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FOULON ET BERTIER.

s'était

Foulon avait été intendant de la guerre, et, dans cette place, attiré l'animadversion du peuple, par une grande dureté de caractère et par des formes d'administration sévères: il sentit le danger de sa position, et se cacha; mais il fut découvert, et les habitants du lieu le ramenèrent à Paris. S'il fut coupable des malversations qu'on lui imputait, son retour fut déja une expiation. Accablé de reproches et mauvais traitements, on l'accusait d'avoir dit que le peuple était trop heureux s'il avait à manger du foin. La fureur était au comble. Lafayette entreprit sa défense, à l'Hôtel-de-ville, et, pendant deux heures, éloigna le moment fatal. Enfin, après un discours véhément, qui obtint les applaudissements de la multitude, l'accusé eut l'imprudence d'applaudir lui-même. Aussitôt une voix s'éleva, et dit: Voyez-vous, ils s'entendent! Cette observation était trop fine pour être d'un homme du commun. Ce mot fut le signal d'une indignation qu'il ne fut plus possible de contenir et la multitude

l'entraîna.

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Berthier, son gendre, fut ramené de Compiègne par une escorte qui parvint à le conduire jusqu'à Paris. Les efforts, les ordres des magistrats ne purent réussir à le faire conduire jusqu'à la prison. Un homme de la foule lui tira un coup de pistolet.

L'histoire doit à Lafayette cette justice, qu'après les événements du 14 juillet, ces deux meurtres furent les seuls où la force publique ne put être réprimante. Beaucoup d'autres furent empêchés par lui personnellement, et souvent en s'exposant beaucoup lui-même; car le peuple ne pouvait pas comprendre que ce qui avait été admis le 14 ne le fût pas toujours, et prenait pour ennemi tout ce qui osait s'opposer à sa volonté. Dans les temps calmes, on ne doit tenir compte aux hommes publics que du bien qu'ils font; mais dans les orages révolutionnaires, on doit leur tenir compte aussi du mal qu'ils empêchent; et certainement, à cette époque, Lafayette en empêcha beaucoup, on pourrait presque dire tout le mal qui ne se fit pas. Cet événement eut lieu peu de jours après la nomination de Lafayette. Il en conçut une forte indignation et une profonde douleur.

C'était souiller les premiers moments de son commandement. Il donna sa démission et ne céda qu'aux instances des électeurs, qui le conjurèrent de ne pas abandonner un poste que l'intérêt public le pressait de garder.

N. X. (Page 86.)

'Arrêté du comité permanent établi le matin, 13 juillet 1789, par l'assemblée générale.

La notoriété des désordres et les excès commis par plusieurs attroupements, ayant déterminé l'assemblée générale à rétablir, sans délai, la milice parisienne, il a été ordonné ce qui suit:

1.o Le fonds de la milice parisienne sera de quarantehuit mille citoyens, jusqu'à nouvel ordre.

2.o Le premier enregistrement fait dans chacun des soixante districts, sera de deux cents hommes pour le premier jour, et ainsi successivement pendant les trois jours suivants.

3.o Ces soixante districts, réduits en seize quartiers, formeront seize légions, qui porteront le nom de chaque quartier, dont douze seront composés de quatre bataillons, également désignés par le nom de districts, et quatre de trois bataillons seulement, aussi désignés de la même manière.

4.o Le fonds de chaque bataillon sera de quatre compagnies.

5. Chaque compagnie sera de deux cents homines, dont la composition sera portée, dès le premier jour, à cinquante hommes, pour compléter successivement les deux cents hommes demandés à chaque district, à l'effet de commencer le service.

6.

6. L'état-major sera composé d'un commandant-général en second, d'un major-général et d'un aide-majorgénéral.

7.° L'état-major particulier de chacune des seize légions, sera composé d'un commandant en chef, d'un commandant en second, d'un major, de quatre aidemajors et d'un adjudant.

8.o Chaque compagnie sera commandée par un capitaine en premier, un capitaine en second, deux lieutenants et deux sous-lieutenants.

Les compagnies seront composées de huit sergents, dont le premier sera sergent-major; de trente-deux caporaux, de cent cinquante-huit factionnaires et de deux tambours.

9.o Le comité permanent nommera le commandantgénéral, le commandant-général en second, le majorg3néral, l'aide-major-général et les états-majors de chacune des seize légions, sur les désignations et renseignements qui seront adressés par les chefs des districts.

