les droits de l'homme. Pendant la discussion, il demanda la parole, monta à la tribune, et dit qu'il priait l'assemblée de ne pas oublier les droits sur l'eaude-vie, fort onéreux à sa province. Le plus léger mouvement d'ironie ne put être aperçu dans l'assemblée.

N. IX. (Page 216.)

Anacharsis Clootz, orateur de cette députation, était prussien et avait reçu une éducation soignée : il était exalté par enthousiasme et de bonne foi; ses correspondances le prouvent. Il était fort assidu aux séances des jacobins, et se fit remarquer à la journée du 10 août. I périt ensuite sur l'échafaud, au temps où toute espèce de célébrité fut un arrêt de mort.

N. X. (Page 237.)

Affaire de Nancy.

Sur les deux heures et demie, j'étais à une lieue et demie de Nancy. Là, je trouvai une seconde députation. Les soldats avaient forcé leurs officiers de l'accompagner. Je fis à ces députés la même réponse qu'aux premiers ( je leur répétai que, préliminairement à tout; j'exigeais la délivrance des deux officiers généraux, et le départ, à l'instant, des trois régiments, pour aller attendre, dans l'endroit que je leur désignerais, l'exécution du décret, et mes ordres ultérieurs. Je leur dis, de plus, qu'il fallait remettre entre mes mains quatre hommes par régiment, que j'enverrais sous escorte, pour être jugés par l'assemblée nationale, et enfin, j'ordonnai au peuple de rentrer dans le devoir ét de se soumettre aux lois. Les officiers et les députés demandèrent une heure pour examiner més

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propositions. Je la leur accordai. Le délai demandé ayant expiré sur les quatre heures, j'ordonnai à mon avant-garde de s'approcher des portes de la ville. Elles étaient défendues par des troupes, des habitants en armes et par plusieurs pièces de canon. On m'annonça bientôt après une troisième députation, accompagnée de plusieurs membres des corps administratifs, et de quelques-uns des principaux officiers de la garnison. Ayant donné l'ordre à mes troupes de faire halte à trente pas de l'une des portes, j'allai parler aux députés, qui étaient sortis de la ville par une autre porte. Ils m'assurèrent que je serais entièrement obéi; que les régiments se disposaient à quitter la ville, pour se rendre à l'endroit que je leur désignerais; que les deux officiers généraux allaient être immédiatement remis entre mes mains. En effet, quelqués minutes après, je vis la tête de la colonne formée par le régiment du roi, défiler pour sortir de la ville, et je fus bientôt rejoint par les généraux de Malseigne et Denoue. Croyant fermement que tout était terminé, d'après l'assurance des députés de la ville et de la garnison, je suspendis la marche de mes troupes; j'envoyai même quelques gardes nationales de Metz dans la ville, où ils furent reçus de la manière la plus amicale, et je n'attendais que le départ de la garnison pour y entrer moi-même, et en prendre possession. Je me crus dans la plus parfaite sécurité, et je m'applaudis de m'être tiré heureusement d'une position si extraordinaire et si dangereuse.

Je causais tranquillement avec les deux officiers généraux et quelques-uns des principaux habitants de Ja ville qui les avaient accompagnés, à peu de distance de la porte où j'avais placé la tête d'une de mes colonnes, lorsque la populace armée, et un

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