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grand nombre de soldats qui n'avaient pas suivi leurs drapeaux, engagèrent une querelle avec mon avantgarde, composée de suisses, et se disposèrent à tirer sur elle, avec plusieurs pièces de grosse artillerie, chargées à mitraille, qu'ils avaient placées à l'entrée de la porte. Un jeune officier du régiment du roi, nommé Desilles parvint cependant à les en empêcher pendant quelque temps. Il se précipita à la bouche d'un canon; et quand on l'en eut arraché, il sauta sur un autre canon de vingt-quatre, et s'assit sur la lumière. Il fut massacré dans cette position. La mèche fut appliquée au canon, et, dans un instant cinquante ou soixante hommes de mon avant-garde tombèrent morts; le reste, suivi par les grenadiers français, s'avança avec furie pour s'emparer des canons, prit possession de la porte appelée Stainville, et entra dans la ville où il fut en un instant assailli d'une grêle de coups de fusil, tirés des caves, des fenêtres et des toits des maisons, sans pouvoir apercevoir un seul ennemi.

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Quel fut mon étonnement, quand j'entendis le signal d'une bataille que je m'étais efforcé d'éviter, et à laquelle je n'avais plus aucune raison de m'attendre! Je courus me mettre à la tête de mes troupes, qui étaient déja dans le plus grand désordre, et sur le point de prendre la fuite. Je les ralliai cependant, et je fis en hâte mes dispositions pour pénétrer dans la ville sur deux colonnes, qui s'avancèrent lentement, et avec de grandes difficultés, le long des principales rues. En même temps, les troupes de la garnison s'imaginant qu'elles étaient trahies, et qu'on avait profité de leur absence pour attaquer le peuple et leurs camarades, rentrèrent dans Nancy avec précipitation pour les secourir. Heureusement les officiers du régi

ment du roi, qui avaient été forcés par les soldats de rester avec eux, réussirent à leur persuader de se retirer dans la cour de leurs casernes, de s'y ranger en bataille, et d'attendre qu'on les y attaquât. Cette sage mesure sauva tout. Il n'y eut que six cents hommes de ce régiment qui se réunirent au reste de la garnison et au peuple, pour m'attaquer. Mes troupes, indignées et croyant qu'on ne les avait laissé entrer dans Nancy, que pour les faire tomber dans une embuscade, et les attaquer avec plus d'avantage, se battirent avec fureur.

Telle était la position des deux partis, lorsque ce singulier combat commença, vers les quatre heures et demie de l'après-midi. Il était sept heures passées , que je n'étais pas encore parvenu aux places, sur lesquelles donnaient les casernes du régiment du roi et des suisses. Elles étaient, il est vrai, situées aux deux extrémités de la ville. J'avais déja perdu quarante officiers, et près de quatre cents soldats tués ou blessés. Un bataillon allemand et les gardes nationales de Metz, après avoir perdu beaucoup de monde, s'étaient retirés. Ma cavalerie ne me servait à rien. Au commencement de l'affaire, j'avais imprudemment ordonné à deux escadrons de hussards, d'entrer dans la ville; la moitié avait été taillée en pièces. J'étais de plus obligé de dépêcher une grande partie de ma cavalerie sur la route de Lunéville, pour s'opposer aux carabiniers, par lesquels je m'attendais à chaque instant à me voir attaqué. Les rebelles, il est vrai, avaient, de leur côté, considérablement soufferts. Nous en avions tué un grand nombre. Nous leur avions pris douze pièces de canon, et fait plus de cinq cents prisonniers. Les régiments révoltés s'étaient retirés, et rangés devant leurs casernes. Ceux des habitants qui

avaient pris les armes, étaient rentrés dans leurs maisons ou avaient quitté la ville. Cependant, je n'avais plus que quinze cents hommes de troupes, divisés en différents détachements.