Quant aux officiers des bataillons qui composent lesdites légions, ils seront nommés par chaque district, ou par des commissaires députés, à cet effet, dans chacun des districts et quartiers.

Marque distinctive.

10. Comme il est nécessaire que chaque membre qui compose cette milice parisienne, pórte une marque distinctive, les couleurs de la Ville ont été adoptées par l'assemblée générale ; en conséquence, chacun portera la cocarde bleue et rouge. Tout homme qui sera trouvé avec cette cocarde, sans avoir été enregistré dans l'un des districts, sera remis à la justice du comité permanent. Le grand état-major réglera les distinctions ultérieures de tout genre.

Tome I.

7.

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11.o Le quartier général de la milice parisienne sera constamment à l'Hôtel-de-ville.

12.o Les officiers, composant le grand état-major, auront séance au comité permanent.

13.o Il y aura seize corps-de-garde principaux pour chaque légion, et soixante corps-de-garde particuliers, correspondants à chaque district.

14.o Les patrouilles seront portées partout où il sera nécessaire, et la force de leur composition sera réglée par les chefs.

15.o Les armes prises dans les corps-de-garde y seront laissées par chaque membre de la milice parisienne à la fin de son service, et messieurs les officiers en seront responsables.

16.o D'après la composition arrêtée de la milice parisienne, chaque citoyen admis à défendre ses foyers, voudra bien, tant que les circonstances l'exigeront, s'astreindre à faire son service tous les quatre jours. Fait à l'Hôtel-de-ville, le 13 juillet 1789. Signé, Deflesselles, prévôt des marchands.

Tel fut le premier acte d'autorité publique qui constitua la force civile armée. Elle fut bientôt áprès organisée, sous le nom de garde nationale parisienne, puis gardes nationales de France, et subit ensuite différentes variations, jusqu'au décret du 14 juillet 1790, lors de la première fédération, qui constitua la garde nationale par une loi comprenant tous les détails de son organisation intérieure, de sa formation, armement, équipement et administration intérieure.

On ne s'est pas assez souvenu que cette première institution a donné, en 92, les premières armées qui ont sauvé la France du joug étranger, et cela contre toute vraisemblance politique et militaire; et par suite, elles ont formé et recruté les armées qui, pendant sept campagnes de dix mois chacune, ont repoussé, battu, défait, pris toutes les armées de l'Europe, et confondu tous les systèmes militaires admis; mais il ne faut pas oublier aussi que ces systèmes militaires étaient constitués et dressés pour se mesurer les uns avec les autres, et que l'état militaire de gardes nationales ne peut pas être un état permanent pour une nation : elle s'épuiserait.

Copie du

rapport des journées des 13, 14, 15, 16, 17 et 18 juillet 1789.

En ma qualité d'électeur, je me trouvai, le lundi 13 juillet, à l'Hôtel-de-ville, pour y remplir mon devoir. Sur les quatre heures après-midi, on y transporta quatre barils de poudre, que l'on déposa dans la cour, en face de la statue de Louis XIV, où le peuple en foule demandait, avec instance, que l'on lui en livrât; autrement qu'il allait les défoncer. Témoin de l'émotion du peuple, je l'engageais, autant que ma voix pouvait se faire entendre à travers le tumulte, de ne pas défoncer les barils, tant je prévoyais combien de gens mal-intentionnés et imprudents pouvaient commettre de désordre, s'ils avaient une fois la poudre à discrétion. Je me disposai même à aller chercher les gardes-de-ville pour contenir le peuple obstiné, lorsque j'entendis un coup de fusil partir à côté desdits barils: un frémissement me saisit; mais il n'eut pas de suite; et les gardes-de-ville, armés seulement avec leur épée, vinrent entourer les barils, et écartèrent un peu la foule qui voulait s'en emparer. Sur le champ, j'allai trouver M. Deflesselles qui était chez M. Veytard, avec quelques électeurs; je leur fis part du danger de laisser la poudre dans la cour, exposée à être pillée par le peuple. Il fut convenu que l'on me donnerait un endroit propre à renfermer les barils, et dont M. Deflesselles me fit donner la clef. Ce fut dans les bureaux des payeurs de rentes, où sont aujourd'hui deux corps-de-garde.

A peine les quatre barils y furent-ils déposés, que l'on apporta quatre-vingt barils que le peuple avait saisis sur le port Saint-Nicolas. Je les fis mettre dans le second bureau; je pris alors deux hommes qui se trouvèrent là,

« EelmineJätka »