Arrivés à la place royale, avec quatre cents grenadiers français, à deux cents pas des casernes du roi, d'où l'on ne tirait pas un seul coup de fusil, ils me pressèrent instamment d'attaquer ce régiment, quoique trois fois plus nombreux qu'ils ne l'étaient. La nuit approchant, j'étais indécis sur le parti que je devais prendre, lorsqu'un de mes aides-de-camp, M. de Rhodes, vint me dire qu'il avait pénétré jusqu'aux casernes, et lié conversation avec les soldats, qu'il avait trouvé très-intimidés, et disposés à se soumettre. Ils commencent, ajouta-t-il, à écouter la voix de leurs officiers, et si vous paraissez, je ne doute pas de leur

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Je me hâtai de profiter de ce moment favorable. Dès qu'ils m'aperçurent, ils parurent confondus, et se disposèrent à mettre bas les armes; mais je les prévins. Je leur dis que j'exigeais d'eux seulement qu'ils quittassent la ville dans un quart-d'heure. Ils y consentirent. Je leur donnai immédiatement l'ordre de se rendre dans une garnison éloignée de vingt lieues. Ils obéirent. Les officiers reprirent le commandement et toute leur autorité, et une heure et demie après, ce régiment avait entièrement évacué Nancy, et était en pleine marche vers le lieu de sa destination. Ce qu'il y eut de plus extraordinaire, ce fut que ces soldats me demandèrent une escorte, quoique chacun d'eux eût trente cartouches, que je ne jugeai pas à propos de leur ôter, de peur de différer leur départ.

Je leur donnai trente hussards qui les conduisirent à leur garnison. J'annonçai ensuite au régiment suisse,

le départ du régiment du roi. Je lui expédiai en même temps l'ordre de quitter Nancy, et de se rendre dans une ville éloignée, que je lui indiquai. Il obéit à cet ordre. Son exemple fut suivi par la cavalerie. A neuf heures du soir, toute la garnison avait évacué la ville, et était en marche; le peuple était dispersé, où rentré dans ses demeures; les étrangers étaient sortis de la ville, et tout était parfaitement tranquille.

N. XI. (Page 258.)

A notre très-cher fils le cardinal de La Rochefoucault, notre vénérable frère l'archevêque de ***, et aux autres signataires de l'exposition sur les principes de la constitution du clergé.

PIE VI, PAPE.

Notre très-cher fils et vénérable frère, etc....

Nous sommes confirmés dans cette résolution par l'autorité de Grégoire-le-Grand, qui recommande beaucoup de discrétion dans les temps de révolution, afin que la langue ne profère point de paroles inutiles, lorsqu'elle doit être contenue.

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C'est dans cette vue que l'on avance, dans la déclaration des droits, que l'homme, au milieu des rapports de la société, conserve la jouissance de la liberté la plus indéfinie, qu'il ne peut être inquiété par ses opinions religieuses, et qu'il peut dire, écrire, parler et

faire imprimer, même sur la religion, tout ce que bon lui semble.....

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Soyez sujets de la nécessité, dit l'apôtre....

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En nous occupant ensuite de quelques autres erreurs de votre assemblée nationale, la première chose qui nous tombe sous les yeux, c'est l'abolition de la primatie et de la jurisdiction du saint-siége, décrétée en ces termes : « Le nouvel évêque ne pourra s'adresser au pape pour en obtenir aucune confirmation mais il « lui écrira comme au chef visible de l'église universelle, en témoignage de l'unité de foi et de la com« munion qu'il doit entretenir avec lui. » On prescrit une nouvelle formule, dans laquelle est entièrement supprimé le nom du pape; enfin, l'élu à un évêché, n'osant, pour demeurer fidelle au décret de l'assemblée nationale dont il a juré l'observation, postuler la confirmation papale. N'en résulte-t-il pas l'exclusion absolue de l'autorité du saint-siége? et n'est-ce pas ainsi que l'on détourne les ruisseaux de leur source, les branches de leur tronc nourricier, et le peuple de son souverain pontife?..

Quel est, lui dit-il, ( le cardinal Corrade) le nombre de personnes que vous avez dans votre paroisse ? Le curé lui répondit qu'il était de neuf mille. Alors, le cardinal, ému d'admiration et de colère, lui répliqua : Comment, misérable que vous êtes, pouvez-vous croire que vous êtes seul en état de gouverner, avec les soins et la vigilance nécessaires, tant de milliers de personnes? etc.....

Quoiqu'il s'agisse, dans cette circonstance, de neuf mille ames, et que par le décret de l'assemblée on n'en confie que six mille aux soins d'un curé, qui ne conviendra cependant que le soin de ce nombre excède de beaucoup? etc......

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